La Route 66 – Mythique Mississippi

Mississippi, c’est la transcription du mot qu’utilisent les Ojibwés (Amérindiens des plaines, autour des Grands Lacs, aux USA et au Canada) pour parler du fleuve, « le père des eaux » qui serpentait dans les immenses prairies peuplées de quelques centaines de milliers d’Indiens nomades, d’animaux et plantes sauvages, pendant des millénaires…

Un Dreamcatcher, attrape-rêves ou capteur de rêves, est un objet du monde des Ojibwés. Dans les années 1960, les Ojibwés ont commencé à en fabriquer pour les touristes blancs et c’est devenu un très joli objet de décoration désacralisé. Certains autres Amérindiens leur en veulent toujours…  Un capteur de rêves se pose au-dessus du lit et capture, comme une araignée attrape des mouches, les cauchemars dans ses fils, pour ne laisser filtrer que les vrais rêves. Pour les Indiens, les rêves sont l’expression des besoins de l’âme, le moyen de communiquer avec le Grand Esprit auquel nous sommes tous liés.
Source photo: Img arcade

Embarquons sur ce fleuve, grande voie de communication qui coule du Nord au Sud, avec des dessins de Morris et un scénario de Goscinny dans un album qui évoque la course entre deux capitaines ennemis, à partir de la Nouvelle-Orléans jusqu’à Minneapolis.

La Nouvelle-Orléans a encore conservé le souvenir de la France.
En remontant le Mississipi, Lucky Luke nous fait découvrir les caprices et dangers de ce fleuve et plusieurs faits historiques. L’album est aussi vieux que moi, de janvier 1961, mais lui n’a pas pris une ride !

Les rides devraient simplement être l’empreinte des sourires.
Mark Twain

Ce qui a tout de même vieilli, c’est l’image du Noir flemmard mais sympa. De nos jours, politiquement incorrect.

Dans cet album de Lucky Luke, on retrouve la plupart des thématiques autour du fleuve : sa majesté, ses dangers, son utilité commerciale… Deux thèmes historiques y sont traités : la course folle de deux steamers (bateaux à aubes) en 1870 et un des premiers boulots d’un futur écrivain célèbre…

La course mythique en remontant le Mississippi

La bande dessinée nous raconte de manière assez fidèle la course engagée entre deux capitaines de steamers (bateaux propulsés à la vapeur grâce à une roue à aubes) en juillet 1870. Tous les coups étaient permis et l’envie de gagner était attisée par les paris gigantesques dans tout le pays !  Cette course particulière est restée fameuse, en raison de son enjeu : démontrer que les bateaux avaient encore un avenir en ralliant New-Orleans à Saint-Louis en moins de 4 jours, malgré la concurrence féroce du chemin de fer…

Avec Lucky Luke, les noms des capitaines et des bateaux sont changés, la ville d’arrivée aussi, mais l’ambiance est presque la même !

Ces courses n’étaient pas rares, elles se terminaient parfois par l’explosion de la chaudière et presque autant de morts que de passagers, la plupart ne sachant pas nager. Les milliers de bateaux sur le Mississippi transportaient des personnes, mais surtout des marchandises comme le charbon, le coton, le maïs, le blé etc. La contenance s’estimait en balles de coton (les ballots jaunes sur les images).

Pour la vraie course, les paris ont dépassé tout ce qu’on peut imaginer !


L’écrivain marqué à vie par le Mississippi

Samuel L. Clemens, 15 ans (en décembre 1850) déjà typographe à New-York…

Samuel Langhorn Clemens, alias Mark Twain, né dans le Missouri en 1835, fut un grand voyageur. Sa plume le distingue comme un des plus grands écrivains, son tempérament en fait un esprit ouvert, généreux, iconoclaste, facétieux… Que j’aimerais qu’existent + de Mark Twain dans le monde !

Dans 20 ans, vous serez plus déçu par les choses que vous n’avez pas faites que par celles que vous avez faites. Alors sortez des sentiers battus. Mettez les voiles. Explorez. Rêvez. Découvrez.

Voyager est fatal aux préjugés, à l’intolérance et à l’étroitesse d’esprit.

En France, on le prend pour un écrivain pour la jeunesse parmi d’autres (Les aventures de Tom Sawyer et Huckleberry Finn). Mark Twain est en réalité au pinacle des écrivains, un de ceux qui a exalté l’état d’esprit américain, dans son meilleur sens : le droit de chacun d’améliorer sa vie, l’optimisme qui fait avancer, le respect de toutes les religions, la liberté et la capacité d’entreprendre tout ce qu’on aime… J’aimerais prendre le temps un jour de le lire bien plus que les quelques romans lus lors mon adolescence. 

De retour à sa maison d’enfance en 1902, à Hannibal, village au bord du Mississippi, dans le Missouri. Elle est devenue un très beau musée en l’honneur de l’écrivain.

Twain était entièrement à l’aise par empathie avec tous et partout, mais avec une distance constante lui permettant un jugement sûr, très humain mais distancié. Son ironie, ses aphorismes m’enchantent. Alors à défaut de lire son œuvre dès demain, voici quelques citations :

Éloignez-vous des personnes qui tentent de modérer vos ambitions.
Les petites personnes font toujours cela.
Mais celui qui est génial vous fait sentir que vous aussi, vous pouvez être génial.

Je n’aime pas avoir l’idée de devoir choisir entre le paradis et l’enfer :
j’ai des amis dans des deux.

Il y a plusieurs choses humoristiques en ce monde ;
parmi elles, le fait que l’homme blanc se croit moins sauvage que les autres sauvages.

Il vaut mieux être un optimiste qui a parfois tort
qu’un pessimiste qui a toujours raison.

 

Enfant, Samuel Clemens avait cette vue du Mississippi de chez lui. Représentation artistique de John Stobart (1979).

Avant tous les autres, il défendait ardemment la cause animale :

Il n’y a que la vanité et la désinvolture de l’homme
pour croire qu’un animal est muet,
c’est parce que nos perceptions limitées
ne nous permettent pas de l’entendre.


Si l’on croisait les humains avec les chats,
cela améliorerait les humains,
mais ce serait une catastrophe pour les chats.


Si les animaux pouvaient parler,
le chien serait un compagnon plein d’une franchise maladroite
mais le chat aurait la rare élégance de ne jamais dire un mot de trop.


Plus j’en apprends sur les gens, plus j’aime mon chien.

Certaines phrases font écho aux livres de développement personnel actuels :

Ne vous disputez jamais avec des imbéciles
car ils vont vous ramener à leur niveau de bêtise
et vous battre sur ce terrain avec leur plus grande expérience.

Nous ne sommes rien d’autre qu’un pot-pourri d’ancêtres disparus.

Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.

Quel rapport avec l’album de Lucky Luke ??

Goscinny et Morris empruntent des pans de la jeunesse de Mark Twain, quand vers ses 20 ans il commença à travailler sur un steamboat (bateau à vapeur) par fascination du milieu, après y avoir voyagé comme passager. Il fit connaissance de centaines de personnages hauts en couleurs, au franc-parler imagé, pour lesquels il se prit d’affection.

Il commença en bas de l’échelle, mesurant la hauteur d’eau du Mississippi pour que le bateau ne s’enlise pas. Il fallait que la jauge marque plus de 2 pieds de profondeur, et quand on criait « Mark twain », marque double avec l’accent, cela signifiait l’alerte d’une profondeur insuffisante…

La sonde était marquée tous les pieds (environ 30 cm) et on ne pouvait plus passer s’il n’y avait plus que 2 ou 3 pieds de profondeur.

Samuel Clemens fut vite capitaine de bateau, jusqu’à la déclaration de la Guerre de Sécession en 1861, puis partit ensuite vers d’autres aventures après 5 années de vie sur le Mississippi. Ses souvenirs lui donneront matière à écrire plusieurs formidables romans. Retranscrivant les accents locaux, décrivant les gens tels qu’ils étaient, il fut le premier grand écrivain réaliste.

Il raconta aussi une autre version de son pseudonyme, Twain/twin qui signifie double, jumeau. Sa mère avait attendu des jumeaux (ce qui n’est pas avéré…), et l’un est mort à la naissance :  Oui, a-t-il dit, je me demande qui, de mon frère jumeau ou de moi, est mort à la naissance, nous nous ressemblions tellement. Mark Twain avait une vision bien particulière de la vérité, à géométrie variable… Sujet inépuisable !

La vérité est la chose la plus précieuse que nous ayons.
Économisons-la.

Mentez courtois, que diable ! Avec aplomb et élégance.

La vérité est toujours plus surprenante que la fiction,
parce que la fiction doit coller à ce qui est possible,
alors que la vérité, elle, n’y est pas obligée.

Un mensonge peut faire le tour de la terre
le temps que la vérité mette ses chaussures.

Dans le doute, dites la vérité.

 

Samuel naquit 2 semaines après le passage de la comète Halley en 1835 ; reconnu comme le plus grand écrivain vivant, il écrivit un an avant sa mort :

Je vins au monde avec la comète de Halley en 1835. Elle reviendra l’année prochaine, et je m’attends à partir avec elle. Le Tout-Puissant a dit: “Voyez donc ces deux monstres inexplicables ; ils sont venus ensemble, ils doivent repartir ensemble”.

Intuition ? Accablement après la mort de ses proches ? Ultime ironie ? Il mourut 3 semaines avant le passage de la comète de Halley de 1910 qu’on ne voit que tous les 76 ans. Poussière d’étoiles…

Une Star du Midwest

Revenons un instant sur la Route 66, c’est fou comme on y croise des Harley-Davidson !

Superbe quilt fait de tissus et de tee-shirts, créé par notre autre Star de l’étape, Victoria Findlay-Wolfe. Ce modèle, Star Storm, est vendu ici. Attention, envoi postal (pas en PDF).

La source du Mississippi, ce fleuve qu’on a traversé près de Saint-Louis sur la Route 66, est dans le Minnesota, près de la frontière canadienne. C’est là qu’est née Victoria (déjà citée dans La Ruche des Quilteuses).

Les quatre livres de Victoria, par ordre de parution de gauche à droite.

Pour faire un lien avec l’article de l’étape 1, voici un autre quilt de la grande Victoria Findlay Wolfe (grande autant par sa taille que son talent), une belle tige poussée dans la campagne du Minnesota, près de la source du « Père des Eaux », « Old Man River ». Pour elle, le rouge éclatant s’appelle toujours le rouge McCormick :

Big Red, de Victoria Findlay Wolfe (2014) avec le sigle McCormick au centre du quilt et une bordure qui rappelle les traces profondes laissées dans les champs par les tracteurs.

Même si Victoria vit depuis des années à Manhattan (New-York City), elle ne manque jamais de rappeler qu’elle a grandi dans une ferme, que ses parents sont des éleveurs de bœufs au fin fond du Midwest et que sa grand-mère Elda faisait des quilts improvisés, avec ce qu’elle avait de disponible : elle sait d’où elle vient et l’héritage familial n’est pas un vain mot.

Son blog n’est plus alimenté, cela lui prenait sans doute trop de temps, mais son site est ici et Victoria poste assez souvent des photos sur Instagram.

Victoria m’a offert la photo d’un de ses quilts de style improvisé pour mon livre BeeBook (page 17), j’en ai été très honorée ! C’est une des artistes innovantes qui inspire les jeunes et moins jeunes et grâce à qui l’art du patchwork continue de vivre intensément.

BeeBook, édité en 2019 par France Patchwork, est un livre dont je reste très fière, en vente sur le site France Patchwork.

So long, quilters, writers, cowboys and drivers on Route 66!
Katell

32 commentaires sur « La Route 66 – Mythique Mississippi »

    1. Merci ! Non, je fais mes recherches principalement sur internet essayant de recouper les informations, car beaucoup d’erreurs, répétées 10 fois, deviennent des « vérités » ! Je vais lire A la dure de Mark Twain, issu de sa découverte de l’Ouest sauvage. Il fut chercheur d’or et d’argent aussi !!

      J’aime

    1. Je l’avais lu il y a 15 ans environ, livre de la bibliothèque pour mon fils… Et donc acheté la semaine dernière pour faire quelques photos ! Oui, c’est un monde d’optimisme qui nous fait tant défaut cette année.

      J’aime

    1. Un vrai philosophe ! Je n’avais pas réussi à caser dans BeeBook la citation  » ils ne savaient pas que c’était impossible… » mais elle ne me quitte pas, bien modestement… Je n’en fais pas grand chose mais c’est un message optimiste que j’aime.

      J’aime

  1. Quelle page originale, si bien illustrée et qui nous en apprend beaucoup sur ce grand écrivain que je connais fort peu hélas. Mais il n’est pas trop tard pour combler cette lacune peut être …..

    J’aime

  2. Un régal effectivement. Un dimanche matin… c est wouah ! Après les petits pains, l œuf à la coque, fromage et confiture…. les mots de Mark Twain…. c est un retour en accéléré dans ma jeunesse. Merci Katell, tout ton article est super. Beye see you later on thé road. Ursula

    J’aime

  3. Voyager dès le matin… tout en se tenant loin des dangers… que cela fait du bien.
    « Ils ne savaient pas que c’était impossible… » comme j’aurais voulu pouvoir utiliser la fin de cette citation dans quelques jours mais le virus a été le plus fort!

    J’aime

  4. Merci de faire découvrir ce Mississipi ! Ce nom est tellement connu et pourtant nous n’en savions pas grand chose.
    Quelle vie extraordinaire ce Mark Twain ! Un esprit aiguisé comme je les aime !

    J’aime

    1. Le fleuve traverse aussi tant de régions différentes… Comme on ne fait que le croiser sur la Route 66, je m’arrêterai ici d’en parler, mais j’ai attrapé, comme un bon virus, l’envie d’aller le voir de plus près… Flo Ferré mentionne sur Facebook un merveilleux magasin de patchwork à Hannibal, dans la ville de la maison d’enfance de Mark Twain !!

      J’aime

  5. la vie sur le mississipi au 19ème siècle est semblable à celle sur la magnifique murray river, le majestueux plus long fleuve australien – relatée par nancy Kato dans « l’australienne ». un destin de femme comme on les aime. bsbsbs eee

    J’aime

    1. Oh merci, c’est très intéressant ! Malgré mon admiration pour notre civilisation, le confort et la sécurité acquis, de plus en plus je trouve évident qu’on a fait fausse route en mettant la nature à notre service, bousillant tout partout. C’est impressionnant…

      J’aime

  6. Merci pour ce merveilleux voyage sur les rives di Mississipi Katell! Cela fait du bien de s’évader. De plus, tu m’as réellement donné l’envie de relire Mark Twain, je vais m’y atteler!
    Je t’embrasse,
    Natacha

    J’aime

    1. Pour 49 centimes, on peut télécharger l’oeuvre complète sur liseuse, toute sa correspondance, ses articles, essais et romans bien sûr. Je ne l’ai pas fait car je crains de bloquer ma mémoire de liseuse car il doit y avoir plus de 10000 pages !! Alors autant sélectionner…

      J’aime

      1. Merci Katell, pour cette bonne info! Mais je reconnais que je n’ai toujours pas de liseuse. J’aime profondément l’odeur du papier et le fait de tenir un livre dans mes mains. En fait, dans mes jeunes années, j’ai travaillé en librairie et on parlait à l’époque du livre numérique qui allait révolutionner notre monde et nous avions très peur…. Alors c’est vrai que j’ai encore un peu de mal à sauter le pas 😉 Je vais bien finir par évoluer, un jour je n’aurai plus le choix je crois. Donc, j’irai faire un tour prochainement chez mon libraire lol

        J’aime

        1. Je comprends tellement ! Mais ma motivation principale est de pouvoir lire la nuit 1 heure ou 2 en temps d’insomnie, sans sortir de mon lit ni allumer la lumière. Alors je lis presque toujours deux livres en même temps : un roman et un document, pour rester concentrée sur chacun !
          Bonne découverte !

          J’aime

          1. Et je te comprends complètement! Je suis moi même insomniaque par périodes mais ma méthode est différente : je me fais un lait chaud à la cannelle et je reprends mon bouquin en cours. Cela m’aide souvent à me rendormir. J’ai envie de dire « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » 😉 lol…..
            Allons, pour cette nuit, malgré les vilains évènements, tâchons de dormir profondément si nous le pouvons.

            Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.