Austenland

cropped-ja-hw1.gifEcriture de Jane Austen, écrivain britannique (1775-1817)

austenland

J’emprunte le titre d’un film (pas encore diffusé en France) pour vous parler d’un pilier de la littérature anglaise : Jane Austen. En juillet dernier, Arte a eu la belle idée de rediffuser des films de la BBC inspirés de ses romans, ces trésors aux histoires pleines d’amour, de légèreté et de finesse, d’ironie parfois mordante, d’humour pétillant… et une représentation unique d’une certaine société anglaise au tournant du XIXe siècle. Telle une historienne du quotidien de la vie britannique d’alors, Jane Austen nous fait vivre dans les principes de son temps, tout en critiquant finement grâce à des héroïnes souvent brillantes, fortes et attachantes. Naturellement, j’ai voulu rafraîchir la mémoire de l’ex-étudiante en anglais que je suis et j’ai découvert sur le Net un engouement insoupçonné pour cet écrivain !

silhouette

Silhouette et écriture de Jane Austen (ici)

Des Etats-Unis à l’Australie, du Canada à l’Angleterre (of course) et même en France, de nombreux blogs ne traitent que du petit monde de Jane Austen : sa vie, ses romans, les adaptations, les influences… Elle est même l’objet d’un vrai culte et d’une économie florissante autour de voyages organisés, d’objets dérivés multiples… Moi qui croyais que l’idée de P.D. James était très originale en écrivant « La Mort s’invite à Pemberley« , suite d' »Orgueils et Préjugés » ! Pour ne pas me disperser, je me suis concentrée sur le très joli blog, bien écrit et illustré, d’Alice : Jane Austen is my Wonderland… Contrairement au titre, le blog est en français ! Vous y trouverez de nombreux articles et des liens pour butiner si le sujet vous intéresse.

quilt JA

Comme toutes les femmes de l’époque, Jane Austen (1775 – 1817) brodait, cousait… et pour son plaisir, elle a fait, en compagnie de sa mère et de sa sœur Cassandra, un patchwork ! Ah voilà que je vous intéresse encore plus !… Cet ouvrage est remarquable à plusieurs titres. Décortiquons ensemble ses particularités, si vous voulez bien faire un petit tour dans le passé avec moi.

Nous sommes en Angleterre, au début du XIXe siècle. Les trois Dames Austen collectent les tissus afin de continuer leur ouvrage, en témoigne la lettre datée de 1811 de Jane à sa sœur : « As-tu pensé à récupérer des tissus pour le patchwork ? Nous sommes bloquées » (très librement traduit de “Have you remembered to collect pieces for the patchwork… we are at a standstill”). Leur ouvrage fait en commun est piécé dans la tradition anglaise, avec des morceaux de carton ou papier soigneusement découpés en gabarits, eux-mêmes enveloppés de tissus, puis assemblés au petit point de surjet. C’est ce qu’on appelle encore la méthode à l’Anglaise.

jane-austen-portraitPortrait de Jane Austen

Le patron est absolument unique, inventé par ces Dames. Si le médaillon (grande pièce centrale) est figure commune de ce temps-là, l’assemblage de losanges est alors inédit : autour du centre en forme de grand losange, un ensemble de losanges de taille moyenne, avec des bandes intermédiaires forment la plus grande partie du top, puis viennent de très petits losanges (environ 2 400 !) en bordure.

austen-quilt

Ces losanges ont donné bien du fil à retordre aux quilteuses des siècles suivants ! Il faut dire que la plupart ont travaillé avec des photos plus ou moins bonnes de l’ouvrage et il est donc difficile de le reproduire ; pensez au luxe d’avoir eu le livre de  Brenda Papadakis pour copier le Dear Jane ! Même si l’ouvrage des Austen Ladies n’est pas aussi complexe que le sampler de l’Autre Jane, ce n’est pas tâche facile que d’estimer de loin la taille des losanges. Les quilteuses modernes optent instinctivement pour des angles à 120° et 60°, mais cela donne alors un top bien trop long et trop étroit. Ce ne sont pas les bonnes proportions ! Pourquoi avoir « fait compliqué » ? C’est parce que Jane, Cassandra et leur mère n’ont rien mesuré comme nous ! Sans certitude, on peut seulement imaginer que, partant de leur chintz imprimé central, les Dames Austen ont simplement choisi la taille de leur losange pour cadrer au mieux le pot de fleurs. Il en résulte une forme plus dodue, avec des angles d’approximativement 110° et 70°. Tous les autres losanges auront donc cette même forme, par répercussion.

diamonds

Malgré une soigneuse rénovation récente, les tissus choisis initialement sont difficiles à imaginer neufs car les teintures ont forcément passé et évolué. On sait que les floraux sont principalement en chintz (coton raidi au toucher soyeux, généralement pour l’ameublement, originaires d’Inde), les bandes intermédiaires en tissu de coton ivoire à petits points ; les losanges sont variés (peut-être 64 différents tissus) soigneusement coupés et centrés. Quant aux petits losanges de bordure (1/9e de la taille des losanges moyens), ils sont de tissus globalement plus foncés que les autres.

Rosalee Clark, une de ces quilteuses passionnées dont je m’inspire largement pour cet article, a découvert une autre particularité de cet ouvrage : si on partage le top en deux dans le sens de la hauteur à partir du milieu, les tissus sont tous disposés en image miroir… oui, même les minuscules losanges !… Elle a soigneusement fait une réplique de l’original qu’elle n’a jamais vu (elle habite en Australie, « un peu » loin de la maison-musée de Chawton Cottage, Hampshire, qui abrite le chef d’oeuvre des Austen Ladies !) :

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Différent de l’original mais ravissant !

Une précision encore, l’ouvrage des Austen est un patchwork (assemblage de morceaux) mais pas un quilt (ouvrage matelassé) !! Il est pourtant bel et bien fini, doublé et maintenu par des petits points çà et là, ce qui n’était pas rare en Angleterre à l’orée du XIXe siècle. En anglais on parle alors de « coverlet », en français jeté de lit ou couverture légère.

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Chawton Cottage, où vécut la famille Austen à partir de 1809. On peut visiter cette maison dans laquelle on voit le jeté de lit dans la chambre de Jane Austen. Le tout est maintenant protégé par une vitre.

Si vous aussi vous souhaitez réaliser « votre » Austen à losanges, je ne peux que vous engager à vous procurer le livre de Linda Franz (ici) :

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Elle vous propose un livre de 48 pages sur ce patchwork, les gabarits exacts et la possibilité de télécharger les modèles pour travailler avec sa méthode « Inklingo » (impression des gabarits directement sur vos tissus avec votre imprimante). Beaucoup de temps gagné ainsi !!

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Signalons aussi ce magnifique livre de Linda Franz toujours (en option : 2 DVD), qui a combiné deux chefs-d’oeuvre faits par deux Jane : Linda a conçu un quilt-sampler, inspiré du Dear Jane de Jane Stickle, en… losanges, comme celui de Jane Austen !

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Superbe « Love & Friendship » de Linda Franz

Ce qui me plaît le plus dans ce livre, ce n’est pas tant le quilt proposé que toutes les explications très détaillées pour un travail à la main parfait, ainsi que les innombrables citations sorties des six romans de Jane Austen… Un délice que je lis et relis avec la délectation d’une abeille butinant un épi de lavande !

lavande abeille

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Pour celles qui trouvent un peu de temps pour faire aussi du point de croix, ce blog montre de charmants petits ouvrages avec des phrases écrites par notre chère JA comme :

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JaneAustenontheWeatherFINISHEDpicforwebsite

Modèles en vente à Sampler Girl

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Une nouvelle est tombée cet été qui enthousiasme les fans de Jane Austen : le billet de £10 sur lequel figure Darwin sera progressivement remplacé à partir de 2017 (pile 200 ans après sa disparition) par notre chère romancière-couturière !

Jane Austen banknote

Petite phrase de Jane Austen qui me réjouit grandement :
« Je déclare qu’il n’y a rien de plus agréable que la lecture. »
… et le patchwork, ajouterais-je !

. . . . . . .

JA HW end

 

46 commentaires sur « Austenland »

  1. Merveilleux article comme d’habitude…Passionnée de littérature anglaise, j’ai découvert Jane Austen il y a….pfou ! 20 ans ! J’ai tous ses livres (enfin, le peu qu’elle ait écrit) mais lu et relu avec bonheur et je m’émerveille encore aujourd’hui de sa finesse et de son intelligence à observer et « décortiquer » les gens…..Quel grand écrivain et quelle fine psychologue !
    Mais paradoxalement, je n’ai jamais cherché à faire son quilt ! C’est fou…

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    1. Même innovant pour son époque, le « quilt » de Jane Austen est très daté, on n’est pas obligé de l’aimer autant que sa littérature ! Et malgré la profusion actuelle il est difficile de trouver des tissus qui ont la douceur des teintures d’alors et le style des Indiennes. Si je m’aventure un jour dans cet ouvrage, je choisirais sans doute des tissus French General ou Blackbird Designs… Andover a créé des imprimés spécialement pour copier le centre en médaillon, c’est une autre piste. Ou alors, opter pour des « civil war » de Judy Rothermel ou Barbara Brackman…
      Bon, c’est juste pour info Cécile !! Mais si un jour tu le fais, dis-le nous !!

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  2. C’est amusant ton article, car le week-end du 15 Août je recevais des amis Anglais, et la discussion est venue sur Jane Austen, où elle me disait que c’était ses livres qu’ils étudiaient à l’école! J’ai pû regarder quelques films sur Arte, j’ai bien aimé!
    Merci pour tous tes articles très intéressants!

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    1. Je dois avouer que j’ai été étonnée de l’engouement planétaire pour Jane Austen, notamment chez les jeunes femmes, et du nombre de publications parodiques, copiées, mises en BD… De l’or pour les éditeurs !
      Je retiens de Zola surtout comme toi « Au Bonheur des Dames », ainsi que « L’Oeuvre » et aussi « Une Page d’Amour », complètement méconnu mais si touchant… D’autres romans et affaires les ont éclipsés. Et puis, on lit moins la littérature française dans le monde… Un bon film, peut-être, pourrait relancer sa lecture ?…

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  3. Passionnant !!! Je ne savais absolument pas qu’il y avait en plus du patchwork dans leur monde. Je vais acheter le livre.
    Passionnée par PD James, j’ai acheté « Orgueil et préjugés » pour le relire avant le policier de PDJames.
    Vivement le film en France et, là, en VO !
    Et je relis régulièrement « Au bonheur des dames », pas de doute, nous vivons toutes dans le même monde…

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  4. Quel article! passionnant!
    Oui mais moi, je n’ai jamais appris l’anglais!!! qu’allemand et espagnol…grave lacune qui m’handicape fortement!
    alors comment faire pour lire le livre de linda qui m’intéresserait? j’aimerais me lancer dans cet ouvrage. en ce moment j’avance mon Dear Jane……

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    1. J’ai le livre « Quilted Diamonds » et je crois que, même en ne comprenant pas l’anglais,on peut facilement tout suivre : le livre est une suite de gabarits. Je suis presque sûre que le livre « JA Patchwork Mystery » doit avoir les gabarits imprimés à la bonne échelle et peut se faire sans lire le texte. Une fois les gabarits établis, le plus difficile est de trouver les tissus !
      Tiens-moi informée Mary !

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    1. Ah Christine, en bonne Abeille tu as toujours des trouvailles incroyables ! J’ai mis en illustration le début et la fin d’une lettre de Jane Austen, sans imaginer qu’il puisse exister ce genre de logiciel -sinon j’aurais peut-être écrit l’article en commençant par « Chère quilteuse »… à la manière de Jane!
      Merci et vivement la rentrée des Abeilles !

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  5. J’ai lu et relis encore tous les romans de Jane Austen, en français car je ne comprends pas l’anglais et je le regrette. Les adaptations de ses romans au cinéma me déçoivent la plupart du tant, sauf « Orgueils et Préjugés » avec Colin Firth, produit par la BBC. Merci encore pour cet article si bien documenté. Bonne journée.

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    1. Le rôle de Mr. Darcy colle parfaitement à la peau de Colin Firth ! Je l’ai encore plus aimé dans le rôle ambigu de Vermeer dans La Jeune Fille à la Perle…
      Même les adaptations imparfaites me ravissent par les robes,les décors… Pour ce genre de films, je suis très bon public 🙂

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  6. Merci pour cet article super intéressant. Je vais le mettre de côté pour le relire tranquillement. Belle soirée.

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  7. merci pour cet article, j’ai relu Jean Austen encore récemment et ne m’en lasse pas, j’aime beaucoup son univers, son intelligence , vos renseignements sont très intéressants, encore merci

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  8. Merci pour ton article passionnant. C’est ma fille, grande fan de Jane Austeen qui m’a contaminée et grâce à elle j’ai découvert tout l’univers qui gravite autour de cette romancière. Si je ne me trompe pas, il existe même un forum qui lui est consacré. Je connaissais le « coverlet » mais je ne savais pas que c’était un ouvrage familial. Je l’aime beaucoup et peut être m’y lancerais-je un jour.
    bonne fin de semaine

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      1. So sorry to use the blog but I just tried to send you an e-mail at your Hotmail.fr e-mail address and it came back to me, do you have another e-mail address I could use? Bises!

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  9. Qu’il est bon quelquefois d’entrer dans ce monde si corseté du XIXe siècle anglais où les inégalités sociales sont si réjouissantes !
    Mais Colin Firth en Darcy alors non ! Quel lourdaud bien éloigné de l’image du gentleman rêvé !

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  10. Vive la rentrée! Même si tu as mis quelques articles cet été, je retrouve avec grand plaisir mon blog préféré sur lequel je « m’instruis » grâce à tes articles si bien documentés et écrits, sans oublier les ouvrages.
    Je connais les livres de Jane Auten, j’ignorais qu’elle suscite, ni que ‘elle avait réalisé en famille ce coverlet. Voilà encore un joli domaine à explorer.
    Merci Katell

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  11. superbe article en effet! Je rajouterais qu’en plus du livre , le DVD est un cours particulier pour le quilting main qui m’a beaucoup appris à mes débuts. J’essaye de travailler machine car j’ai plus d’envies que de temps mais j’aime le travail main plus que tout!!!

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  12. Comme cet article me ravit, Katell ! Je suis une grande fan de Jane Austen et je n’ai pas loupé les diffusions d’Arte, cet été. Quand j’ai découvert cette auteure, assez tardivement je dois bien l’avouer, j’ai été également très surprise de voir l’engouement qu’elle suscitait encore. Je suis bien abonnée à quelques blogs et sites mais j’ai peu de temps pour les lire et c’est un déchirement !
    Quant au patchwork, il est sur ma liste des à-faire-absolument. Non pas que je le trouve exceptionnel (et j’ai même peur de m’ennuyer un peu à le réaliser) mais c’est celui de Jane Austen ! 😉
    Enfin, je le dis : il n’y a qu’un seul merveilleux Mr Darcy et c’est Colin Firth ! 🙂
    Merci pour ce billet, Katell, et bisous !

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  13. C’est un très bel article, qui m’apprend à connaitre un peu mieux Jane Austen, je pense acheter le livre pour le patchwork mais aussi des livres écrit par Jane, comme dit sandynette ça donne envie dans apprendre plus.
    Merci

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  14. Je viens de commander « Quilted Diamonds »sur le site de Linda Franz…avec, bien sûr, la volonté de réaliser ce sampleur dans la foulée …En attendant de recevoir le livre ,peut-être peux tu me dire quelle quantité de tissu bleu et tissu de fond est-il necessaire de prévoir …
    Merci d’avance et encore félicitations pour ton blog ,le plus riche de tous ceux que je connais !

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    1. C’est très gentil Michel ! Mais, revers de la médaille, quand j’écris je ne patche pas…
      Alors, pour répondre à ta question, je viens de prendre mon livre. Linda Franz précise que ce sont des mesures pour coupe à la main de manière économique. Il faut 8 yards 1/2 de tissu « focus », le bleu fleuri du modèle, et 9 yards 1/2 de tissu de fond blanc en tout.
      Tu as raison de choisir ce modèle, chaque bloc est une petite merveille. J’aime aussi tellement les citations sorties des livres de Jane Austen ! J’ai fait une licence d’anglais, alors j’ai un faible pour cette littérature…
      A la prochaine, il me tarde de voir tes premiers blocs en Diamonds !

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  15. Nouvelle venue dans le monde du patchwork, j’ai découvert votre blog en surfant sur le net : depuis je suis accro à vos articles , et me précipite dessus dès que je les reçois, en allant sur presque tous les liens : autant dire que j’y passe du temps ! Et je découvre une créativité, une richesse artistique et un savoir-faire que je ne soupçonnais pas ( en même temps, c’est presque un sacerdoce! ) . Merci pour vos articles toujours documentés et très bien écrits.
    Une fan de Jane Austen ( et de Darcy-Colin Firth …).

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