Prendre des chemins inconnus

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Sherri Lynn Wood

Une artiste américaine fait actuellement un tabac auprès des quilteuses à la recherche de nouveautés : c’est Sherri Lynn Wood, qui vit à Oakland, dans la région urbaine de San Francisco (Californie). Elle commença très jeune à coudre et fit ses premiers quilts à la sortie de l’adolescence. Ses préférences allèrent très vite vers le mouvement de Gee’s Bend pour leur liberté de piéçage, de montage, de matelassage. Depuis 20 ans, cette artiste allie patchwork et spiritualité, création et thérapie, ce qui est une approche inexploitée en France. Son immense succès actuel vient du livre qui vient de paraître, longuement préparé en faisant participer de nombreuses quilteuses. Elle y présente ainsi des idées plutôt que des patrons, des conseils plutôt que des obligations : des encouragements à la découverte, vers des chemins inconnus…

ImprovHandbook1

Son domaine : les quilts improvisés

Cela fait bien longtemps que Sherri ne travaille plus avec une règle et des mesures précises. Son œil s’est affûté pour couper et assembler, et c’est un effort sur soi à faire si on veut suivre son exemple. Il faut réussir à se libérer de son anxiété qui est, selon Sherri, non pas une émotion mais un mécanisme de défense face à l’inconnu. Non seulement on gagne du temps, mais on exprime, par la coupe spontanée, sa propre énergie et son expression ; l’œil et la main prennent l’habitude de travailler ensemble ! Cela requiert de la pratique : une bonne raison pour commencer très vite… Ne plus utiliser de gabarit mène à mieux appréhender une construction, à transformer des accidents en intérêt esthétique supplémentaire.

I ching Sherri Lynn Wood
Ce quilt a été réalisé en laissant le hasard choisir l’ordonnancement en consultant l’oracle du Yi-King, le Livre des Mutations, issu de la philosophie chinoise multimillénaire. Plusieurs quilteuses courageuses ont suivi son « quilt along I Ching » pour aboutir à un quilt unique. A voir sur son blog Daintytime.net.

Et puis ici on ne travaille qu’avec des tissus, ce qui en soi n’est pas si stressant que ça !! Il faut savoir relativiser l’importance des conséquences de ce lâcher-prise, avoir envie de laisser transparaître ses émotions, raconter des histoires, au lieu de se limiter à la reproduction d’un quilt qui nous séduit…

color study WOOD
Quilt exposé dans son loft, « Color Study » 2008


Les tissus véhiculent pourtant des ambiances, des impressions, de la mémoire, que Sherri sait mettre en valeur :

Passage quilt Gerda renee Blumenthl (1923-2004) by Sherri Lynn Wood
Sherri travaille beaucoup à la demande. Elle s’est vue ainsi commander de nombreux « passage quilts ». Ce passage est le dernier de la vie : une personne de la famille d’un défunt confie ses vêtements pour conserver un quilt commémoratif. Ici c’est le quilt en mémoire de Gerda Renee Blumenthal (1923-2004).
Michael Christopher Kessler passage quilt Sherri Lynn Wood
Quilt en mémoire de Michael Christopher Kessler, parti à l’âge de 17 ans. Sa mère a confé à Sherri ses vêtements, jouets, sigles d’équipes de sport… Les tourbillons expriment la difficulté de vivre de ce jeune. 

Parfois les quilts improvisés sont qualifiés d’agressifs : leurs coupes irrégulières, leurs tissus non assortis, leur manque de finitions… Vous changerez d’avis au vu de quilts de Sherri Lynn Wood :

Rainbox cloud quilt
Le nuage de l’arc-en-ciel : un quilt n’est pas nécessairement à angles droits mais peut rester très élégant !
sherri-lynn-wood
Les quilts improvisés de l’artiste sont très harmonieux. Ici Modern Mood Quilt, été 2010
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Détail de ce fabuleux travail, on admire la qualité du piéçage bien plat malgré les courbes, le quilting fin, dense, précis… et à la main !
RGB Modern
RGB Modern 2012

C’est donc un livre très riche qui offre beaucoup de pistes, même s’il faut du temps pour entrer dans ce processus d’improvisation. L’avenir nous dira si ce livre trouve un éditeur français…

Vous pouvez trouver ici l’article d’Emma qui elle aussi est très attirée par les œuvres de cette artiste. A suivre !

23 commentaires sur « Prendre des chemins inconnus »

  1. Encore une découverte extraordinaire grace a vous Katell! Je vous suis très reconnaissante de m’avoir fait découvrir cette artiste et ses
    réalisations originales. C’est justement ce vers quoi je tends, la liberté et la spontanéité dans la creation de quilts… mais qu’il est difficile de sortir des sentiers battus!

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    1. Toujours heureuse de partager les belles créations !
      Moi de même, je suis très admirative de ces exploratrices mais j’ai du mal à me plonger complètement dans cet univers. J’ai déjà adoré faire quelques quilts improvisés, mais il me faudrait plus de temps, de disponibilité d’esprit pour m’y remettre… L’année prochaine peut-être !!

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  2. Je l’ai vu chez Diane, de « Butterfly Threads » la semaine dernière ! C’est en effet très courageux d’y aller « franco » avec son cutter….. Certains quilts me rappellent ceux de Sujata (si je peux me permettre !)
    Quand j’en aurais marre de prendre mes règles et gabarits, pourquoi pas ?

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    1. Diane a très bien insisté sur les qualités de ce livre, il est très différent des bouquins pleins de patrons… mais rempli de bons conseils. Quand on comprend l’anglais, c’est un livre qu’on ne regrette pas ! Et tu as entièrement raison pour les ressemblances avec Sujata, toutes deux ont grandi dans le patchwork en se référant au mouvement de Gee’sBend !

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  3. Tout ce que j’aime en ce moment: me lâcher avec mes tissus et mon cutter. J’aime beaucoup les ouvrages de Sherri et le mouvement des Gee’s bend m’interpelle depuis que j’ai vu l’exposition à Sainte Marie aux Mines en 2009.

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    1. C’était tellement différent de tout ce qu’on connaissait ! Les quilteuses de Gee’s Bend ne sont pas les seules à travailler ainsi, mais grâce à leur découverte le monde du patchwork a grandement évolué !

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  4. C’est exactement le genre de truc que j’aime !!! Merci de nous faire découvrir cette artiste !
    Un jour, j’aimerais me lâcher comme ça !
    Vive l’improvisation !

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    1. En France, on fait trop peu de « quilt along », de « blog hop », de « swap », tous ces mots un peu bizarres pour parler de partage, de convivialité de blog en blog. Le moment venu, j’essaierai d’en lancer peut-être ! Si cela existe un jour, ce sera sûrement en lien avec une Américaine qui maîtrise bien ce genre de patchwork modernisé… A suivre donc !

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  5. Vous soulevez une approche du patchwork grace à cette artiste, manière de libérer la technique qui existe depuis dejà longtemps aux US, mon amie est très branchée sur cette manière de travailler, j’ai fait avec elle quelques quilts qui au retour en France n’ont pas trouvé bon accueil il faut dire qu’on en était encore aux copies conformes des modèles des revues françaises et de quelques livres traduits parce que le « décodage » des quilts n’etait pas encore assimilé par les animatrices , donc timidité de se lancer dans l’aventure
    Meme si se « lacher » nous pose problème de par nos choix nos goûts, notre culture patch assez traditionnelle, je ne parle pas de « l’art textile » il est souhaitable de découvrir une autre manière d’aborder le patchwork sans pour cela avoir la « grosse  » tête ni se prendre la tête !!!! Avoir une ouverture sur un travail different sans poser de jugement de valeur comme on l’entend trop souvent, comme on l’a entendu au début du travail machine
    Voir le travail de Sherri L.Wood peut donner l’envie de sortir des sentiers battus
    Merci pour ce reportage

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    1. C’est bien vrai que depuis Nancy Crow, il y a beaucoup de « quilteuses libérées » aux Etats-Unis. J’aime énormément cette tendance ! L’art textile tel qu’on le conçoit en France est une activité bien plus élitiste, bien différente, je suis bien d’accord. Tout cela peut coexister. Je suis heureuse d’y contribuer modestement sur ce blog, j’apporte moi aussi ma petite pierre pour que le patchwork modernisé devienne plus connu et apprécié en France.
      Cela bouge manifestement !

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  6. Merci pour cette découverte. Jusqu’à ma lecture assidue de ton blog, je ne connaissais pas toutes ces artistes et leur voie vers la modernité.

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  7. Oui, une découverte. Comment obtient-elle des quilts si harmonieux sans calculs ou gabarits ?
    Pour moi, c’est beaucoup trop tôt, me lâcher ainsi me ferait très peur.

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    1. Il y a beaucoup de nouvelles attitudes dans son patchwork, à la fois de nouvelles idées et solutions techniques, tout en restant du patchwork tout bête et simple : des bouts de tissus assemblés les uns aux autres…

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  8. Je vais dénoter,mais c’est trop puissant et trop violent pour moi…Mais effectivement c’est très personnel, original,encore peu vu ,mais va peut être engendré de nouveaux courants…A suivre en tout cas, car la connaissance et l’ouverture à d’autres méthodes est toujours un enrichissement!
    Véro pique -Atelier la masure

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  9. reportage intéressant mais je trouve ces quilts trop « fouillis », cela ne me donne pas l’envie de réaliser ce type d’ouvrage

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    1. Vous n’êtes pas la seule à trouver ces quilts trop fouillis, pas assez harmonieux, pas assez symétrique… C’est une branche du patchwork contemporain qui prend de l’ampleur, cassant certains codes mais respectant malgré tout des principes du patchwork traditionnel… à chacun de s’en faire une opinion. Pour moi, c’est une invitation à courir dans mon atelier pour expérimenter ! En tout cas merci d’avoir donné votre avis, comme à toutes les autres commentatrices !

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