Ma chère amie Maïté m’a envoyé des photos au cœur de l’été au sujet d’une histoire insolite, méconnue (du moins en France), triste et touchante. On se croirait dans un roman exotique, mais Lili’uokalani a bien existé et voici un pan de sa vie.

Hawaï, Hawaii ou Hawai’i, au choix, est un archipel de 137 îles nommé d’après l’île principale, perle américaine du Pacifique, paradis de vacances au son du ukulélé, réserve de merveilles de la nature, spot de surf, lieu de naissance de Barack Obama en 1961… et je n’en savais pas grand chose d’autre.
Je ne m’étais jamais demandé comment cette île avait bien pu rejoindre le géant étasunien.

Pour faire court, ces îles polynésiennes furent découvertes par l’Occident par le grand explorateur James Cook en 1778. Il les baptisa les Îles Sandwich : il aurait aussi pu les nommer Îles Ananas, tant qu’à faire !

James Cook mourut à Hawaii un an après, battu à mort par les natifs (on dit qu’il fut ensuite mangé… mais rien n’est sûr). Cela ne lui a pas porté chance de baptiser ces îles en hommage à John Montagu, comte de Sandwich (Angleterre), diplomate et amiral, mais aussi joueur invétéré corrompu ! La légende veut que ce comte ne voulait pas perdre de temps à se mettre à table pour manger, d’où la préparation avec une tranche de bœuf au milieu de deux tranches de pain
nommée ensuite sandwich…
Les îles s’unifièrent en royaume en 1810, dynastie qui perdurera jusqu’en 1893 pour laisser place à une République éphémère et troublée, puis elles devinrent territoire américain jusqu’à devenir en 1959 un Etat des Etats-Unis à part entière, le 50e. C’est le destin du dernier monarque qui nous intéresse aujourd’hui, une femme nommée Lili’uokalani.

Lili’uokalani (1838-1917) succéda légitimement à son frère au trône d’Hawaii en 1891. Elle avait à cœur de restaurer les prérogatives de son peuple vis-à-vis des Américains et des Européens de plus en plus « envahissants » ; le port de Pearl Harbor est idéalement situé comme base économique du Pacifique pour les USA… Hélas, les haoles (les riches blancs) contestèrent donc rudement l’autorité de Lili’uokalani et ne la laissèrent pas longtemps en place : la Reine fut destituée deux ans après. Les troubles durèrent jusqu’en 1895, date à laquelle elle fut arrêtée, soupçonnée de rébellion, et gardée de force dans une chambre de son ancien palais royal à Honolulu. Enfermée une année, cette femme très pacifique (chrétienne mais aussi proche des bouddhistes et shintoïstes d’Hawaii) avait une âme d’artiste qui l’aida à passer le temps : elle écrivit des poèmes, ses mémoires, composa des chants devenus célèbres… et fit un quilt à sa manière ! Elle sera réhabilitée et dédiera sa fortune dans son testament pour sa Fondation pour les enfants orphelins et déshérités d’Hawaii.
Voici le quilt fait par la Reine durant sa captivité, quilt qui n’a rien de commun avec les habituels quilts hawaïens actuels mais tout à voir avec son époque :

Par amitié, la dame de compagnie de la reine resta tout le long de l’assignation à résidence avec elle. La fidèle servante ne partait que le dimanche pour rendre visite à sa famille. Le quilt fut probablement fait par les deux femmes ensemble. Vu dans son ensemble, ce n’est pas le crazy le plus esthétique du monde, mais il témoigne de tant de choses et de près, il est somptueux. Il est immense (presque 2,50 m de côté), fait de chutes de vêtements féminins d’alors, principalement de soie, velours, rubans, lin… Il est extrêmement fragile et est à présent exposé sous verre dans sa chambre de détention. La différence esthétique entre les blocs provient du fait que l’ex-reine assembla des parties faites au fur et à mesure, sans savoir quand son incarcération finirait. L’avait-elle commencé avant son arrestation ? L’a-t-elle assemblé après sa libération ? Je l’ignore. En tout cas, Lili’uokalani ne remonta jamais sur le trône et vécut jusqu’en 1917.

Bill Clinton, au nom des USA, présentera tardivement un texte d’excuses (Apology Resolution) au peuple hawaiien en 1993. Le revenu médian des ménages est nettement au-dessus de la moyenne dans cet Etat, la population est très diversifiée et il fait bon y vivre ! Pourtant l’indépendance d’Hawaii est un sujet épineux pour une partie de la population et des revendications d’indépendance restent d’actualité.
Voici des photos de détail, les premières proviennent de Mary Agnes Howard, l’amie de Maïté qui a visité le palais d’Honolulu cet été. On a donc quelques reflets inévitables, mais le quilt est bien visible. Merci à toutes deux !





La reine déchue mit dans son quilt tout son amour pour Hawaii, pour sa famille… Un livre montre de nombreuses photos détaillées du quilt avec son histoire et certaines photos ci-dessus proviennent de cette source :

Et voilà comment, une fois de plus, la grande histoire s’apprend grâce aux quilts !
EDIT à 10 h : je viens d’apprendre que le Président Obama vient de quadrupler, à l’ouest de l’archipel d’Hawaï, une zone protégée de la planète qui devient ainsi la plus grande du monde, à lire ici en français. La pêche commerciale, l’utilisation des fonds sous-marins sont désormais interdites, mais la pêche traditionnelle hawaïenne reste autorisée. Protection de la Nature : Yes we can!