Scherenschnitt : derrière ce mot indigeste si on ne le comprend pas se cache un passe-temps ancien érigé parfois en art : la découpe de papier aux ciseaux. Comme souvent, la Chine pratique cet art depuis plus d’un millénaire ! Il semblerait que les débuts soient liés à l’idée de faire des pochoirs pour décorer la porcelaine. Le mot consacré à ces petits tableaux de papier noir est allemand (Scheren : ciseaux, Schnitt : coupe) car cet art est devenu très prisé en Suisse et en Allemagne :
Oeuvre de Hans-Jürgen Glatz
Quelle folle dextérité ! Notez la belle symétrie du tableau. Les thèmes sont infinis et les émigrés européens ont fait suivre cette activité en Amérique, principalement en Pennsylvanie. On soupçonne donc que les motifs d’appliqué Baltimore proviennent de Shrerenschnitte, les premiers blocs ayant cette symétrie « en flocon de neige » (nos pliages et découpages de maternelle améliorés !) :
Appliqué de style Baltimore datant de 1845 (Maryland)
Cet art du Scherenschnitt, maintenant internationalisé et traduit « papercut » en anglais (« kirigami » en japonais !), connaît un regain d’intérêt dans le monde des arts créatifs.
Plus communes mais si populaires pendant les siècles derniers sont les silhouettes, découpées elles aussi dans du papier noir :
Silhouette de Jane Austen
Mais d’où vient cette mode des silhouettes ?
Etienne de Silhouette (1709-1767) fut en 1759 le contrôleur général des impôts de la royauté française sous Louis XV. Très impopulaire dans un monde en crise, son nom fut raillé et utilisé pour, notamment, des dessins d’un trait en ombre chinoise, bien meilleur marché qu’un portrait en couleurs :
Et voilà que ce monsieur si décrié laisse pour la postérité son nom devenu commun !
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Claire Storrer, quilteuse alsacienne, a repris cette tradition de la silhouette… en appliqué, avec ce joyeux couple d’enfants alsaciens à la manière du dessinateur Hansi :
On devine de joyeux enfants un peu délurés et si sympathiques ! L’encadrement est en dentelle ancienne et en tissu kelsch, typique de l’Alsace.
Autre tableau reprenant cette tradition :Karin Weiss a mis en scène ce joli couple à la manière d’un chromo d’antan avec un cœur de houblon très minutieusement fait. La bande blanche en tulle représente-t-elle le voile de mariée ?*
Ces magnifiques petits quilts font partie de la Valise France-Patchwork 67 (La Bière d’Alsace). Callale l’Abeille, Alsacienne de cœur, nous a décrypté quelques autres références culturelles et symboliques lors d’un stage de l’amitié hier en Haute-Garonne. Bientôt elle nous en fera ici un article !
(photos des quilts : Callale)
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* J’ai été nulle ici : les copines alsaciennes m’ont amicalement fait remarquer que la bande blanche symbolise la mousse de bière, l’ouvrage est quilté avec des bulles qu’on voit bien sur l’ambre de la bière… Mes excuses à Madame Weiss !
Très très intéressant ! Quel plaisir de te lire ! Chacun de tes écrits me permet de découvrir avec bonheur les « mille facettes » du patchwork, de faire « des rencontres » qui me donnent envie d’élargir mes connaissances. Merci à toi.
Bon début de week-end. Bien amicalement. Nicole.
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Je me nourris beaucoup des œuvres des autres quilteuses ! Les talents sont si riches et divers…
Bon week-end à toi aussi !
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un grand merci pour cet interessant article . J’aime beaucoup les petits tableaux alsaciens
bonne journée
michele
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Ils sont craquants effectivement et la réalisation est parfaite !
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Très intéressant !!!! Merci …. 🙂
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habitant prés de genève je connais les découpages de papiers qui sont magnifiques.
mais j’ai appris aujourd’hui d’ou vient le mot « Silhouette » grâce à ce post.
bon week-end
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La langue française nous réserve parfois d’amusantes découvertes !
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Merci pour cet article. J’adore les découpages de papier. J’ai brodé sur ce thème, retour d’Alpage, il y a quelques années. C’est sympa d’adapter les silhouettes au patchwork.
Beau week end.
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Le noir & blanc est toujours saisissant, il est ici extrêmement bien encadré et maîtrisé !
Puis-je avoir une photo du Retour d’alpage pour le montrer sur ce blog ? Si oui, merci de l’expédier en PJ de mail à katell(point)fp31(arobase)gmail(point)com.
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Bonjour Katell,
Ce matin, je parle du règne de Louis XV dans mon atelier d’aide à la recherche en histoire, je rajouterais quelques mots sur M de Silhouette.
Merci pour cet article passionnant et pour les belles photos.
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Merci Caryatides ! Ton blog historique et artistique est aussi pour moi source de grand intérêt !
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Chacun de tes articles m’enrichit un peu plus..
Je découvre qu’en France (et en Europe si nous remontons le temps), nous sommes à l’origine de quelques techniques importées aux Etats-Unis.
Merci pour ce partage et bon WE !
Bises
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Les migrants ont apporté au Nouveau Monde leurs rêves, leurs cultures, leur savoir-faire… Une majorité européenne a jeté les bases de l’Amérique actuelle tout en intégrant maintes autres influences !
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j’ai un peu de mal à prononcer le mot « scherenschnitt » et j’aurai du mal à m’en souvenir, mais merci de cet article bien intéressant.
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Je compatis 😉
Se prononce un peu comme ceci : ché-renne-chnite !!
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Excellent article, c’est aussi le principe du Tifaifai introduit par les missionnaires au XIX siècle (Mr Silhouette y doit être à l’origine n’est-ce-pas ?)
découpage du tissu en s’inspirant de la nature ou motifs géométriques ou de la vie quotidienne qui agrémente l’intérieur des maisons « faré » en Polynésie. J’aime beaucoup le tableau de Hans-Jürgen Glatz qu’elle finesse !
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Je te lis toujours avec grand plaisir car tes posts sont très riches en informations. Merci encore et bon week-end.
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Merci Katell pour cet article extrêmement intéressant. Les oeuvres en papier découpé sont très présentes sur nos marchés de Noël, et on ne peut qu’admirer la finesse et la précision des découpes. Je me suis souvent dit qu’un petit coup de ciseau de trop devait être une véritable catastrophe : il ne faut surtout pas effrayer l’artiste au travail ! Sur les stands, il n’est pas rare de pouvoir assister à la création de ces chefs-d’oeuvre. On est bouche bée devant tant de dextérité !
Pour ce qui est du patchwork de Karin, je pense que la bande de tulle symbolise plutôt la mousse de la bière 😉
Claire
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Merci pour tes précisions Claire,surtout pour mon contresens concernant le quilt de Karin : mais où avais-je la tête (et les yeux) ?
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Merci pour cet article Katell. En lisant le titre, on croirait que tu éternues mais les deux premières photos nous montrent des chefs-d’oeuvre, la petite histoire est instructive et je trouve drôle la fin de ton article, à propos de l’interprétation du quilt ;o)
Les papiers découpés…ça me rappelle un article de Cent Idées, il faut que je recherche…
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Parfois il me semble que tout mon blog fait référence à des articles de Cent Idées, LE magazine de mon adolescence qui m’a façonnée ! Je n’ai pas eu le temps de chercher cet article mais je m’en souviens…
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