Lectures estivales et chemins de traverse

Pour ce dernier post de la saison, voici de nouveaux livres acquis, lus, et que j’ai offerts parfois autour de moi lors de récents anniversaires. Pour moi, pas de bonnes vacances sans de bons livres ! Musarder à l’ombre en s’évadant, loin ou pas… Voici donc des romans, un récit, un essai et une BD.

Nous avons un seul trésor, les 26 lettres de l’alphabet.
Sylvain Tesson à La Grande Librairie, le 30/06/21

Lectures bretonnes

Avec mes deux sœurs ex-parisiennes redevenues bretonnes, une nostalgie soudaine m’a envahie et je me suis divertie avec deux romans ayant lieu dans la mystérieuse forêt de Brocéliande.

Brocéliande qui, dans les temps immémoriaux,
recouvrait une bonne partie de la Bretagne…
Lynda Guillemaud

Les Bretons tiennent fort à leur culture et la littérature régionale se porte très bien ! Alors sont venus à moi deux livres, deux romancières. L’une est Bretonne, l’autre pas, toutes deux ont simplement été envoûtées par les forces de la nature… Vous pouvez donc lire, sans en attendre plus qu’une agréable balade chez les Bretons :

Et vous y trouverez peut-être bien plus que ce que vous pensiez ! Quand la forêt est un personnage de roman et les hommes, les femmes, pas toujours ce qu’ils prétendent être… ni les chats d’ailleurs.

S’il y a bien deux choses sur lesquelles l’homme n’a aucune prise,
c’est le temps qu’il fait et le temps qui passe.

Pourquoi faut-il toujours réfléchir au drame hypothétique
quand sur l’instant ne se pose que la question de la joie ?

Écoute ton instinct, il est là le génie humain.

Son Dieu à elle se cachait dans les arbres,
dans les herbes, dans le soleil et dans la pluie.

Agnès Ledig

La féline du Sage

Dans les maisons de Brocéliande, des chats, toujours des chats… A propos de chats, avez-vous lu Le Chat du Dalaï-Lama et ses suites ? C’est un roman à la fois très amusant et initiatique, sur la voie de la connaissance du bouddhisme. J’ai été absolument conquise ! Paroles de la chatte du Dalaï-Lama, sa petite lionne des neiges :

Trop penser à soi est cause de beaucoup de souffrances, a dit le dalaï-lama. Inquiétude, dépression, ressentiment, crainte, tous ces symptômes sont aggravés par un trop grand souci de soi. Le mantra Moi, moi, moi n’est pas une panacée.

Il y a quelque chose de très satisfaisant quand on peut faire ce qu’on aime vraiment et être apprécié par les autres.

La meilleure façon de réaliser son propre bonheur est de faire le bonheur des autres.

Le Dalaï-Lama était absent ; malgré tout, sa présence était palpable, elle se manifestait partout, réverbérant son message : ma religion est la gentillesse.

Un rafraichissant délice de David Richie, des perles de sagesse enfilées avec légèreté par cette petite boule de poils aux yeux saphir…

A Paris

Autre romancière, parmi les plus connues, Tatiana de Rosnay : elle a dépoussiéré ce roman écrit en 1990 resté dans ses tiroirs, période proche et si lointaine, une vie sans portable ni internet… Je lis tous ses romans, j’ai beaucoup aimé celui-ci aussi, Célestine du Bac ! Souvent Tatiana s’approche de l’univers d’un autre écrivain, cette fois-ci c’est Émile Zola. Un bonheur, même si j’aurais aimé encore plus de liens littéraires dans le récit. L’amitié sincère entre un jeune homme qui se cherche et une femme de la rue illustrent à merveille la belle phrase de Saint-Exupéry :

On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

Les deux personnes s’apprivoisent, deviennent uniques l’une pour l’autre… encore un clin d’œil à Saint-Ex ! Et l’humour à l’anglaise pimente cette très belle lecture, dans ce passé proche.

Frank Thilliez a lui aussi misé sur 1991, pour un polar sans smartphone… mais je ne l’ai pas encore lu. La nostalgie d’un temps récent est un refuge évident, après l’année chaotique que nous venons d’endurer.

Nous avons des problèmes, avons-nous des solutions ?

Après du rêve et de la nostalgie, les livres suivants sont axés sur nos problématiques actuelles, comme un fil rouge en traversant la campagne presque intacte du Massif Central, en réfléchissant sur les positions plutôt positives de spécialistes sur la démographie galopante ou le péril climatique, en se demandant si des animaux nous sauveront, et finalement en restant forcément inquiet devant l’immobilisme des décideurs…

Le Chemin des Estives m’a happée en librairie, simplement parce que j’aime les récits de voyageurs non conventionnels le long des chemins de traverse. C’est ici un mois de traversée du Massif Central, si beau, si sauvage, dans des conditions bien particulières : le narrateur n’a pas choisi son compagnon de route et n’a pas un sou en poche. Pourquoi ? C’est une épreuve du noviciat pour devenir Jésuite ! J’ai trouvé ce postulat de départ complètement anachronique, en 2019… En creux, traverser cette France peu changée, rencontrer des personnes qui se préservent du monde actuel, invite à la réflexion sur ce que nous souhaitons préserver dans la mutation de notre monde.

A part les convictions religieuses opposées – l’un catholique fervent, l’autre athée – Charles Wright ressemble fort à SylvainTesson ! Clin d’œil de la vie, chacun est fou de Rimbaud et Tesson vient de sortir Un Été avec Rimbaud… pas de hasard ! Une belle lecture, une ode à la vie poétique et un regard sur les justes valeurs de la vie. C’est parfois long un mois, à admirer les vaches paître sur son chemin et observer la pauvreté évangélique ! Mais le récit est émaillé de belles réflexions qui rendent la lecture inoubliable.

Comment bien vivre la fin de ce monde. Tel un faux Candide, Marc Welinski s’inquiète de l’avenir à moyen terme, après avoir lu notamment le remarqué Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne & Raphaël Stevens. Toutes les données additionnelles, les informations, abondent dans le sens du péril imminent à bousiller les océans, le climat, la biodiversité, la qualité de vie etc. en quelques dizaines d’années. Comme moi, il se souvient de René Dumont à la TV avec son pull rouge et son verre d’eau, lors des Présidentielles de 1974. Depuis, tout s’est empiré et il semble que nous ne faisons toujours rien, ou bien trop peu, en tout cas pas assez ou mal.

Faux Candide, pourquoi ? Parce que l’auteur fait sa liste d’inquiétudes et va voir quinze spécialistes pour établir un constat réel et une vision de l’avenir. Certains noms sont connus du grand public, d’autres pas. Les interventions ont un intérêt variable à mes yeux (Alain Minc ne m’apporte pas grand chose) et certaines réflexions, notamment de physiciens, sont ardues pour moi. J’ai pourtant apprécié le résultat de ces entretiens qui rend l’avenir potentiellement plus lumineux que le postulat de départ ; l’éclaircie de l’horizon est fondée sur le génie humain, son bon sens, le détachement croissant des dogmes religieux et intellectuels qui peuvent aider à devenir lucides et actifs…

Je suis d’accord avec le constat que beaucoup de solutions viennent de la base, du peuple qui montre qu’avec sa sagesse populaire et sa résilience, il porte plus de confiance dans l’avenir que les élites et, surtout, il AGIT. Les nouvelles organisations au niveau local (associations, AMAP…) prouvent que s’en sortir va avec la créativité au niveau local, la débrouillardise, l’amour de la vie et de ses proches. L’éducation des enfants est incontournable dans ce sens. Mais que font les pouvoirs publics pour donner les justes impulsions, indispensables pour s’en sortir vraiment ?

A vrai dire, je ressens bien cette vitalité qui vient de nous, mais je suis bien moins optimiste globalement que ce Candide et ses amis spécialistes…

Respirons avec Le Pouvoir des Animaux, le dernier Van Cauwelaert. Respirons… tant que l’air est encore disponible ! Parfois moqué parce qu’il ose croire dans les forces occultes, moi je suis toujours conquise par cet écrivain. Ce nouveau roman est une belle lecture estivale, n’hésitez pas ! C’est l’un de ses meilleurs, lisible par tous avec facilité. Tel La Fontaine, Van Cauwelaert fait parler des animaux pour mieux comprendre les hommes…

J’aime son écriture vive et simple avec, toujours, un fond sérieux, une approche scientifique, ici la destruction de l’harmonie du monde qu’on nomme évolution, et de possibles solutions, tirées de nouveau du génie humain, avec la bienveillance des animaux !!

Au moment où on ne sait toujours pas exactement comment est arrivé le covid19 dans nos vies, mais certainement du monde animal, notre survie sera-t-elle tributaire d’animaux, de la manière la plus curieuse qui soit ??

Terminons avec Les petits Pas ne Suffisent Pas, dessiné et écrit par Muriel Douru, en collaboration avec Nicolas Hulot. C’est une bande dessinée de 192 pages qui retrace la vie du médiatique ex-journaliste, ex-ministre. Parfois décrié, moqué, je lui crédite une sincérité touchante, une confiance qui confine à la naïveté, mais chaque épreuve lui apprend quelque chose. Sa dernière naïveté fut de croire qu’il pourrait changer les choses sous la présidence de E. Macron ! Cette BD est très complémentaire de l’entretien Hulot/Lenoir intitulé D’un monde à l’autre, le temps des consciences (voir cet article Un an après, le blues ?)

Gardons avec Hulot une once d’optimisme pour passer un bel été, malgré tout…

L’utopie, c’est simplement ce qui n’a pas encore été essayé.

L’émerveillement [de la nature, pendant les années Ushuaia]
est le premier pas vers le respect et un premier indice de conscience.

Notre mode de vie actuel, basé sur une insatisfaction constante,
ne peut s’éterniser sur une planète limitée,
au risque de la rendre invivable avant la fin du siècle.

Nicolas Hulot

Moi la première, je crains de souffrir de mesures annoncées dans la métropole toulousaine : ma « vieille » voiture, bien qu’économe et en parfait état, ne pourra plus rouler en 2024… Je me considère pourtant comme consommatrice très raisonnable avec le potager de mon mari en permaculture, notre soin à diminuer les emballages et nombre d’autres mesures au quotidien. Le défi est de simplifier sa vie pour alléger sans trop de souffrances nos consommations polluantes. Mais c’est aussi une question d’échelle, il faut d’abord s’attaquer aux plus grands postes pollueurs et destructeurs mondiaux puis organiser des transitions intelligentes. Pas facile, mais faisable en favorisant le local, en revenant à des pratiques plus raisonnables…

Gaëlle sourit avant d’ajouter que dans « désespoir » on entend des espoirs…
Agnès Ledig

Chemins de traverse en Aveyron

Avant de nous quitter, prenons un chemin très peu fréquenté de l’Aveyron, emprunté mardi en famille. Il ne faisait pas bien beau mais nous avions envie de respirer l’air du Rougier, au sud de ce grand département. Ce coin est connu pour sa terre rouge tirant sur le grenat, les maisons sont de ce grès typique ; la terre est pauvre et les brebis s’en contentent, procurant le lait dont on fait le Roquefort, un peu plus à l’est. Si vous saviez tout ce qu’on peut y découvrir d’insolite !! Mais non, je me tais, pour qu’il n’y ait pas une avalanche de touristes ! Cela restera juste entre nous… Nous y trouvons toujours de nouveaux villages à visiter, de nouveaux paysages, et cette fois-ci, à Sylvanès la bien-nommée, avec sa sylve de hauts arbres, nous avons vécu un sacré dépaysement : nous voilà soudain en Russie !

Une église orthodoxe russe fut fabriquée par des charpentiers en Russie, puis démontée, transportée en train, remontée ici en 1994. Un jeune Frère orthodoxe nous y accueille fraternellement.
Paysage qui ne dépare pas avec l’idée qu’on peut se faire de la Russie

Pourquoi un tel site ? Dans le même village se trouve une belle abbaye cistercienne du XIIe siècle et au moment de la Perestroïka (début des années 1990), des liens soutenus se formèrent entre l’Église orthodoxe et l’abbaye au cours de rencontres spirituelles. Ainsi est né le projet d’une église russe en Aveyron, construite dans la pure tradition du VIIe siècle ! Sa construction fut l’occasion d’un rapprochement et d’une exceptionnelle fraternité entre les artisans et artistes russes et aveyronnais.

Voici l’intérieur, chaleureux grâce au bois, coloré grâce à de nombreuses reproductions d’icônes, avec une salle principale et de nombreuses « chapelles » (les nomme-t-on ainsi ?) :

Je ne vous aurais pas parlé de cette visite si je n’y avais découvert quelques textiles intéressants !

Un top rouge et or cousu en Russie est accroché devant une fenêtre, écrin insolite d’un Christ !

Dans un coin, une œuvre d’art textile a retenu mon attention, signée Renée Andréini, qui gagna le 2e Prix des Amis de la Crèche en 2011 à Nice (06). Si vous la connaissez, vous pouvez lui dire que son œuvre est en de bonnes mains en Aveyron !

Nativité, Renée Andréini-Lieutaud

Les lieux les plus insolites me ramènent bien souvent, comme un fil invisible, à une de mes passions, le patrimoine, la nature, la lecture, les arts textiles… que je continuerai de partager avec joie après une pause estivale !

Bel été, avec ou sans voyages, avec ou sans lectures et projets de patchwork !
Restons prudentes malgré tout, tout en cultivant la joie de vivre et la curiosité,
Katell

26 commentaires sur « Lectures estivales et chemins de traverse »

  1. ah quel bon moment de vous lire . de noter ces auteurs ce matin de bonne heure. des livres à l’église orthodoxe …. .je vous dis merci, joyeux et doux été.

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  2. Merci katell quelle belle selection de livres,j ai lu celui d agnes ledig et comme toi j aime beaucoup tatiana de rosnay le dernier que j ai lu d elle  » les sentinelles de la pluie  » ce que pourrait devenir paris ou bien d autres villes avec le dérèglement climatique…je prend note de tes suggestions
    Bel été a toi aussi et a SMM ,j espère
    Bises
    Nadine

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    1. Les sentinelles de la pluie, c’était incroyable : sorti 15 jours avant une grosse menace d’inondation à Paris ! Son suivant, les Fleurs de l’Ombre, est flippant : comment nous pouvons être surveillés dans un futur très proches… mais aussi bien d’autres choses ! Cette Anglo-Française de notre génération a une élégance innée, qui se retrouve dans ses romans.
      Que ton été soit beau pour toi aussi et RV à la rentrée !

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  3. Merci pour toutes les références des livres dont certains sont mes préférés mais d’autres à découvrir pendant cet été, encore merci et bonne lecture à tous.

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  4. De toute beauté cette magnifique église orthodoxe !
    Merci pour ces idées de lecture notées avec plaisir !
    Bonnes vacances , au plaisir de vous suivre à la rentrée !

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  5. petit voyage en littérature et en photos avant de partir en vacances; profites bien de cet été , surtout si le soleil veut bien se réveiller

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  6. J’aime Sylvain Tesson, son Odyssée et son Rimbaud, j’aime beaucoup Didier Wan Cauwelaert; je ne pourrai spas vivre sans livre (en ce moment, un « vieux » Ligne de faille de Nancy Huston…)
    Merci pour les autres, j’ai noté…

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  7. merci pour ces conseils de lecture, des moments paisibles que j’apprécie énormément quand je suis plongée dans un texte qui me fait oublier le monde perturbé dans lequel nous vivons.
    j’ai lu » Paradis perdus « d’Eric-Emmanuel Schmitt: une traversée des temps imaginaire et si bien écrite qui nous transporte dans un autre univers . »raconte l’histoire de l’Humanité sous forme d’un roman » mais aussi nous fait découvrir les relations entre les hommes dans des situations très particulières
    Merci aussi pour cette chapelle, on ressent le calme et la sérénité qui nous touche rien qu’en regardant les photos; quand on marche , on rencontre parfois des lieux apaisants :oratoires chapelles, calvaires . La Nature nous apporte tellement pour qui sait s’y arrêter.

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  8. Merci pour cet article qui nous fait déjà voyager!!
    Je ne peux pas m’endormir sans un peu de lecture! Mais en ce moment je me relis les grands classiques comme L’écume des jours de Vian…!!! Mais je note tes références et comme je suis fan de chats, devine quel pourrait être le prochain!!!???
    Passe un bel été et à très vite

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    1. Tu vas aimer…
      Moi aussi, c’est lecture nécessaire avant de dormir… Cela nous crée-t-il de beaux rêves ? C’est en tout cas la nuit que j’ai mes idées de nouveaux quilts !!

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  9. Comment ne pourrions-nous pas passer un bel été après toutes ces belles paroles, cette mine de lectures.Et toujours tellement d’enthousiasme, de goût de vivre. MERCI. A toi aussi un bel été !

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    1. Merci Thérèse, espérons que l’optimisme régnera sur la rentrée, et non un nième confinement… en attendant, restons prudentes tout en profitant des belles choses et des personnes qui nous font du bien !

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  10. Merci pour vos choix de livres, j’apprécie beaucoup Sylvain Tesson, mais je n’ai pas encore lu son dernier livre. Je vous souhaite un très bel été.

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  11. Merci Katell pour ce bel article encore une fois, beaucoup de ces livres sont déjà dans ma liste à lire ( suis moi aussi une fan de Didier Van Cauwelart) mais je note les autres ! Bel été à vous en espérant vous croiser au salon pour l’amour du fil même so nous habitons la même ville Toulouse !!

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    1. Oui j’y serai, mais en visiteuse, en espérant que ce Salon nantais maintes fois reporté aura bien lieu. Nous aurons aussi, espérons-le, un Salon à Toulouse-Beauzelle en octobre… Mais on sait que les rejets ne tiennent qu’à un fil depuis un an et demi.

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