Betty au Bennett Junior College de Millbrook (NY)

Que de passionnantes conversations avec Betty pendant une semaine ! 

Beautiful Betty à Montricoux (82)

Un jour nous avons parlé de la formation de Betty qui, après le bac, a été tournée vers des études majoritairement artistiques. Elle fut une des très rares jeunes filles de couleur à avoir été formées au Bennett College de Millbrook qui dispensait un enseignement pour les « jeunes filles de bonne famille » autour de la littérature, les sports, les langues étrangères et tout un éventail de disciplines artistiques : danse, dessin, stylisme, musique, etc. Environ 200 jeunes personnes vivaient ensemble dans ce grand établissement, ainsi que le personnel enseignant. Pour info, cela faisait juste 2 ans que les jeunes filles noires pouvaient s’y inscrire et elles étaient 3 en 1969.

Publicité pour cette école privée très chic !

Elle y entra en 1969 et passa deux années très intéressantes. Le stylisme de mode était sa matière favorite. Hélas, en sortant de ces études, Betty se rendit compte qu’en 1971, il n’y avait pas de place pour une styliste noire à New-York City. Elle fit alors d’autres études qui la menèrent finalement à un Master d’éducation pour enfants handicapés, des années d’enseignement puis un poste de Proviseur. Et c’est quelques années avant la retraite qu’elle apprit l’art du pine cone quilt, revenant à son amour des couleurs et des formes !

Bennett Junior College à Millbrook, installé depuis 1907 dans cette demeure bâtie en 1890.
Grande bâtisse faite de moellons et de shingle en cèdre dans le style Queen Anne, Halcyon Hall, ancien hôtel de luxe avec ses 200 pièces, est imposant. 
Pendant des décennies, on y pratiqua le golf, l’équitation, le tennis, l’escrime, etc. Un esprit sain dans un corps sain !
Cours d’escrime au début du XXe siècle
Le studio d’art, au début du XXe siècle

Betty a de drôles de souvenirs de ces deux années à Bennett College, comme celui d’un festival de musique dans le comté voisin où elle passa la journée du 15 août 1969 ; elle et ses copines ne se rendaient pas compte qu’elles étaient à un endroit qui deviendrait absolument mythique : le festival de Woodstock !!

Betty ne s’est jamais reconnue sur une de ces légendaires photos… On le comprend, trop de monde !! Le temps exécrable (voyez le sol boueux) n’a pas empêché 500 000 jeunes (au lieu des 50 000 prévus) de vivre intensément « ces jours de paix et de musique », slogan des organisateurs. Le Gouverneur de l’Etat de New-York prononça l’état de zone sinistrée dès le 2e jour de concert, tant les dégâts étaient importants. Ce n’était d’ailleurs pas à Woodstock, mais sur le terrain d’un fermier de Bethel à 75 km de Woodstock… C’est drôle comme l’Histoire charrie des inexactitudes à la pelle !

Qu’est devenu le Bennett College de l’Etat de New-York ? C’est là que la nostalgie s’installe… En 1978, en raison de trop de travaux pour rétablir un chauffage décent et autres rénovations urgentes tous azimuts, des comptes dans le rouge et un manque de modernisation de l’enseignement (non-mixité, programmes vieillots…), l’établissement ferma définitivement ses portes en 1978. Des projets avortés de vente, une explosion du système d’eau un jour de grande chaleur et voilà ce bâtiment abandonné à la vigueur de la nature et aux dégradations de quelques visiteurs peu respectueux. 

Studio d’art à l’abandon (photo Sébastien Barré)
Photo Sébastien Barré/Flickr
Photo Sébastien Barré/Flickr
Photo Andy Milford
Photo Andy Milford

L’ensemble de l’établissement s’étalait sur près de 9 hectares, mais c’est toujours le Halcyon Hall qui retient surtout l’attention.

Sur certains blogs on met en avant des phénomènes paranormaux comme les fantômes de jeunes femmes qui s’y suicidèrent… des explorateurs de lieux abandonnés s’y donnent rendez-vous… Les photographes se succèdent, avec ou sans autorisation… Ce College fascine encore plus à l’état de ruine ! La dégradation est arrivée à un point de non-retour. Plusieurs fois, on projeta de raser le bâtiment, mais il reste encore debout. Pour combien de temps ?

Et pour des centaines de femmes comme Betty qui passèrent quelques années dans ce College, cette vidéo fait battre le cœur plus fort.

Cliquez ici si cela ne fonctionne pas sur la photo. Chanson « This used to be my playground » (C’était mon terrain de jeux) est chanté par Madonna, ici paroles et traduction.

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Plusieurs personnes, trois en fait, m’ont demandé comment Betty vivait sa condition de femme noire aux Etats-Unis. C’était une curiosité saine, pour combler une connaissance superficielle du sujet. En raison de mon amitié si sincère pour Betty d’une part et ayant étudié des sujets cousins (à l’université d’Abidjan : Littérature de l’Afrique de l’Ouest et Histoire de l’esclavage vers l’Amérique) je me permets de répondre.

Betty est plus diplômée que la plupart d’entre nous, elle fait partie des personnes qui, par leur intelligence, l’éducation dispensée par leurs parents et leurs immenses qualités propres, ont fait leur vie dans la classe moyenne aisée. Surtout, loin de nier ses origines, Betty a appris à connaître en profondeur ses racines, elle est allée en Afrique de l’Ouest (Sénégal et Nigeria), elle a étudié les Arts Africains et Afro-américains, elle a constitué une collection que lui envieraient de nombreux musées. Elle sait donc la valeur de son héritage et n’a aucun complexe vis-à-vis de personnes bêtement racistes. Dans l’amitié et dans l’amour, les esprits se rencontrent et communiquent quelle que soit la couleur de la peau… Tout n’a pas été facile dans sa vie de femme noire, loin de là, mais elle a toujours eu la force de positiver. Dans sa famille aussi, de génération en génération les femmes ont été fortes, solaires, elles ont entretenu des connaissances spirituelles qui leur donnent un état d’esprit combatif ! 

Voir aussi cet articlequelques jours après sa parution, Betty m’écrivait pour la première fois grâce à LeeAnn Decker !

Smitty-modified
Betty a aussi des talents de guérisseuse, connaissances et sensibilité héritées de sa grand-mère maternelle de Caroline du Sud et ses ancêtres plus lointaines. Ce quilt, fait avec amour pendant que son mari subissait une opération à cœur ouvert, accéléra selon elle la convalescence de Smitty, tel un Soleil aux rayons bienfaisants. N’est-ce pas follement touchant ?

Après cet article très personnel, nous reviendrons aux vacances de Betty et Smitty en France avec de belles rencontres : plus d’une centaine de quilteuses occitanes !

I miss you so much Betty, tu me manques tant !

27 commentaires sur « Betty au Bennett Junior College de Millbrook (NY) »

  1. Betty est une personne extra-ordinaire !! Et qui a su trouvé sa place dans une Amérique encore profondément raciste et à une époque où rien n’était simple pour une personne de couleur, mais rien n’a vraiment changé hélas !! Bon week-end

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  2. Quelle Belle personne! Betty aurait pu être une grande désigner de mode, dont s’est privée l’Amerique, mais la vie l’a modelée telle qu’elle est sur cette photo souriante, rayonnante, si pleine d’enseignement et de savoir. C’est une chance de l’avoir pour amie! Mais peut être aurons nous la chance qu’elle revienne en France pour enseigner ses pine cône ?Merci pour ce partage
    Bon week end

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    1. A cette question Betty répond : dans 10 ans, quand je serai jeune !
      La technique très résumée se trouve dans le numéro du printemps 2017 des Nouvelles (France Patchwork).
      Bon week-end également Anne-Marie !

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  3. Décidément les hommes ont la mémoire courte et ne savent pas tirer les leçons du passé. Aujourd’hui encore les vagues du rascisme continuent de déferler en faisant des dégâts …

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  4. J’admire la façon dont Betty a su faire sa place dans ce monde encore si raciste (mais y a t-il beaucoup de lieux d’où le racisme a totalement disparu ?????). Partons, comme Betty, à la recherche de nos racines pour découvrir nos origines si peu lointaines et les migrations de nos parents….. Allez, je m’éloigne du patch !
    Qu’elle continue de nous faire rêver et espérer !
    (Petite question technique : tes photos n’apparaissent pas, je ne vois que les sous-titres , suis-je la seule ?)

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    1. OUF, tu m’as fait peur !! Connexion en pointillés ?… Les photos arrivent toujours après les textes dans ces conditions !
      Et comme tu as raison, connaître ses racines aide à vivre et s’épanouir, nous en avons déjà parlé ensemble ❤

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  5. Encore un article qui me touche. Bien sûr que la couleur de sa peau n’a pas été un fait anodin dans la vie de ton amie. Mais il n’a pas été un frein à ce qu’elle voulait faire finalement même si elle a dû réorienter ses études à cause de cette couleur. Elle a vécu autre chose , d’autres évènements qui doivent nourrir son inspiration actuelle tout comme les recherches qu’elle a pu faire sur ses racines. Ton article nous démontre une fois de plus un fait essentiel que nous devrions toujous avoir en tête : la valeur d’une personne ne tient pas à sa couleur de peau, mais à celle de son cœur, de son âme.

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  6. Sous ta plume, Katell, Betty est la magnifique héroïne d’un passionnant roman ! Longue vie à votre belle amitié… Merci merci merci pour ce partage si émouvant. Violaine >

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  7. Thank you Katell for this warm and thought provoking article. I loved every moment I spent with you and the fantastic quilters I met in France. I learned a great deal from all of you and will never forget the kindness and generosity given to myself and my husband.

    I could not see the video with the music

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    1. I have just added the link to the video, it is of course the one we watched together.
      You mean so much for me Betty, I wanted that you and Smitty feel at ease here. And I wished to share my chance to get to know you!

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  8. J’adore tout vos articles, toujours passionnants. Rien qu’au sourire on voit que Betty est une Belle personne. Quel dommage de voir « mourir » une si belle bâtisse. Amicalement

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  9. Passionnant !!! je n’ai pas d’autre mot , merci pour cette rencontre fantastique avec une très « grande Dame » !!!

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