Comment est le nouveau roman de Tracy Chevalier ?

montesquieuMontesquieu a écrit : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dispersé ». Dans le même ordre d’idées, il a écrit également : « Aimer lire, c’est faire un échange des heures d’ennui contre des heures délicieuses ». à vos livres – ou à vos tissus 😉 – pour échapper momentanément à la tristesse du monde…
At the Edge oh the Orchard, Tracy Chevalier, 2016.
Couverture américaine du dernier livre de Tracy Chavalier
Couverture américaine du dernier livre de Tracy Chavalier

Si vous cherchez une lecture enchanteresse sur l’épopée de la vie des pionniers, passez votre chemin. Dans son nouveau roman, Tracy Chevalier nous plonge avec rudesse -et beaucoup de recherches historiques- dans la vie quotidienne d’une famille installée au nord de l’Ohio, dans un marécage où sévit une boue noire collante ainsi que des moustiques, rendant la vie quotidienne extrêmement pénible … Malgré tout le chef de famille réussit à faire survivre sa famille en plantant des pommiers. Son amour des arbres, sa compréhension intime des rythmes de la nature sont palpables.
Mais quelle famille ! Le couple se dispute pour quelle variété de pommes favoriser – des pommes à croquer ou des pommes à cidre ?
Ah, le goût de la pomme reinette !!! Oh, le calva-maison qui permet d’oublier momentanément ses soucis…
Vous apprendrez des détails de la vie dans une Log Cabin, les affres de la solitude d’une famille sans lien social, esseulée les longs mois d’hiver… Des dix enfants nés, cinq succomberont au paludisme. Père et mère se battent, et battent leurs enfants ; on ne sait s’il y eut un jour de l’amour entre eux. Tantôt l’un ou l’autre trouve quand même un peu grâce à nos yeux, mais non, nous ne les aimons pas. La tension monte, le drame couve. Au fil du roman, nous saurons ce que deviennent les survivants avec leurs lourds secrets.

Puis, sans connaître le drame, nous suivrons les traces du plus jeune, Robert, parti sur les routes. Je vous laisse découvrir la suite…

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Antique 9-patch quilt du début du 20e siècle, quilt utilitaire. En vente chez Laura Fisher.

Parle-t-on de quilts ? Oui, bien sûr ! Le couple installé en Ohio utilise quotidiennement un nine-patch fait avant leur départ du Connecticut, réunissant des morceaux de vêtements de la famille qu’ils ne reverront jamais plus ; le mari, à un moment, plongera dans ses souvenirs en le regardant. C’est un quilt multi-usages, qu’on rapetasse autant de fois que possible. Le quilt sert pour dormir au chaud l’hiver, il sert aussi quand on grelotte en plein été à cause du paludisme… Au fil du roman on constatera sa présence en voyage, pour les naissances comme pour les morts… Un vrai quilt de famille, un quilt de vie.
La femme aère les quilts quand le temps le permet, mais leur fabrication fait simplement partie des corvées ménagères… Quand je vous disais qu’elle n’était pas sympa !!

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Couverture de l’édition britannique.

Le fil conducteur du livre est l’amour des arbres. Des pommiers aux séquoias, de la graine au fruit, de la plantation à l’abattage, j’ai senti la sève de la nature nourrir la vie de ces personnages. Certains ont d’ailleurs réellement existé (un point commun avec le roman d’Elizabeth Gilbert, l’Empreinte de Toute Chose) et une carte des USA des années 1850 nous permet de suivre géographiquement les protagonistes : on voyage aussi dans cet immense pays en construction, dans les déserts comme dans les villes, avec Robert on devient de grands nomades visitant l’immensité et la variété de ce territoire. C’est aussi  un hommage aux Américains anonymes qui ont tant souffert pour édifier leur patrie. Venus d’Europe, leur vécu les a profondément changés et ces différences perdurent jusqu’à nos jours.

800px-Giant_sequoia_exhibitionismL’évocation des séquoias est passionnante. C’est en 1852-53 que commence l’exploitation sans retenue de ces arbres-mammouths, les plus volumineux pins du monde. En général, les arbres n’étaient considérés que comme matière première, abattus pour la construction de tout bâtiment et de tout meuble, de routes (voir plus bas), du chemin de fer, pour le chauffage et la cuisine, etc. On les considérait uniquement à la disposition des hommes. Scientifiques et exploitants forestiers ont des vues divergentes et ces arbres extraordinaires ne seront protégés qu’un siècle plus tard. Dans ce livre on côtoie quelques amoureux des arbres, chacun à sa manière. Et à présent, même si on connaît leur rôle de « poumon de notre Terre », même si leurs défenseurs se battent, des forêts continuent d’être massacrées sans discernement. Les antagonismes durent donc depuis des siècles mais bientôt, il sera trop tard…

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Une association que je soutiens, Sauvons la forêt. Et pour compléter, vous pouvez voir ici 16 photos d’arbres spectaculaires.

Ce livre est riche mais rude, les gens comme la nature ne sont pas toujours aimables ! Je suis ravie d’avoir lu des livres de jardinage en anglais, sinon j’aurais été perdue par le vocabulaire spécifique du début ! Et je me demande bien comment seront traduits le récit de la femme puis les lettres de Robert, écrits par l’auteur dans un anglais bien écorché ! Je suis sûre que le traducteur ou la traductrice s’en sortira avec talent. CorduroyroadJ’ai quand même découvert les corduroy roads, « les routes de velours côtelé »… qui sont des routes faites de rondins comme ci-contre !

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Et voici l’édition en français qui sortira le 11 mai (cadeau pour la fête des mères ? Moi je l’offrirai à la mienne en tout cas !)

Il y a bien de ténues ressemblances avec le livre L’Empreinte de toute Chose, particulièrement cet amour des plantes et l’évocation des nombreux échanges botaniques entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais l’histoire, le milieu et l’ambiance sont fort différents, vous pourrez lire l’un et l’autre sans vous lasser !

Ce nouveau roman fait à la fois penser à La Dernière Fugitive et aux Prodigieuses Créatures du même auteur. J’adorais aussi ses premiers romans, déjà empreints de reconstitutions historiques, mais plus dédiés au monde de l’art. Le point commun de chacun est la passion d’une vie, toujours… Dès le premier livre et sans doute pour toujours, quel que soit le thème qu’elle aborde, tous les livres de Tracy Chevalier me captivent !

Katell, quilteuse forever

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29 commentaires sur « Comment est le nouveau roman de Tracy Chevalier ? »

  1. Merci d’avoir été « l’éclaireuse » pour la découverte de ce livre. A guetter en mai. Belle journée.

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  2. Merci pour la découverte de ce nouveau roman. Je le rajoute à ma liste de livres à acheter, me faire offrir ou offrir.

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  3. Merci pour cette délicieuse présentation du livre de Tracy Chevalier, j’attend le mois de Mai
    J’ai commencé avec Prodigieuses Créatures puis la Fugitive, je n’ai pas été déçue. Il faudrait que j’essaye un plus ancien qu’en penses tu ?
    Bonne journée, à bientôt sur le net

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  4. Merveilleuse écrivain, j’ai adoré tous ses livres. Celui-ci me semble plus dur à vous lire. Mais la vie de ces hommes et femmes devant tout créer ne fût pas facile et je ne sais comment nous réagirions face à de telles difficultés (sans compter la perte des enfants).
    Je me l’offrirai pour la fête des mères et merci beaucoup pour ce très beau résumé
    Brigitteo

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    1. Le secret familial est rude, mais les descriptions, très nombreuses, sont magnifiques et jamais ennuyeuses. On voyage, on s’émerveille, on rencontre beaucoup de catégories de personnes différentes, telle est l’Amérique, faire de contrastes et de diversités !
      Le livre sur William Blake, Burning Bright, dans le Londres glauque, n’était pas du tout glamour. Dans ce nouveau livre, nous avons de longues respirations rendant le roman pas du tout étouffant. Je ne voudrais pas décourager cette lecture !

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  5. Comme il sort en mai , je pourrai le conseiller dans mon prochain bulletin du Rhône ( fin juin) la moitié d’une rubrique déjà !!!!
    je lis chaque jour ton blog qui est passionnant : trés documenté et permet de passer un bon moment car on saute sur une nouvelle référence etc…….
    Je le conseille aussi aux « filles » qui viennent aux animations .
    Bonne journée et merci

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  6. Et bien nous voilà prévenues !! Un livre dur mais authentique…j’attendrai malgré tout sa parution en français car je crains de manquer de vocabulaire spécifique en anglais !!
    Merci pour ce post 😉

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  7. il me tarde que le mois de Mai arrive , je le demanderai pour mon anniversaire qui tombe toujours en même temps que la fête des méres .

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  8. Merci pour ton blog, très bien documenté et intéressant, je partage beaucoup avec toi…
    J’ai lu tous les livres de Tracy Chevalier, à faire lire autour de soi, belle écriture, références sociales, historiques, émotions…..très humanistes
    Si tu aimes les arbres, je te recommande  » écorces  » de Cédric Piollet . Je pense que personne ne les regarde comme lui.
    A bientôt. Françoise

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    1. Je ne connais pas ce livre, je le rechercherai !

      Farfelu et distrayant, le livre Le Journal intime d’un arbre de Van Cauwelaert fait parler un vénérable poirier de 300 ans… Idée géniale, histoire s’essoufflant vite quand même…

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  9. Et bien, nous allons l’attendre avec impatience !
    De plus, en ces temps troublés, je suis de plus en plus persuadée que seuls l’éducation et la culture pourrons aider les humains à vivre mieux ensemb!e. Alors quoi de mieux que la découverte d’autres lieux, d’autres temps, d’autres hommes ?

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  10. Effectivement, une bonne idée également pour la rubrique livres/films du bulletin FP… Je m’en inspirerai pour la prochain !
    J’ai lu récemment « le récital des anges » (falling angels en anglais), un de ses anciens livres dont le titre m’avait un peu rebutée. Elle y parle des suffragettes qui ont combattu pour le droit de vote des femmes -et par conséquent aussi pour l’égalité hommes-femmes dont on s’aperçoit qu’elle peut être si facilement mise à mal- et j’avais trouvé cela passionnant. Avec une forme d’écriture assez différente de ses autres romans puisque chaque chapitre y est écrit avec la voix d’un personnage différent.
    Joyeuses Pâques à toutes !

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    1. Je l’ai lu à sa sortie, j’en garde le souvenir particulier des visites de cimetières, lieu de rendez-vous des deux copines ! La fin de l’ère victorienne, quand on a le sentiment que tout est possible y compris changer la vie des femmes, devait être extraordinaire à vivre. C’était ce qu’on appelle chez nous La Belle Epoque ! Hélas, la première guerre mondiale viendra tout gâcher.

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  11. Merci pour ton analyse. J’ai lu tous les livres de Tracy Chevalier mais celui-ci me semble tout de même d’un abord plus difficile.
    Les arbres sont superbes!
    Merci Katel

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  12. Merci Katell pour ce résumé, ce condensé d’émotions que tu nous livres avec talent . Et j’attend la traduction avec impatience ! Joyeuses fêtes de Pâques à tous .
    Hélène

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    1. Pas si rude que cela… mais ce n’est pas La Petite Maison dans la Prairie version télé… que j’adore au demeurant !! C’est ce que je voulais dire, et dans tout le livre on se rend compte que la conquête de l’Ouest n’était pas seulement une histoire de bons et de méchants, de héros et de félons… J’ai beaucoup aimé diverses descriptions des gens en quête de terrain, d’or, de vie meilleure, et qui se trouvaient confrontés à une vie infiniment plus dure et frustre que prévue.

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  13. Quelle découverte grâce à toi. Il me faudra trouver le temps de lire ce nouvel opus d’un auteur que j’aime beaucoup. Merci de cette présentation si tentante.

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  14. merci katell , j’attend la version française et voulais te remercier ,j’ai découvert les romans de Tracy Chevalier sur ton site et les merveilleuses créatures m’ont enchanté ,je suis vraiment parti dans l’époque ainsi que sur les routes des usa avec la dernière fugitive

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  15. C’est grâce à cette auteure que j’ai connu ton blog par l’intermédiaire de ma fille qui m’a donné l’information de l’écriture de la dernière fugitive. Depuis je suis une lectrice inconditionnelle tant de ton blog que des livres de Tracy Chevalier. Celui ci je le lirai bien sûr même si à première vue il me parait un peu dur

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    1. Je suis flattée d’être ainsi liée à Tracy Chevalier… et merci à ta fille !
      Ce roman est comme la vie de tant de gens, difficile… mais l’espoir est là, à la fin, d’une vie plus sereine pour Robert. Livre à lire assurément 🙂

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