Des Dames de Habsbourg

 Depuis mon voyage à Vienne il y a deux mois, je ne peux m’empêcher de me documenter sur les personnages et mouvements artistiques liés à cette ville : le baroque, le Jugendstil, Klimt, Hundertwasser, et puis plusieurs figures féminines au destin hors du commun de la famille des Habsbourg comme Marie-Antoinette, Marie-Louise et bien sûr Elisabeth d’Autriche…

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Elisabeth d’Autriche en 1865, à 27 ans – Peintre : Winterhalter. Sa robe est signée du célèbre couturier Worth, fondateur de la Haute-Couture française ; elle est de satin et de tulle blancs, brodée de lames d’or. Les bijoux de cheveux sont des étoiles  en diamants du bijoutier Köchert, dynastie de bijoutiers toujours établis à Vienne.

 

Cette femme est fascinante par sa complexité et son destin, sa personnalité si singulière que mes premières recherches me donneraient presque envie d’y consacrer beaucoup plus de temps ! Son histoire familiale colle à la grande histoire de l’Europe que je comprends mieux au fil des lectures récentes, car, hormis quelques éclairages partiels, ma vision des Cours d’Europe se focalise plutôt sous le prisme français ou anglais et mes lectures historiques sont depuis des années centrées sur les artistes, les découvreurs, les gens ordinaires devenant extraordinaires…

L’empire de Franz-Joseph et d’Elisabeth, au coeur du XIXe siècle, englobe une immense partie de l’Europe. Après la folie expansioniste de Napoléon puis sa déchéance, l’empire des Habsburg s’étend de nouveau en gros pavé au centre de notre continent, englobant des peuples aussi divers que des Polonais, des Italiens, des Croates, des Hongrois, des Allemands, des Serbes… chez qui monteront des nationalismes engendrant d’innombrables guerres. N’oublions pas que c’est l’assassinat du successeur désigné de Franz-Joseph (mari d’Elisabeth) qui précipitera la première Guerre Mondiale…

IMG_5503Plus tôt dans l’Histoire, il y eut Marie-Antoinette. Jusqu’en avril dernier, je n’en connaissais que l’écume de sa vie française. En visitant Vienne, j’ai appris que sa mère, Marie-Thérèse la Grande, fut une remarquable chef politique, une  très grande impératrice qui régna pendant plus de 40 ans sur une grande partie de l’Europe. Le merveilleux château de Schönbrunn, le « Versailles viennois », conserve son empreinte.

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Côté cour et entrée, le château jaune et vert sombre pour les boiseries (couleurs qu’on retrouve dans toute la ville) nous accueille. Les parterres sont entretenus simplement, d’un coup de tondeuse, sans gazon sélectionné et  chèrement désherbé : un naturel qui fait du bien !
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La visite du château de Schönbrunn (= la belle source) nous laisse une impression d’harmonie : le bâtiment le plus visité d’Autriche était fin avril très calme et nous avons pu en profiter pleinement ! La grande visite des pièces est passionnante.
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Vue du balcon principal, côté jardin. A l’horizon, la gloriette. On ne voit pas toutes les dépendances, elles aussi fort intéressantes : orangerie, grandes serres tropicales, zoo, musée des carosses, des kilomètes d’allées ombragées…
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Le château vu de la gloriette. Le centre ville se trouve à l’extrême droite de la photo. Schönbrunn était la résidence d’été et Hofburg (en centre ville, à environ 5 km de là) le palais d’hiver. Marie-Antoinette y passa une jeunesse heureuse !
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Le parc de Schönbrunn peint par G. Klimt (en 1916) qui, à la fin de sa vie, avait son atelier à 3 stations de métro de là. Il y avait ses habitudes et donnait souvent rendez-vous à ses copains à la buvette de la gloriette !

Marie-Antoinette, avant-dernière des 16 enfants de Marie-Thérèse, n’était pas destinée à être dans la lumière, son éducation fut donc légère : elle savait à peine lire à 10 ans. Elle vivait heureuse à Vienne, vive et insouciante, apprenant le maintien, la danse, la musique… Elle assista à la visite à la Cour de Vienne du jeune prodige Mozart, de quelques mois son cadet : ils avaient tous deux 7 ans !

Sa mère, cependant, fit comme les autres monarques de son temps en utilisant le mariage de ses enfants comme gage de paix et alliance avec d’autres pays : à cette jeune fille il incomba d’épouser le futur roi de France…

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Maria Antonia, 12 ans, peinte par Van Meytens (1767). C’est la dernière fille de l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse et François 1er de Lorraine. Deux ans plus tard, elle sera promise au futur Louis XVI de France. On la connaît mieux sous son prénom français, Marie-Antoinette !
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Marie-Antoinette pendant sa coiffure – Heinrich Lossow
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Marie-Antoinette, reine de France, en 1783 (à 27 ans). Sa robe d’apparat est extravagante !

Tel un puzzle qui se met en place, mieux connaître les Habsburg me fait mieux comprendre notre Histoire. Il est passionnant de comparer les grandes figures féminines. Marie-Antoinette, arrière-grand-tante par alliance de Sissi, avec qui elle partage de nombreux points communs, a grandi dans les mêmes châteaux que ceux où vécut l’impératrice Elisabeth. Mais là où Marie-Antoinette, dernière fille de l’Impératrice Marie-Thérèse, avait une jeunesse plutôt libre et joyeuse avant de subir l’étiquette à la Française, Elisabeth subira de plein fouet les devoirs dus à son rang, imposés par sa belle-mère, après son enfance libre et joyeuse en Bavière… Pour chacune, le mariage à 15 ans est décidé pour l’alliance entre deux peuples… Elles vécurent dans le luxe de leur rang, pas toujours aimées du peuple… et moururent toutes deux très violemment. Autre pays, autre dynastie, autre époque, on ne peut s’empêcher de faire des rapprochements entre ces deux femmes et Lady Diana. Les comparaisons fusent : leur destin tragique, leur beauté, leur élégance favorisent des raccourcis dont il faut tout de même se méfier.

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Mariage le 2 avril 1810 de Napoléon et Marie-Louise. Peinture de Louis Rouget (Château de Versailles)


Quant à Napoléon, qui se souvient qu’il fut l’oncle de Sissi puisqu’il épousa la douce Marie-Louise ? De leur union naîtra Napoléon II, enfant écartelé entre la France et l’Autriche, mort à 21 ans.

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Voici Marie-Louise que Napoléon épousa pour avoir un fils que ne put lui offrir sa première épouse Joséphine… Le petit Napoléon II fut revendiqué par les deux pays (France et Autriche), rudement éduqué et mal aimé. Héros romantique et poignant dont la mort à 21 ans reste mystérieuse, il entra dans la Légende avec des poèmes de Victor Hugo, puis une pièce d’Edmond Rostand (l’Aiglon, joué par Sarah Bernhard).

Maria Ludovica ( surnommée Luisi) naquit à Vienne en 1791 au palais impérial viennois, son père devint Empereur d’Autriche alors qu’elle avait 2 mois. Elle est éduquée de manière plutôt simple, apprend plusieurs langues dont le français, première langue internationale de l’époque, aime la broderie, le jardinage et toutes activités des jeunes filles de famille aisée de son temps. Durant son adolescence, l’Autriche perdait bataille sur bataille contre Napoléon qui humiliait son pays. Alors imaginez quand on lui apprit sa future alliance avec celui qu’elle appelait « l’ogre corse » lequel, fort peu élégamment, dit « j’épouse un ventre » [pour avoir un fils]. La pauvre dit « se sacrifier pour le bien de l’état »… Bref cela commence plutôt mal !

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Marie-Louise épousa à 18 ans Napoléon (40 ans), qui voulait allier sa famille corse à l’une des plus prestigieuses dynasties européennes.

Pourtant le couple fut heureux pendant quatre petites années, même si le peuple français râle contre cette nouvelle Autrichienne qui, en retour, craint ces gens qui ont coupé la tête de sa tante Marie-Antoinette… Douce et docile, elle n’a pas les armes pour se défendre contre la cruauté de la Cour, pas plus que celle du clan corse. Elle aime remplir sa vie simplement, de couture et broderie, de lecture et de promenade. Elle donne un fils à l’Empire pour le plus grand bonheur de son mari et devint même par deux fois Régente de l’Empire français. Elle rentrera en 1814 en Autriche pour se retrouver sous le joug de son père et ne revit jamais son mari exilé (mort en 1821), puis vécut principalement en Italie, Duchesse de Parme durant plus de 30 ans.

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Marie-Louise, en robe Empire (à la taille haute), peinte par Robert Lefèvre. Ces robes sont héritées de la mode gréco-romaine alors en vogue. Elles laissent assez de liberté au corps, sont agréables à porter… mais le corps féminin sera de nouveau corseté vers 1830.

Quelques jours après notre retour de Vienne, nous avons vu avec émotion l’émission « L’ombre d’un doute » sur Vienne, nous y avons retrouvé toute cette ambiance chargée d’histoire et de beaux portraits de ces Dames de Habsbourg.

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Elisabeth d’Autriche m’ayant fortement touchée, je reparlerai d’elle, puis nous continuerons notre balade viennoise du côté de chez Klimt, grand amoureux des femmes…

 

29 commentaires sur « Des Dames de Habsbourg »

  1. En ce matinal dimanche, belle lecture . Merci Katell de nous faire partager ta culture et tes voyages.
    Bises
    Maryline

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  2. Que du bonheur pour débuter ce Dimanche. Magnifiques peintures, » avec le temps pour s’arrêter sur les détails », merci d’enrichir nos connaissances et nous remémorer un beau voyage que nous avons eu le plaisir de faire.
    Bises

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  3. Il y a deux ans, j’ai pu visiter Vienne moi-aussi et l’esprit de Sissi est omniprésent mais j’ai surtout retenu que c’est Maria-Theresa qui menait d’une main de fer cet Empire si riche et si indépendant !!
    En lisant ton article, je me rends compte que ces femmes ont souvent été méprisées par le peuple de manière injuste car incomprises, et leur vie et leur destin fut rempli de tristesse….Je parle essentiellement de Marie-Antoinette et de de Sissi et de Marie-Louise, mais bien d’autres ont aussi connu ce genre de vie.
    Quel dommage …..
    Encore un bel article qui me ravit (ex-étudiante en histoire !) alors …merci !! 🙂

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  4. Merci pour ce voyage vers Vienne ! Que de bons souvenirs, et c’est vrai que cette ville est chargée d’histoire. Guy Descars a également écrit plusieurs livres sur ces sujets, et il est intéressant, son style est simple (pour un historien, ce n’est pas forcément évident !…) surtout au milieu des personnages de toutes ces cours d’Europe !
    @ bientôt pour la suite !

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    1. Merci de m’avoir aiguillée sur cette romancière que je ne connais pas ! Je viens de lire sur son site à quel point elle a été passionnée par Sissi. Comme je la comprends !
      En faisant quelques recherches, en trouvant tant de documents passionnants (en particulier en allemand), j’ai eu un dixième de seconde l’envie d’écrire moi aussi un livre… Un nième qui n’apporterait rien évidemment, je n’ai aucun scoop ! Alors je me contenterai de partager quelques découvertes -bien modestes- sur Elisabeth d’Autriche dans le prochain article de ce blog 🙂

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  5. Bonjour Katell
    Souvent je n’ose pas écrire un commentaire après avoir lu tes articles…
    Aujourd’hui je veux absolument te féliciter pour le voyage que tu viens de me faire faire, dans le temps et dans l’espace!
    Les photos des Dames de Habsbourg sont magnifiques!
    J’ai très envie d’aller visiter Vienne.
    Je te remercie pour ce moment de bonheur que tu m’as donné.
    Bien amicalement.
    Michèle.

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  6. Bonsoir Katell, Merci infiniment pour tous ces moments d’histoire et de lectures,sachez que je vous suis avec assiduité,tous vos messages sont si passionnants! Toutes mes amitiés Annick Subra de Salafa

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  7. Emilie Flöge, compagne de Gustav Klimmt est un personnage dont la beauté et l’élégance me fascinent. Si vous pouvez trouver « Vienne ou l’apocalypse joyeuse » catalogue d’une expo sur le Jugenstil à Beaubourg il y a 25 ans, vous vous régalerez.

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    1. Cette dame est tellement sublimée par Klimt ! Je n’ai pas encore réfléchi à l’article sur ce peintre, mais il est si présent encore dans l’esprit de Vienne que j’ai là aussi « des petites choses à dire » !!
      Je vais partir à la recherche de ce catalogue, merci !

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      1. peut-être pourriez-vous aimer la série des Max Lieberman, de Franck Tallis, parus chez 10/18. Ils se passent à Vienne juste avant la première guerre mondiale. Moi, je déguste. Et au passage, merci pour le blog.

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        1. Je connais un Max Liebermann, peintre impressionniste allemand, mais j’ai dû chercher sur internet cette série de romans. D’après ce que j’ai trouvé, cela devrait me passionner, merci beaucoup pour ces références ! Au moins un de ces livres sera une lecture de cet été…

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  8. Merci de nous mettre dans l’ambiance viennoise en attendant Klimt… De toutes ces dames froufroutantes, c’est Marie-Antoinette qui a ma préférence ;o)

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  9. Merci Katell ton reportage me comble de plaisir … Et de nouvelles pistes de lectures passionnantes …. Entre 2 hexagones ….

    J’attends la suite avec gourmandise !!!!

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  10. Que du bonheur d’avoir fait votre connaissance par hasard sur you tube lorsque je prends mon ipad c’est d’abord pour voir Katell, Quilteuse Forever merci encore pour tout ce que vous faites, surtout rester le plus longtemps possible en contact.

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