Western Spirit 10 – Tombstone, trop coriace pour mourir

Une pluie torrentielle sur les cactus entre Sedona et Tucson nous donna le bon prétexte pour nous approcher à 50 km de la frontière mexicaine. Nous ne sommes pas allés n’importe où : Tombstone, ville au passé tumultueux.

En bas à droite de cette carte de l’Arizona : Tombstone
Tombstone en 1891, une ville majoritairement en bois qui flambera plusieurs fois. Sa population alla jusqu’à 14 000 habitants avec 110 saloons, mais cela ne dura que le temps de l’opulence de la mine, jusqu’à ce que les galeries ne tombent sur les nappes phréatiques en 1886. L’eau à pomper fit couler à pic l’exploitation de la mine… C’est le grand paradoxe de cette terre aride où le manque d’eau reste un grand problème alors que les sous-sols en regorgent.
Affiche anonyme photographiée dans le métro parisien et diffusée sur Facebook.

Tombstone poussa comme un champignon à partir de 1877 dès lors qu’Ed Schieffelin eut découvert de riches filons d’argent dans les monts environnants, entraînant une ruée vers l’argent. On est dans le county de Cochise, du nom de cet Apache longtemps pacifique, qui prit finalement le commandement des Indiens dans la région pour mener une longue guerre contre les envahisseurs. La paix fut signée en 1872, après 10 années sanglantes. La paix avec les Indiens ne veut pas dire que la vie y fut paisible ensuite ! C’était ici la ville de la détente et du défoulement, la ville des hors-la-loi et des prostituées, des brutes et des truands, des prisons et des pendaisons, des alcoolos et des joueurs, des saloons et des tables de poker, des French cancans et des spectacles de magie… (Re)lis les bandes dessinées Lucky Luke et Blueberry, tu es en plein dans l’ambiance. Dans ces deux albums, on est à Tombstone :

En français on ne se rend pas bien compte de l’originalité macabre du nom de la ville. Au prospecteur qui, dans les années 1870, cherchait dans la région des filons d’or ou d’argent, on lui dit : « Ici tu ne trouveras que le rocher pour faire ta tombe (tombstone), et rien d’autre ». Ed Schieffelin trouva non seulement de l’argent, mais fonda la ville en l’appelant ironiquement Tombstone, Pierre Tombale.

C’est pour toujours et à jamais la ville où se passèrent les 30 secondes de la fusillade la plus connue de l’Ouest le 26 octobre 1881, populaire sous le nom de « Règlement de compte à OK Corral« , le film de 1957 qui la rendit inoubliable, avec Burt Lancaster (Wyatt Earp) et Kirk Douglas (Doc Holliday), héros sublimés par Hollywood.

De nombreux autres films et livres racontent cette histoire de bons et de méchants, avec comme vedettes les frères Virgil, Morgan et Wyatt Earp et Doc Holliday, les bons, contre des cow-boys vaguement voleurs, les frères McLaury, les frères Clanton et Billy Clairborne. Cette fusillade est rejouée chaque jour pour les touristes dans les lieux-mêmes, d’abord dans une cour puis dans la rue adjacente. L’histoire réelle entre ces hommes reste encore, à vrai dire, un peu confuse.

Après l’abandon de la mine, cette ville refusa de devenir ville-fantôme et de mourir comme tant d’autres. Too tough to die, trop coriace pour mourir, telle est sa devise, magistralement aidée par cette histoire montée en épingle par Hollywood !

Je dois dire que j’ai un faible pour le film Wyatt Earp (1994), campé par Kevin Costner, alors au sommet de sa gloire :

Un film long, trop long pour la plupart (3h10) mais je me souviens, il y a 20 ans, d’un après-midi de vacances au coin de la cheminée à vivre intensément cette histoire,  le Père Noël ayant apporté le DVD… Aux prochaines vacances on recommence !!

La vraie histoire de Wyatt est singulière jusqu’au bout : il vécut jusqu’à 80 ans en 1929, marié à une actrice, gagnant sa vie en jouant au poker et en faisant des affaires immobilières. A Hollywood il rencontra de jeunes acteurs parmi lesquels John Wayne, l’incarnation même du cow-boy !

Il faisait encore bien gris lorsque nous arrivâmes à Tombstone…

Et maintenant, est-ce intéressant d’aller à Tombstone ? Pour nous, mille fois oui !

Le lendemain sous le soleil, c’était tellement mieux !

Nous sommes arrivés dans l’après-midi, la pluie venait de cesser et la ville était quasiment vide, ce qui fera rêver ceux qui l’ont visitée au milieu de hordes de touristes (400 000 visiteurs par an). Les bâtiments ont été entretenus ou remontés à l’identique, style western, mais jamais sans doute n’ont-ils été aussi beaux, fraîchement peints, propres…

Tout nous renvoie aux Westerns : les trottoirs de bois, la rue en terre battue et gravillons, les habitants souvent en costume XIXe, les saloons au personnel qui surjoue comme si la caméra tournait, le cimetière rénové où l’on peut lire de sacrées épitaphes :

Les morts de la fusillade d’OK Corral
Ici repose George Johnson, pendu par erreur en 1882. Il avait raison, nous avions tort, mais nous l’avons pendu haut et court et maintenant il est mort (celle-ci est, paraît-il, faite pour les touristes…Grrr…)
Lynché…
Tué par un Indien Chinagan…

(photos de tombes d’ici)

P9202501
Les boutiques sont sympathiques, mais c’est bien trop souvent un bric-à-brac de friperies et de trucs made in Asia avec trop peu de jolis vêtements ou objets authentiques. Pour cela, il vaut bien mieux aller à Durango et Silverton.
P9202662
Dans cette ville on ne mâche pas ses mots, les habitants sont coriaces, c’est leur devise ! Mais ils ont l’élégance de le dire sur des pancartes, et non tagués n’importe où… (les politiciens doivent racler la merde de leurs bottes avant d’entrer)
P9202582
La rue principale à la tombée de la nuit avec à gauche le mythique Bird Cage Theater, haut lieu de distractions, de spectacles et de jeux de poker du temps de l’exploitation de la mine. C’est à présent un musée pittoresque.

Il y a un coin complètement reconstitué pour amuser la galerie et forcer le folklore, ce n’est pas ce que je préfère, même si j’ai aimé y jeter un œil :

Faute de touristes ces jours-là, c’était fermé, même le gardien s’ennuyait à mourir.

Mais moi je ne me suis pas ennuyée une seconde, il y avait même une exposition d’artistes locaux, parmi lesquels des quilteuses !

Certains quilts étaient en vente, le prix est affiché :

Et celui-ci était le premier lot de la tombola :

Tous ces quilts sont très bien faits, tous les grands ouvrages sont quiltés à la long arm, mais ici il n’y a pas d’extravagance moderne 😦 Cette galerie est presque en face du lieu où se rejoue au moins 3 fois par jour la scène d’OK Corral… sauf quand il n’y a personne :

Vois-tu le panneau OK Corral sur la gauche ?
Derrière ce portail il y a la cour qui était un corral (enclos pour les chevaux). La fusillade commence à l’intérieur et se termine dans l’autre rue parallèle. Bien sûr il faut payer pour voir l’intérieur…

Cette ville a de beaux musées retraçant l’histoire de la ville, une maison avec le plus gros rosier du monde (à partir d’une bouture venant d’Ecosse) et beaucoup d’autres surprises plus ou moins authentiques, on fait la part des choses…

Le rosier est en fleurs en juin et couvre plus de 800 m2 ! (vidéo de 2.51 mn)

Plus court (25 secondes ) : floraison de 2016

Nous avons passé de très chaleureux moments dans un saloon aux fenêtres en vitraux, le soir puis le lendemain au petit déjeuner :

C’est ici que le soir, une joyeuse famille Amish m’a sensibilisée à l’esprit de Thanksgiving au quotidien. La famille aux cinq enfants dînait comme nous dans cet établissement historique, à la table d’à côté. Nous n’avons échangé que quelques sourires, pourtant l’envie ne me manquait pas d’engager la conversation ! Combien de fois me suis-je reproché ma timidité pendant ce voyage… Le père portait une longue barbe mais était habillé comme n’importe quel Américain, tout comme les fils. Les jeunes filles en revanche portaient la même jupe longue visiblement « cousue maison » dans un tissu gris et leur mère avait une robe de la même étoffe et cachait ses cheveux sous une coiffe. Ils étaient visiblement heureux d’être à Tombstone, les discussions à leur table se faisaient dans leur dialecte germanique mais leur anglais était parfait.

Après ces dix étapes chaque mardi, je prends une pause pour mieux revenir en début d’année 2019 avec d’autres épisodes Western Spirit ! J’ai encore des choses à te raconter…

Until later,
Katell

24 commentaires sur « Western Spirit 10 – Tombstone, trop coriace pour mourir »

  1. Magnifique reportage comme chaque mardi, je ne suis pas allee si au sud dans mon periple , les etats unis sont si grands que malheureusement une vie ne suffirait pas a tout faire, je prend donc beaucoup de plaisir a suivre ton periple…et j avoue que je ne suis pas fan de western mais je apres cette lecture je reverrai bien ok corral….
    Belle journée a toi

    J’aime

    1. Pour ma part j’ai été bercée par les anciens westerns que mes parents regardaient à la TV en noir&blanc, je m’en souviens peu en détails à vrai dire. Et très bizarrement les westerns spaghetti, très esthétiques, ne me plaisent pas.
      On ne peut pas tout voir, ainsi la ville de Bisbee, à 40 km de Tombstone, est paraît-il très mignonne, mais nous avons décidé de remonter voir les cactus sous le soleil…
      Passe une bonne journée également !

      J’aime

  2. oh merci, de ce partage de ton voyage, en te lisant on y est avec toi, a bientôt alors pour d’autres découvertes

    J’aime

    1. Le pays s’y prête, les histoires qui s’y sont passées ont modelé le rêve américain, leur état d’esprit… et comme c’est Le Pays des Quilts, j’ai bien pensé que cela plairait à mes fidèles lectrices !

      J’aime

  3. Un beau voyage. Merci pour cette visite. J’adore regarder un western quand il y en a un de bien à la tv.
    Belle expo aussi.
    A bientôt pour une autre découverte.

    J’aime

  4. Sans doute parce que je n’ai jamais été une fan des westerns, cette ville ne m’a pas trop parlé. Mais j’aurais aimé passer une soirée à côté de cette famille amish….
    Je te souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année en attendant de te retrouver pour ce merveilleux voyage partagé.

    J’aime

  5. Une pure merveille que ces récits de voyage : les mots me manquent pour dire à quel point je suis subjuguée par ce « carnet de voyages » : je me suis sentie « dans le voyage »! fabuleux! (oh la la, cela fait beaucoup de fois l’emploi du mot voyage….) et le style clair et net de la rédaction me ravit au plus au point! Merci pour ces généreux partages. Je vais bientôt faire votre connaissance (JA du 12 janvier 2019 à BOUC BEL AIR -Bouches du Rhône-) et je m’en réjouis d’avance. Je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année et à très bientôt pour la suite de l’Aventure.

    J’aime

  6. Merci de nous faire partager ce voyage. A chaque étape, j’apprends plein de choses extraordinaires. Comme quoi le patchwork mène à tout.

    J’aime

  7. Ooohh aller à Tombstone et tomber sur une expo de quilts !
    Merci pour ce beau reportage ! Fan de western (j’adorais le mardi soir « la dernière séance » !)) le film avec Kevin Costner est un de mes préférés !
    Franchement je m’attendais à voir des cowboys sortir des saloons tellement cette ville est
    parfaite de réalisme !

    J’aime

  8. Merci Katell pour ce beau reportage. Tu nous fais voyager très agréablement et les photos sont réussies.

    J’aime

    1. Ici on a vraiment le sentiment d’une ville abandonnée, ce qui n’est pas le cas, nous étions en basse saison : la haute saison touristique est l’hiver et le printemps, car en été il fait trop chaud et parfois trop humide avec ces pluies violentes de la mousson !

      J’aime

  9. Encore un article très intéressant, c’est avec grand plaisir que je te lirai l’année prochaine 😄je te souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année et encore merci pour tous ces reportages qui sont des cadeaux hebdomadaires. 🎄

    J’aime

  10. Je devais attendre l’heure d’un RDV et j’ai fait un retour sur le voyage aux Amérique faite par la ruche des Quilteuses. Je trouve vos descriptions magnifiques et je vais me rencher sur le sujet car c’est un véritable film.
    Bravo et merci c’est merveilleux à lire

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.