Vous avez apprécié les articles de Catherine K. parus d’abord dans le bulletin France Patchwork 67 ; en voici un inédit à quatre mains, où il est question de nos pieds !
C’est fini. Le couperet d’une faillite est tombé le 15 novembre dernier et enterre sans ménagement la Manufacture Charentaise, dernière fabrique du département, après des siècles de tradition… Est-ce à dire que la Paix régnera en maître sur la planète, puisque sa fabrication fut d’abord réalisée à partir des chutes des costumes de la Marine Royale installée à Rochefort ? Ce serait trop beau si cette ruine reposait sur les gravats d’un ultime conflit armé… Hélas…
Pour relayer la cité de Brouage qui s’ensablait inexorablement, Colbert créa en 1666 à Rochefort une ville nouvelle, y érigeant un arsenal et un nouveau port. Quel essor pour le pays charentais !
De grandes quantités de drap de laine arrivaient pour faire les costumes militaires mais aussi les cabans des marins.
Le drap est un tissu de laine retravaillé. Une opération effectuée après tissage, le foulage, qui consomme beaucoup de main d’œuvre, resserre les fibres, les tasse, et leur donne un bel aspect velouté, une surface unie et l’imperméabilise.
Pauline BORD, Rochefort en histoire
Les grandes manufactures de drap de laine étaient un peu partout en France -notamment du côté de la Montagne Noire vers Carcassonne, Mazamet, la vallée de Labastide-Rouairoux…- et les tailleurs d’uniformes charentais ont cherché à valoriser les chutes de drap de laine. C’est vers Angoulême que des savetiers s’installent pour faire les premières pantoufles, auprès des moulins à eau des papeteries qui avaient à la fois d’autres rebuts de feutre et l’eau nécessaire au foulage de la laine.
La charentaise se fabriquait alors sans considération politique, ni de droite ni de gauche, simplement ambidextre pour la faire durer. Elle chaussait le paysan pour donner du confort au sabot de bois et conserver la chaleur du dedans en dehors. Déjà la languette, qui protège le coup de pied de la morsure du sabot de bois, donne à la charentaise son identité. Elle habillait aussi bien le pied des domestiques de châteaux pour patiner les parquets et assurer le service silencieux d’un maître chaussé du modèle luxe pour son moelleux. La silencieuse – c’était son surnom – était également portée par les bijoutiers qui, après usage, les incinéraient pour récupérer les métaux précieux tombés en poudre dans leur atelier. En un mot : la charentaise était la reine de la récup’ !
J’ai porté ces charentaises douces et chaudes qui ramassaient la poussière… Elles sont devenues trop ordinaires et ont fini par disparaître de nos rayons de chaussures, étant devenues synonymes de ringardise, de manque de style : on brûle ce qu’on a adoré…
Le confort oui, mais le laisser-aller, jamais.
Jean Rochefort
Ce grand acteur, au style inimitable, avait un patronyme en faveur des charentaises, mais décidément il ne cessait de nous surprendre :
J’aime l’habit confortable, mais j’ai la trouille de la charentaise.
Jean Rochefort
De plus en plus décalé, de plus en plus original, de plus en plus drôle, ce prodigieux acteur a manié le chic comme personne ! On lui pardonnera sa crainte de la charentaise 😉 Crédit photo Virginie Clavière
Elle n’était sans doute pas assez élégante, en tout cas d’après les critères des magazines de mode, surtout après quelques jours de port où elle se déformait pour mieux épouser le pied, se convulsait avec générosité pour soulager toutes ces douleurs infligées par ces escarpins de luxe qui galbent la jambe et torturent la jolie plante qui s’affiche en public. Finie la douce caresse du feutre chaud qui glisse sur la peau après s’être extirpée du godillot en cuir raide trempé de glace et durci à la graisse, pour être raccord avec le gros pull irlandais, le pantalon de flanelle et la couverture au coin du feu.
Terminées ces batailles joyeuses avec Médor qui vous narguait, la savate dans la gueule, pour récupérer le pied gauche, à cloche-pied sur le droit, parce que se balader sur les planchers cirés, juste en chaussettes, c’était le risque de l’écharde. Toutou se rabat sur ces machins en corde tressée, qu’on trouve tout prêts et à prix d’or dans toute bonne animalerie moderne et qui ne présentent plus aucun intérêt pour le jeu.
Envolés ces souvenirs de séances d’encaustique qui lustrent les parquets bien mieux que ces patins sur lesquels on devait surfer maladroitement comme des trappeurs canadiens sur des raquettes à neige. La charentaise avait l’avantage de la camisole, savait dorloter le pied sans que le patin lui échappe, avait cette vertu de faire rutiler les parquets sans le prix de l’effort.
Bien sûr, elle arborait souvent des couleurs d’un autre temps, d’abord en feutre noir, puis en écossais, pour évoquer peut-être le confort à l’anglaise et masquer les tâches éventuelles.
Ces dernières années pourtant, elle avait osé la modernité à sa manière, c’est-à-dire avec ses gros sabots, avec des couleurs choc et des semelles plastifiées qui renient leur religion feutrée. Encore une page qui se tourne et abandonne dans ses grimoires l’image d’Épinal de la grand-mère confiture, charentaises fatiguées, chignon serré et grand tablier à carreau, tenant d’une main la cuillère de bois trempée de sauce et se tournant vers vous, sourire tendre et regard ridé : « tu veux goûter ? »… Non, trop tard, grand-mère ! Adieu grand-père qui traînait sa carcasse voûtée à pas glissés sur ses chaussons à bords écrasés sous le talon pour rejoindre un Voltaire au velours élimé. Vive la jeunesse éternelle à grands coups d’harpagophytum et d’Arko gélules qui font oublier les tourments de l’âge et la rondeur des sentiments. Et vive le chausson synthétique imposé par la grande distribution, tout droit sorti des mains laborieuses de l’empire du milieu et crevé en trois semaines… comme notre cœur, à l’unisson de celui de cette centaine d’ouvriers du feutre laissés sur le carreau, bien plus rude, celui-là, que celui des charentaises.
Charentaises Rondinaud.
Il reste tout de même un atelier en Dordogne qui fabrique encore de vraies charentaises ; d’autres usines françaises font des chaussons qui leur ressemblent fort… pour combien de temps ?
Catherine Kalmar et Katell
Comme toujours, très intéressant et instructif. Merci, Katell
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Cela fait mal au cœur de voir des entreprises traditionnelles disparaître… C’est probablement le même problème en Espagne. Cariños
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Bonjour voici ce que jai reçu récemment pour faire mes cadeaux de noël…. car jai des amis et un gendre à l’étranger qui raffolent des « charentaises » !!! Cette usine en fabrique encore … Amitiés :Catherine
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Désolée, je ne vois pas le lien. Il reste un atelier en Dordogne, mais aussi plusieurs fabriques de pantoufles en France (en Bretagne, en Alsace). Oui, la charentaise est un symbole français, comme le béret basque !
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Merci Catherine et Katell pour cet éclairage sur nos tendres souvenirs à la manière de Philippe Delerm (la 1ère gorgée de bière et autres plaisirs minuscules).
Je file en acheter (des vraies !)
Beaux et chauds cadeaux de Noël pour mes proches….💡😉
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Envie de montrer son attachement aux charentaises : les ventes explosent depuis l’annonce de la fermeture de la Manufacture Charentaise ! Cela fera-t-il venir un repreneur sérieux ? C’est en tout cas un cadeau de Noël plein de sens…
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Comme je suis touchée par cet article… moi, l’ex charentaise, très déçue de cette décision tombée la semaine dernière. Je n’ai pas eu le temps d’aller faire un petit tour chez Rondinaud avant que le magasin ne soit dévalisé!
Je me permets de relayer cet article dans mon Terrier.
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Coucou.
Quelle nouvelle affligeante, lors de sa diffusion.
Charentaise d’adoption et tellement attachée au patrimoine local.
Amiquiltement.
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@Marmotte rousse : merci chère amie ex-charentaise ! Nous sommes toutes Charentaises en ce moment…
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Encore un article passionnant qui me fait découvrir toute l’histoire de la charentaise. Il est bien triste de voir disparaitre la Manufacture Charentaise .C’est une partie de notre patrimoine qui est abandonné par le département qui a donné son nom à ce chausson mythique. Dans notre Finistère à Quimper se confectionnent encore et depuis 1925 , dans l’entreprise Rivalin des « charentaises bretonnes » …et il faut espérer que cela durera!
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Les Rivalin font des modèles avec exactement la même technique traditionnelle. Ils diversifient leur offre avec des modèles très sympas. Souhaitons-leur une longue vie encore !
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Bonjour,
Une usine qui ferme, un savoir-faire qui disparait c’est triste.
Mais à 20 ans des charentaises aux pieds c’est décalé et rigolo, à 50 ans cela l’est nettement moins.
En avance en âge, on fait attention, le feutre ça glisse, la charentaise ne tient pas bien aux pieds, elle ne se moule pas aux pieds, le pied nage et cela fait négligé, on les perd, attention aux escaliers. On a oublié 3 brins de ciboulette dans le jardin , il faut changer de chaussures à cause de la semelle, la charentaise n’a pas de talon même intérieur c’est mauvais pour le tendon d’Achille, le dos dixit le kiné.
Là, je porte des chaussons forme charentaises rose fuschia noir, j’ai une semelle en plastique, un talon de 1 cm mais je dois mettre de grosses chaussettes pour ne pas les perdre, elles sont espagnoles malheureusement et vous vous portez quoi comme chaussons ?
Se lamenter après, ce n’est pas positif.
Achetons des charentaises mais qu’elles correspondent à nos modes de vies.
Quilt en Sud n’existe plus mais cela aurait été le moment de lancer un concours : customiser vos charentaises
Bonne journée
Jacqueline Coutarel
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C’est réellement un symbole de la perte de nos fabriques, les unes après les autres, que nous pleurons. Notre patrimoine artisanal/industriel que nous connaissons depuis notre enfance…
Ce qui me fait une réelle peine, c’est que malgré des atouts, on n’a pas réussi à sauver cette entreprise (et d’autres), non en mécanisant tout, mais en adaptant le savoir-faire à la demande.
Pourtant, des jeunes lancent leur marque avec… des charentaises : https://lapantoufleapepere.fr/fr/content/19-la-marque
Cela montre que ce n’et pas seulement le consommateur qui manque, mais une évolution adaptée. Les charges exponentielles sur les entreprises françaises ne facilitent rien.
Mes chaussons ? des claquettes en cuir made in Aveyron, car j’ai toujours chaud aux pieds… mais c’est juste moi !
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Oh quelle bonne idée « customisez vos charentaises » ressuscitez quilt en sud !!! nous sommes tellement tristes de ces disparitions !
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Toujours adepte des vraies charentaises.Que vais je alors trouver pour garder mes pieds au chaud l’hiver??? Made in France bien sur.
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Il reste certainement un bon stock…
Rivalin de Quimper fait de très bons chaussons traditionnels, on reste à l’ouest !
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Nous sommes bien triste en Charente de cette disparition ! Le magasin a été dévalisé samedi.il y a 104 emplois et un savoir faire qui disparaissent.
Peut-être un projet de relancer un atelier mais rien de sur pour l instant.
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Il faut un repreneur avec des idées claires, il y a certainement moyen de valoriser un tel savoir-faire…
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Merci pour cet article qui nous apprend encore quelques précieux renseignements. Depuis que je suis autonome pour l’achat de mes vêtements, mes chaussons ont toujours été, et sont encore aujourd’hui des charentaises! Peut-être pas des originales, mais toujours en laine et de fabrication française. Exerçant un travail en station debout, il me tardait d’enfiler mes pantoufles confortables et chaudes, faisant fi de la mode, du look etc… lorsque la laine est tassée, je place une semelle moutonnée en LAINE, et c’est reparti pour quelques mois! Je n’aime pas la semelle externe en feutre et lui préfère celle en caoutchouc avec une surépaisseur au talon. La vraie charentaise d’origine n’existera plus, malheureusement, mais il y a encore de bons produits similaires de fabrication française. Pourvu que ça dure!…
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Je crois justement que la survie de ces entreprises est dans l’écoute des consommateurs, la diversification… Je viens de découvrir que Rivalin fait aussi des charentaises d’été en coton, cela pourrait me convenir ! A chacune ses petites préférences…
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Le savoir-faire français disparaît peu à peu… quelle tristesse ! Moi qui avais pris l’habitude d’en offrir à mon papa, des classiques puis des rigolotes… pfffff…..
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Des rigolotes, tu en trouveras peut-être du côté des Alsaciens, chez la pantoufle à pépère !
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Non les miennes ne sont pas charentaises mais Rondinaud, je ne savais pas qu’elles venaient de Dordogne. J’ai eu une frayeur plus aucune charentaise pour nos pieds en tout cas notre fils qui vit à Hanoî ,ou les hivers sont plus frais qu’on ne croit , m’en a commandé pour le confort des siens.
Vive la charentaise, je vais faire des provisions pour les années à venir.
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Merci pour cet article très instructif.
J habite près de Varaignes où il existe un peti musée concernant la charentaise.
Et je porte des charentaises couleur fushia,qui sont imparables pour collecter tous les petits bouts de tissus et fils qui s échappent.
Bonne journée
La cocotte de kiev
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Il y a une dizaine d’années j’ai fait de la randonnée dans le désert algérien et il a été recommandé de prendre des charentaises pour les soirées froides. Quelle bonne idée ! Je les ai échangées avec ma compagne d’emplacement (car nous dormions à la belle étoile) car les siennes étaient trop petites et les miennes plus grandes. Je les mets à la campagne car la maison est directement sur le sol sans vide sanitaire, et l’humidité monte même à travers le carrelage. L’été c’est nu-pieds car comme vous j’ai toujours chaud aux pieds. Quand j’irai en Bretagne j’en achèterais à Quimper-Corentin chez Rivalin. ça rime !
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Merci pour ce partage bien sympathique !
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Bonjour, j’ai 47 ans et j’habite à Pessac près de Bordeaux. Maman de 3 enfants -21, 18 et 15 ans, deux garçons et une fille, mes enfants, mon mari et moi-même achetons des charentaises Rondinaud depuis 20 ans et personne ne peut s’en passer ! Et même notre chiot les a attaqués un temps, les charentaises sont toujours d’actualité ! VIVE LES CHARENTAISES 100% FRANÇAISES !!!!
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