Réenchanter le monde

Fréquenter la nature remet les idées en place, avec les pieds bien sur terre et la tête près du ciel. En ville, nous ne sommes pas la même personne. C’est pourquoi le mélange des genres, les écolos-bobos des villes, sont si facilement moqués. Même si certains ont des attitudes de précieuses ridicules, l’envie de nature est viscérale pour la majorité. La pandémie a une conséquence inattendue : une augmentation des déménagements vers un appartement avec terrasse, une maison, ou plus radicalement vers la campagne.

La grande aventure de l’existence, c’est de trouver là où l’on est bien.
Sylvain Tesson

On a perdu en ville la convivialité des villages où tout le monde se connaît, où on se déplace à pied et où la nature est à notre porte. Quilt Castelnau, Katell (explications dans BeeBook, éditions France Patchwork).

Même si je ne suis pas bobo puisque vivant à la campagne🙃, je me suis bien moquée du scandale de la cantine du lundi à Lyon.

Petit rappel : en janvier 2019, 500 personnes avaient signé un manifeste demandant de ne plus manger de viande ni de poisson chaque lundi de l’année, « pour faire un geste pour la planète », les individuels comme en restauration collective. Malheureusement, cette proposition fut sabordée par la dénonciation du mode de vie des signataires, habitués à prendre l’avion – donc au bilan carbone élevé – et la bataille de chiffres noya le poisson mangé ou pas. 

Faiblesse assurée contre les coronas à venir ? Vraiment ?… Des agriculteurs manifestent à Lyon (Rhône), lundi 22 février 2021.  (NICOLAS LIPONNE / HANS LUCAS / AFP)

A la cantine des petits Lyonnais, il est question d’éviter la viande le lundi, avec cependant des œufs, du lait (donc ce n’est pas un menu végétalien), et aussi avec du poisson (donc ce n’est même pas un menu végétarien). La plupart des médecins conseillent d’ailleurs de manger moins souvent de viande, mais de la meilleure. Que n’a-t-on pas entendu !!! De nombreux politiciens ne se sont pas grandis avec leurs réactions faussement affolées sur la santé des enfants. 

 

On peut bien sûr pourrir la vie des enfants. Un repas végétarien n’est pas un plat où on a simplement enlevé la viande ! Les cuisiniers ont bien plus d’imagination que cela et il n’est pas du tout question de donner une nourriture de moindre qualité nutritionnelle. Les enfants peuvent aussi se régaler avec un plat végétarien !

Sans tambour ni trompette, de nombreuses cantines proposent un repas végétarien par semaine, sans que cela ne fasse de vague.

Nous les Terriens sommes toujours plus nombreux et ce n’est pas demain qu’on va trouver une solution sur Mars ou la Lune. Sur Terre l’agriculture devient plus difficile, avec un climat plus extrême, trop ou pas assez d’eau, des sols appauvris… Certains éleveurs et agriculteurs sont d’accord qu’avec de bonnes décisions, de la concertation, de la bonne volonté, des aides bien ciblées, ils trouveront des pratiques à la fois rentables et plus respectueuses de la nature. Notre société ne doit plus viser le toujours plus des décennies précédentes, mais le toujours mieux, y compris pour la production de la viande. Un vaste programme, nécessairement européen, devra donner aux agriculteurs plus de responsabilité envers la préservation de la nature et le bien-être animal, couplé avec plus de dignité et considération pour eux qui travaillent pour notre alimentation, et ils devront disposer de plus de solutions réellement vertes avec bien sûr une plus juste rémunération. Ce qui est en jeu, c’est à la fois le respect de la nature et la sécurité alimentaire ! Nous avons de si bons produits de terroir, il faut poursuivre leur valorisation avec des accords commerciaux qui les favoriseront.


Et en faisant vraiment la guerre aux gaspillages, nous augmenterions aussi les ressources. 

L’homme est un enfant capricieux qui croit que la Terre est sa chambre, les bêtes ses jouets, les arbres ses hochets.
Sylvain Tesson

Nous pouvons avoir une agriculture moderne ET verte. Il est grand temps de limiter l’agriculture industrielle du XXe siècle pour préserver faune et flore naturelles : lisez le blog de la Marmotte Rousse qui se soucie particulièrement du paysage de bocage avec ses haies, réseaux de réserve naturelle (Le Terrier de Marmotte, articles de février 2021).

Ces derniers siècles ont vu la vision du monde changer radicalement. On a célébré la supériorité de l’Homme sur la Nature, le cartésianisme nous a incités à avancer dans la connaissance et les sciences. Mais on a en même temps considéré la nature comme utilitaire, un garde-manger de ressources à disposition. On a perdu la mesure des peuples premiers, certes moins nombreux que notre population mondiale actuelle, qui ne prélevaient que le strict nécessaire : pas de gaspillage, ni d’enlaidissement de la nature. Les Romantiques, les Hippies et tant d’autres contestataires ont alerté sur la perte du respect du vivant et du naturel, maladroitement sans doute. Mais oublier la sagesse de la nature conduit à la surconsommation, au culte de l’accumulation (des objets, des richesses).

La Maison des Insectes, chez ma fille et mon gendre, donne un abri pour plusieurs catégories de bestioles utiles.

Le bien-être matériel est certes très appréciable et améliore la qualité de vie, je ne suis pas prête à endurer la dure vie de nos ancêtres ! Mais on a parfois oublié que la qualité des échanges humains et la relation à la nature nous rendent plus lumineux et heureux ☺ En ce temps particulier de pandémie, on peut redonner la juste valeur aux choses. Nous nous sommes trop éloignés de la nature, source d’enchantement, qui procure un mieux-être simple, rassurant, vivant, harmonieux.

Le tableau le plus cher du monde ne vaudra jamais un coucher de soleil en exposition temporaire, ou même la plus humble pâquerette quand on la regarde de très près.

François Garagnon, Jade et le réenchantement du monde.

Réenchanter le monde, c’est aussi se redonner le droit de s’émerveiller en observant la nature, en oubliant les explications scientifiques du pourquoi et du comment et en sentant battre le pouls de la puissance naturelle.

Au printemps, quelle énergie dans l’éclosion des bourgeons, dans les chants des oiseaux !

En faisant du patchwork, nous aussi nous réenchantons le monde. A partir d’humbles tissus, nous faisons de la magie ! Laissons-nous porter par la simple joie de créer, même si on n’aboutit pas forcément à un chef d’œuvre. C’est le cas avec ce nouveau quilt, où j’ai patiemment additionné mille souvenirs, mille restes d’autres ouvrages. Quand j’ai commencé par le mot NATURE en tissus blanc et orange, je ne savais pas du tout où j’allais ! Ce quilt témoigne des vertus du recyclage et de la liberté de l’improvisation.

Réenchanter le monde, 2021, Katell. Réalisé uniquement avec des chutes et un vieux drap au dos. Pour le moment, ce quilt enchante notre terrasse !

Déconnectons-nous un peu du monde moderne pour nous reconnecter à la nature !
Lumineusement, Naturellement,
Katell

Soleil à Castelnau !

34 commentaires sur « Réenchanter le monde »

  1. Katell., tu as l’art (parmi tant d’autres) de mettre des mots sur nos pensées les plus profondes. Merci pour ces phrases si vraies et ces réflexions qui remettent les choses à leur place et traduisent si bien notre ressenti et la recherche de la vraie vie.
    J’adore la simplicité de tes ouvrages multicolores faits uniquement de scraps.
    Bonne journée à toi.

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    1. Oh merci Michelle… Venant de toi cela me touche infiniment, toi qui fais des quilts tellement exceptionnels !
      Je crois profondément que nous sommes à un moment charnière, il ne faut pas se tromper de chemin, trouver la sagesse de bien gérer les priorités, sans tabou.
      J’espère très fort que le Carrefour ouvrira cette année, on s’y retrouvera 💚

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  2. Bonjour Katell, je rejoins totalement les propos de Michelle, je n’aurais pas su mieux dire. Je constate aussi que nous avons les mêmes lectures, Sylvain Tesson est un auteur brillantissime. Cette reconnexion à la nature semble en marche (reconstruction d’un barrage sur l’Allier qui favorise le passage des saumons, mutation de plus en plus marquée des pratiques de nos agriculteurs vers le bio) espérons que la délivrance que nous apportera la vaccination contre la Covid-19 ne nous précipitera pas à nouveau vers nos mauvaises habitudes. Tu es une formidable ambassadrice de ce renouveau, ton quilt en est un des nombreux exemples, j’y vois, outre ton talent et ton sens artistique de la récup’, un très joli paysage de bocage. Je t’embrasse

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    1. Ah mes chères amies alsaciennes !
      J’ai beaucoup coupé cet article, tranché dans le vif, tellement ce sujet me parle. Les implications sont multiples, je me doute que tu le devines. Intimement, je sens comme toi qu’il faudra absolument prendre les bonnes décisions de manière urgente, une fois que nous serons moins occupés par le covid19.
      La phrase prononcée par Chirac (soufflée dans l’avion vers l’Afrique du Sud par Hulot) « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » a tragiquement 19 ans…
      A bientôt Catherine, merci pour ton commentaire !

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    1. Chantal, je te sais tout autant consciente de ces problèmes que moi, sinon plus !! Tu m’avais bluffée avec ton essai de potager sauvage en lasagnes ! On peut régénérer la terre, économiser intelligemment l’eau, manger mieux en exploitant moins les ressources…
      Bonne journée et à bientôt !

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  3. Chère Katell, Mille merci pour vos documents introuvables ailleurs. Cela demande beaucoup de recherche et donc du travail, pour nous faire plaisir. Amicalement

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    1. Une lecture en attire une autre, les convictions se forgent, les expériences, les discussions affinent ces sujets, même si je n’ai aucune compétence au départ. Nous avons un jardin avec un grand potager entièrement bio et c’est source inépuisable d’enchantements, mais aussi de découragements. Parfois nous comprenons le recours à la manière forte quand c’est son gagne-pain… Je n’ai pas la prétention de faire un article de fond, mais juste d’inciter à être sensible à ce thème, pour moi bien plus important pour l’avenir que tout le reste.
      Merci d’être une lectrice fidèle !

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  4. Tu écris avec brio ce que je pense tout bas… et cet article réenchante si bien tout ce que j’ai pu écrire dernièrement. Que dire de ton quilt qui illustre à merveille ces paysages de bocage où je me sens tellement bien!

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    1. C’est très amusant, en faisant ce top je n’y pensais pas une seconde ! Mon idée était de populariser cette couleur souvent mal aimée en patchwork, de montrer qu’elle est gaie. Les petites parcelles, c’est pourtant assez évident pour moi aussi maintenant !
      Le bocage est harmonieux sans avoir besoin de symétrie, et quand on sait toutes ses vertus, après t’avoie lue, on l’aime encore plus !
      Nous continuons nos chemins en harmonie l’une et l’autre…

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  5. Bonjour Katell, je suis veg depuis longtemps ou disons que je ne bois plus de lait de vache qui e donnait de l’arthrose (y compris en Inde où l’on boit beaucoup de lait et où je vais comme bénévole plutôt souvent!) plus de viande non plus (mais du poisson de temps en temps…. Je vis à la campagne, malgré mon âge avancé, je me porte TRES bien; bref, voilà un article juste.
    J’ai en cours, un grand patch inspiré de quelque chose que j’avais vu chez toi, je ferai des articles plus tard avec ton lien……..Mais bien que je ne copie jamais (je m’inspire!) j’aime celui des maisons qui doivent permettre d’utiliser des chutes. Pour le voir un peu mieux, y a -t-il eu des articles anciens sur ton blog?
    Merci en tout cas!
    Anne

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    1. Il me semble que tu t’inspires des feuilles en appliqué improvisé, mon prochain article le montrera quilté ! Pour ce quilt précis, j’ai suivi une photo de très près, mais j’ai utilisé une autre méthode 😊
      Je n’ai pas souvent montré Castelnau, car il est en détails dans mon livre BeeBook, je suis partie de maisons faites à la manière de Bernadette Mayr. Avec mon paquet de maisons, il a bien fallu que je les monte et, à l’image des villages escarpés d’Occitanie, je les ai montées ainsi.
      Autre article ici : https://quilteuseforever.com/2019/07/11/promenade-de-belcastel-a-castelnau-%F0%9F%98%89/
      Je ne me prive pas de viande parfois, mais avec mes filles végétariennes, c’est presque seulement au restaurant ! Alors en ce moment… Elles se surveillent, elles sont sans aucune carence, elles sont sportives et se portent très bien aussi !

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  6. Bonjour Katell, Un grand merci pour ce message, clair, vrai, qui parle au coeur de la campagnarde que je suis,( mais qui, hélas végète en ville), et pour ces magnifiques ouvrages enchanteurs et enchantés

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  7. A près correction, je recommence:
    Bonjour Katell, je suis veg depuis longtemps ou disons que je ne bois plus de lait de vache qui me donnait de l’arthrose (y compris en Inde où l’on boit beaucoup de lait et où je vais comme bénévole plutôt souvent!) plus de viande non plus (mais du poisson de temps en temps!)…. Je vis à la campagne, malgré mon âge avancé, je me porte TRES bien; bref, voilà un article juste.
    J’ai en cours, un grand patch inspiré de quelque chose que j’avais vu chez toi (les arbres aux feuilles), je ferai des articles plus tard avec ton lien……..Mais bien que je ne copie jamais (je m’inspire!) j’aime celui des maisons qui doivent permettre d’utiliser des chutes. Pour le voir un peu mieux, y a -t-il eu des articles anciens sur ton blog?
    Merci en tout cas!
    Anne

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  8. Entièrement d’accord avec tes mots. J’ai été « décroissante » avant que le mot existe, mais maintenant je suis pessimiste quand je vois qu’on vend aux chinois nos immeubles, nos châteaux, mais aussi nos terres. Que vont-ils en faire ? Après avoir pollué leurs terres, ils passent à celles de l’Afrique et à celles de l’Europe.
    Oui, redonnons la juste valeur aux choses, et montrons l’exemple aux jeunes qui se sentent un peu perdus au coeur de cette pandémie.
    Merci pour ton article.

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    1. Ces grands mouvements de capitaux – si abracadabrants de la part d’un pays encore communiste ! – sont ahurissants. On a cru bien profiter de leur main d’œuvre bon marché, nous avons le retour de bâton et tout cela n’est pas sain.
      Être décroissant pour moi, c’est vouloir vivre simplement bien, sans nuire, retourner aux fondamentaux. Une part de moi l’est aussi depuis longtemps !

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  9. rien à dire de plus…même si j’aime la viande (!) mais la nature n’a pas dit son dernier mot, je pense que le covid en est un exemple

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    1. Moi aussi j’aime la viande, j’en mange rarement mais je ne me prive pas de ce plaisir parfois, en choisissant bien ! Ce qui ne va pas, ce sont les élevages-usines, à combattre impitoyablement.
      On croit savoir que la plupart des pandémies viennent de la proximité anormales avec des animaux sauvages. Au Moyen-Âge, déjà, la peste était due aux puces véhiculées par les rats…

      Dans l’immédiat, on a tellement envie de pouvoir de nouveau nous rencontrer sans crainte ! Une joie simple…

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  10. mon avis rejoint celui de Michelle , c’est tellement vrai ce que dit Katell et cela rejoint mes réflexions et mes lectures. j’habite dans un petit village et je ressens encore davantage cette chance de vivre dans la nature depuis la pandémie . je constate aussi que nous rencontrons de plus en plus de personnes lors de nos balades à pied . Comme le dit l’une de vous, espérons que tout ne recommencera pas comme avant lorsque l’épidémie sera moindre.

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    1. Moi aussi, je constate que nous sommes de plus en plus nombreux à marcher ou prendre le vélo plutôt que prendre la voiture pour de petits trajets, c’est tellement bien !

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  11. C’est tellement agréable de se sentir moins seul.e ! Et cet article est si bien écrit. Je persiste en pensant que les menus végétariens à l’école auraient l’avantage surtout de régler (presque ?) tous les interdits alimentaires religieux et donc limiter les polémiques à ce sujet. Mon marie et moi mangeons de moins en moins de viande mais locale et de bonne qualité. Lorsque je vois les élevages industriels où sont entassés ces animaux, j’ai envie de dire : Not in my name.

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    1. C’est drôle comme nous sommes réunies par un loisir-passion, et nous nous trouvons tant d’autres affinités !
      Les élevages indignes devraient être fermés dare-dare. Seulement les éleveurs ont investi sur l’insistance d’instance plus hautes, ils sont coincés. Il faut en sortir pour le bien-être des animaux, sans oublier les éleveurs piégés, ce n’est pas mission impossible…

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  12. Ah, si seulement on pouvait ne plus entendre que ce genre de voix ! Qui étoufferait celles de tous les râleurs et Yaka, faukon… Bon , je rêve . M erci Katell !!!!

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  13. Merci pour tous vos articles que j’apprécie beaucoup et bravo pour ce dernier Patch !!! Bon week end ☀️

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  14. Merci pour cet article. J’ai fait plusieurs modèles de Bernadette Mayr, dont les petites maisons. Et j’adore réaliser des crumb quilts en pièçant des petits morceaux de tissu. Peut-être une idée pour un prochain article ?

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    1. J’espère que nous aurons bientôt un nouveau livre de Bernadette Mayr, elle nous inspira toujours tant de jolies choses ! Pour les crumb quilts, oh oui j’en ai fait aussi, j’adore !!

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  15. vive la vie simple près de la nature. Notre (jeune) cuisinier est dans cette démarche, ouf enfin! il a renouvelé la carte des menus qu’il compose avec des élèves de temps en temps.. résultat: moins de gâchis et un approvisionnement plus local. bravo pour ces beaux quilts!

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