C’est une bien longue histoire que le Underground Railroad, ce réseau de chemins de terre qu’empruntaient clandestinement des esclaves fuyant leur condition et voulant se réfugier dans le Nord non-esclavagiste, si possible au Canada. C’était un chemin d’espoir, de liberté qui hélas devenait bien souvent un chemin de souffrances et de déceptions. Ils étaient pourtant bien aidés par des personnes de bonne volonté, principalement Quakers, ces protestants tellement évolués, libres dans leur tête et leur vie et qui étaient les principaux Abolitionnistes. Pour ce Chemin de Fer souterrain fictif on avait un vocabulaire rappelant le réseau ferré avec ses gares (les lieux sûrs) et les chefs de gare qui aidaient sur le chemin. Le Underground Railroad eut cours durant des décennies, jusqu’à la Guerre de Sécession (1861-65).
Cette année, un roman prend une place considérable dans le rappel de cette époque d’esclavage (qu’on aimerait tant être uniquement un drame du passé). Il s’appelle simplement Underground Railroad. Ce roman a raflé plusieurs Prix littéraires prestigieux, grâce à son écriture visuelle et son héroïne tellement touchante. L’originalité est que l’auteur New-yorkais imagine un VRAI chemin de fer souterrain pour passer plusieurs endroits difficiles… Ce roman risque fort de transformer l’imaginaire américain et cette fiction deviendra peut-être, pour beaucoup, une réalité du passé !
Connaissez-vous les quilts codés ?
A la fin des années 1990, les magazines de quilting, puis les actualités généralistes, et enfin des livres d’Histoire du niveau Collège racontaient que des quilts mis dehors, comme s’ils étaient aérés sur le fil d’étendage, cachaient des messages codés pour aider les fugitifs à passer les obstacles. Beaucoup veulent encore y croire même si les plus sérieuses historiennes, comme Barbara Brackman ou Christiane Billard en France, sont d’accord pour assurer qu’il n’y a absolument aucune trace de quilt, aucun écrit et surtout que c’était irréaliste, ne serait-ce que parce que certains blocs n’existaient pas encore, mais aussi parce qu’il aurait été bien difficile de faire circuler les infos sur la signification des blocs sans attirer l’attention… Franchement, cette histoire a été crue car elle est très belle et correspond aussi à l’imaginaire américain, on aurait aimé qu’elle fût vraie ! Cette belle histoire, racontée par une femme soutenant qu’elle la tenait de tradition orale de sa famille sur plusieurs générations, provient bien plus probablement de souvenirs de livres d’enfants des années 1980 et en particulier le très mignon Sweet Clara and the Freedom Quilt.

Au début des années 2000 d’innombrables quilts ont été faits d’après un livre d’Eleanor Burns et Sue Bouchard, un manuel pour réaliser un Sampler donnant les clés des codes. Il fait rêver certes, mais il est clairement écrit d’une manière que je dirais légère, pour être gentille. Cet immense succès de librairie manque cruellement de justifications historiques. Il n’en reste pas moins que le sampler est très harmonieux et c’est l’occasion de raconter la jolie fable des quilts codés. Mais l’exploitation de cette histoire donnée pour vraie par des spécialistes du patchwork traditionnel me laisse un goût amer. Il suffisait de dire que c’était un jeu ou un mythe, et tout allait bien !

De cette histoire controversée est née une très belle idée chez Denyse Saint-Arroman : à partir des noms si riches et variés des blocs de patchwork, pourrait-on délivrer un message codé ? Oh que cette possibilité est excitante ! Denyse a préparé ce projet, l’a soumis à son groupe de quilteuses parmi lesquelles deux vraies débutantes.
Le grand bonheur, c’est que j’en suis la très heureuse destinataire !

La dominante bleue, c’est pour me faire plaisir car ce n’est pas la couleur favorite de Denyse 😉 Bravo à chacune (surtout les débutantes !) pour ces beaux blocs qui cachent donc un message qui me fait un plaisir fou… et un peu rougir, à chaque fois que je le lis :
Cette Journée de l’Amitié (Friendship Star) marque la fin de notre route ensemble (End of the Road). Notre groupe de couturières (Sewing Circle) s’est réuni pour te dire au revoir (Good Cheer).
Nous sommes tristes de te perdre (Bleeding Heart). Avec l’aide de tes abeilles (Honey Bee) tu as été la meilleure déléguée qu’on pouvait souhaiter (Best of All) et nous ne t’oublierons jamais (Forget me Not).
Tu as fait de ton mieux pour resserrer les liens d’amitié (Links of Friendship) entre les membres de France Patchwork et tu as encouragé avec impartialité (Fair Play) toutes les quilteuses. Nous t’offrons donc ce bouquet (Friendship Bouquet) pour te remercier de tout ce que tu as fait pour nous. Nous te prenons dans nos bras (Hug Block) pour t’embrasser très affectueusement (Kiss Block) et nous te souhaitons chance (Lucky Clover) et prospérité (Prosperity) dans tes activités à venir.
Les blocs du sampler sont dans l’ordre de ce beau message et entre parenthèses vous avez les noms des blocs. Mais n’oublions pas que plusieurs blocs peuvent avoir le même nom, et inversement un bloc pouvait être nommé de maintes façons ! C’était la liberté des quilteuses d’antan…
