Une idée du paradis

Chacun a son idée du paradis.

Katsuhiko Sakiyama, ancien directeur japonais d’une maison d’édition de livres de voyage, trouva son paradis un jour de 1986, lors de vacances aux Philippines consacrées à la plongée sous-marine. Une île aux 2 km de plages, vierge de toute pollution, était en vente. Désireux de conserver ce bijou, il l’acheta.

L’interminable plage de sable blanc permet de longues baignades. C’est l’île de Caohagan (ou Khao Hagan), dans un archipel corallien des Philippines.

Cette île était habitée, 330 personnes y vivaient en quasi-autarcie, presque sans monnaie. Les premiers contacts entre les habitants et M. Sakiyama se firent dans la simplicité et un immense respect  commun pour la vie telle qu’elle est organisée dans cette petite île, complètement en symbiose avec la nature. Lui-même évoque la puissance de Kami dans ce lieu privilégié. Kami, c’est l’esprit divin, les forces de la Nature dans la religion shintoïste, base de la mythologie japonaise. Si, d’après les statistiques, les gens de cette île sont parmi les plus pauvres de la planète, ils ne sont certainement pas les plus malheureux. Il y règne une idée simple, vivre heureux en étant une part de la Nature, tout simplement.

Les maisons sont faites avec les matériaux qu’on a sous la main… comme naguère chez nous.

Il ne fallait surtout pas casser cette symbiose, mais il fallait tout de même apporter des possibilités de soins, d’éducation pour la population. De même tout a été fait pour protéger les récifs coralliens, la pérennité de la pêche locale qui nourrit les habitants. Le couple Sakiyama y a fait un remarquable travail de conservation de la nature avec des ONG, en concertation avec la population naturellement.

Le tourisme raisonné est une des ressources de l’île, mais aussi, pour le tiers, la vente de… quilts ! C’est bien sûr la raison de ma présentation de cette île…

A Caohagan, la population est montée à environ 600 personnes parmi lesquelles 120 quiltent 

M. Sakiyama est marié à une styliste et quilteuse, Junko Yoshikowa. J’ai eu le grand honneur de discuter avec eux à Sitges, où étaient exposés de nombreux quilts venus de l’île de Caohagan.

Photo prise par LeeAnn dans d’autres circonstances, car j’ai rencontré ces deux charmantes personnes, Junko Yoshikowa-Sakiyama et Katsuhiko Sakiyama  séparément… A chacun son tour de permanence à Sitges !

Au début dans les années 1990, Junko montra à quelques femmes le travail de patchwork avec des gabarits. Peine perdue, cela n’intéressa pas grand monde. Mais elle avait laissé les tissus et lors d’une autre visite, elle se rendit compte que certaines avaient commencé à couper des formes spontanées issues des modèles qu’elles avaient autour d’elles : les arbres, les fleurs, les poissons, les maisons, les chats, les chiens… Junko les encouragea à poursuivre, les aida techniquement… et les quilts de Caohagan sont nés !

(photo de ce blog)

Chacun de ces quilts est unique au monde, il est fait sans plan ni gabarit et toujours à la main. Seul le biais de finition est cousu à la machine, puis fermé comme nous à la main. La plupart des tissus proviennent de Cebu, la 2e plus grande ville des Philippines (après Manille), lieu d’arrimage de Magellan en 1521.

Ces quilts sont créés artistiquement, avec audace, dans un esprit de représentation de leur environnement, avec un sens naturel d’association des couleurs, tel qu’on l’apprend en observant la nature. Les quilts ne sont pas droits ? Et alors ? La nature est-elle faite de lignes droites ?

Les quilts de l’île Caohagan présentés à Sitges cette année m’ont enthousiasmée. Je n’avais pas eu la chance de voir l’exposition de Nantes en 2012, c’était donc une découverte.

A Caohagan, des hommes quiltent également.
A peine finis, les quilts sont lavés dans l’eau de mer : le sel fixe les couleurs. C’est un geste important, une sorte de baptême du quilt fini. Ensuite ils sont rincés à l’eau claire. On peut laver les quilts de Caohagan à la machine à laver.

Ils m’ont rappelé les quilts afro-américains, si libres, mais aussi les quilts européens et américains du passé, ceux dont parle avec talent Christiane Billard dans Les Nouvelles n°136, celui qui vient de sortir.

Quilt anglais du 19e siècle : la quilteuse (inconnue) y a appliqué tout ce que son imagination lui dictait, avec les tissus qu’elle avait. Musée V&A, Londres.
Ce quilt d’Harriet Power est un important témoignage de la culture afro-américaine. Il a été acheté par le Museum of Fine Arts de Boston. En voici une description détaillée.

Junko et son mari sont devenus les ardents représentants des artistes de cette île, en exposant et vendant les quilts dans le monde entier. A l’exposition de Sitges, j’y ai trouvé mon bonheur, mon mari et moi avons acquis deux quilts présentant chacun un Arbre de Vie, un de mes thèmes préférés. Je serai ravie de les montrer à notre Journée de l’Amitié départementale la semaine prochaine (le 29 mars à Balma, organisé par la délégation France Patchwork 31 et le club de patchwork de Balma). L’un est fait par Narda, l’autre par Akang. Sans les connaître, j’ai tellement envie de les remercier ! Admirer leurs quilts est un pur bonheur. Je réserve la primeur à mes amis de Haute-Garonne, mais promis je les montrerai ensuite sur ce blog ! 

Photo Judy Schwender

Une île où l’on vit simplement tout en faisant des quilts, n’est-ce pas une idée du paradis ?

Les photos sans source sont du site Caohagan.com.

 

40 commentaires sur « Une idée du paradis »

  1. En 2012, j’ai eu la chance moi aussi de rencontrer ce couple ambassadeur de leur tête d’épingle lointain. Et c’était un bonheur de leur acheter un des quilts gais et simples qu’ils exposaient. C’est un exemple d’adaptation . Sur certains on sent l’influence des modèles de base mais la liberté s’installe trés vite avec force et orgueil et c’est magnifique.
    Encore une fois, vous nous avez régalé avec des quilts venus d’ailleurs, merci pour tout ça.

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  2. Merci pour ce voyage magique qui me rappelle tant d autres voyages pendant lesquels j ai rencontré des gens merveilleux et riches de leur culture. Encore merci.

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    1. En voyage, on part à la découverte et on apprend à relativiser nos habitudes et même nos valeurs.Il faut toujours encourager les jeunes à voyager (intelligemment) pour en faire des adultes accomplis.

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  3. J’ai aimé leur exposition à Sitges, des quilts qui avaient de la couleur, un style si personnalisé, si moderne dans leur simplicité. Les explications sur place les concernant n’étaient pas aussi complètes que ton bel article. Merci.

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    1. J’ai fait traduire automatiquement leur site en japonais, mais j’ai aussi farfouillé dans de nombreux blogs qui relatent de précédentes expositions, des interviews, et aussi des reportages de personnes ayant passé quelques jours sur l’île. Plus j’ai cherché, plus j’ai trouvé cette initiative et ce projet extraordinaires.

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  4. FABULEUX!! Ces quilts multicolores sont vivants, gais, racontent une histoire, etc. Quel délice pour les yeux! Et cet homme qui quilte son ouvrage pendu à une corde à linge… Merci pour cette découverte, Katell, c’est fascinant.

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    1. Je me demande si un de mes quilts n’est pas de ce monsieur, il me semble que Akang est un prénom masculin. Je vais demander à Junko !
      Un des deux quilts est destiné à ma fille et son compagnon qui vont se marier dans 1 mois, heureusement ils ne vivent pas loin, je continuerai à le voir… J’y suis déjà si attachée ! Je crois bien qu’eux aussi l’aimeront à leur juste valeur.

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  5. On irait bien y passer quelques temps, j’adore aussi , ces quilts racontent tellement de choses sur leur vie. J’ai hâte aussi de les voir . J’aime aussi beaucoup les arbre de vie. Merci du partage.

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  6. Je ne sais pas si c’est le paradis, il faudrait les témoignages des habitants mais une chose est sûre, leurs quilts sont merveilleux 🤗

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    1. Dans un blog de voyages, j’ai lu des commentaires d’habitants, il en ressortait uniquement du positif : école construite, soins médicaux réguliers, mais moi aussi je me pose plein de questions. Il semble bien qu’il y règne l’harmonie, d’ailleurs la croissance de la population sur place est un signe, il y a 7000 îles aux Philippines… Peut-être que l’une d’entre nous fera un jour le voyage avec reportage à la clé !

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  7. En tout cas cet article et ces belles photos sont un vrai bonheur ! Quelle gaité dans les couleurs, les motifs… Merci de partager avec nous ❤️ !!!!

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  8. Bonjour ,merci de nous faire partager ces magnifiques photos j’ai adorer de tremper les patchs dans la mer pour fixer les couleurs

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  9. Magnifique ! Oui ! un vrai paradis coloré ! Merci ! A travers votre reportage, je me suis sentie sur cette belle île , entourée de splendides ouvrages , aiguilles à la main !

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  10. Quand je couds je me raconte des histoires
    merci d’avoir raconté l’histoire de ces quilts et de nous permettre d’imaginer ce que pourraient se raconter ces personnes en cousant !
    Bon Jour

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    1. Oh oui, coudre permet de s’évader, presque aussi sûrement qu’un bon bouquin !
      Autre culture, autre latitude, nous partageons tout de même un petit quelque chose avec ces personnes !

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  11. J’adore votre article , je suis parti dans les iles en passant par Sitges ou je n’ai pu me rendre cette année (dommage dommage) et je me régale , les dessins dans les quilts qui viennent du fond de soi sont source de bonheur , et les autres le sentent en regardant ces merveilles

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  12. Merci Katell ! Un fois encore tu nous fais rêver. ..un beau rêve en couleur ! Ces patchs sont merveilleux de spontanéité et je me réjoui de voir jeudi à Balma les deux arbres de vie que tu as eu le bonheur d’acquérir! A bientôt

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