Patchwork : contre-cultures

Essentiels livres…

Désigner les livres produits non essentiels n’est pas bon signe. Je n’ai pas envie de polémiquer ici, mais vous devinez mon agacement. Enfin, les commerces ont de nouveau le droit d’ouvrir et de vendre ces fameux non-essentiels, tellement mal désignés. Nous restons cependant en confinement, il faut arriver à faire baisser suffisamment les chiffres pour passer une fin d’année en famille réunie et ce n’est pas gagné. Et je sais que tant de personnes ne peuvent toujours pas travailler… Changeons donc de sujet, pour éclairer notre journée.

Aujourd’hui, je me réjouis de vous recommander un livre de patchwork français qu’on peut acheter en librairie ! Cela fait un an que je voulais écrire cet article, mais j’avais bien souvent une actualité à traiter. Cette année est passée tellement différemment de toutes mes prévisions que, presque à son issue, il me semble que je ne l’ai pas vécue.

Patchwork – Contre-cultures, le ton est donné dès le titre et sur la 4e de couverture. Les protagonistes sont les Femmes ! Ce livre est posé sur mon quilt Castelnau (présenté dans BeeBook)

Il s’agit d’un livre assez particulier dont l’éditeur, Jean Poderos, raconte l’histoire en préface. Vous vous souvenez de Jacqueline Morel qui enchantait les pages de Marie-Claire Idées avec des quilts poétiques. A sa disparition, nous étions bouleversées et j’avais écrit cet article en hommage. La famille de Jacqueline, consciente de son impact sur le monde des quilteuses françaises, a ardemment souhaité laisser une trace plus conséquente que de simples présentations de quilts dans un magazine.

Ainsi est né le projet du livre. En le feuilletant, on voit que des doubles pages en fond noir parsèment le volume : c’est ici l’histoire de Jacqueline Morel, illustrée de ses quilts qui accompagnent les tendances que nous avons nous aussi traversées depuis les années 1980. C’est le Portrait de Jacqueline Morel au long cours en neuf parties. Nous parcourons la vie de cette artiste et nous apprécions son sens des couleurs, son goût du travail manuel bien fait, ses talents de dessinatrice et son humanité… Un régal de parcourir ainsi sa vie de quilteuse, et la nôtre en miroir.

Quant aux pages imprimées sur fond blanc, c’est là aussi une très bonne surprise. Je ressens beaucoup d’affinités avec les thèmes présentés par les auteures. Enfin, un livre français qui raconte en détails l’histoire du patchwork dans le monde et sous toutes ses coutures ! Vous y trouverez aussi bien l’économie rurale et le « faire avec ce qu’on a » que les quilts de concours ou le simple loisir, la force des appliqués, la folie des crazy tout comme la symétrie du patchwork en blocs, et aussi les quilts bavards et contestataires, les quilts faits en commun, la sororité… Autant de thèmes auxquels vous êtes habituées, vous lectrices de la Ruche des Quilteuses !

Très bien structuré, l’ouvrage passe en revue de nombreux thèmes que vous avez pu aussi lire ici dans mon blog. Le livre a l’atout majeur d’avoir un déroulement logique, et de plus en plus je ressens la faiblesse de mon blog : comment s’y retrouver dans près de 1 100 articles étalés sur 9 ans ? Il y a bien les rubriques et la magie des liens, mais moi-même j’ai parfois du mal à retrouver un article… Je suis ravie de trouver imprimées en français les idées que j’ai déjà abordées – et bien plus encore ! – avec ordre et logique. Bravo à l’audace de l’éditeur, bravo aux auteures Marie Le Goaziou et Nathalie Bresson !

J’avoue ne pas connaître Marie Le Goaziou. En revanche, Nathalie Bresson est mon amie sur Facebook depuis plusieurs années, ça crée des liens ! Elle a activement participé à ce livre et j’apprécie sa culture encyclopédique du monde des textiles, toujours bien à propos.

C’est donc un livre que je vous recommande sans hésitation. Décembre, c’est le mois des cadeaux, soufflez donc cette idée à vos proches !

Et toujours, lisons…
Katell

Réédition du livre de Jacqueline Morel

Quiltmania réédite le livre de la regrettée Jacqueline Morel, artiste si talentueuse, spécialiste du patchwork à la française et du bel appliqué. Si vous ne l’avez pas déjà, vous vous ferez plaisir et ferez également un geste pour les malades de l’Association Mieux-Être à Saint-Jean, car tous les droits d’auteur leur sont reversés. C’est une très louable décision ! De plus, ce livre peut devenir un cadeau de Noël, vous en serez très heureuse !

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Les envois se feront à partir du 16 octobre. Vous pouvez le commander directement dès aujourd’hui sur le site de Quiltmania en cliquant ici.

(Quelques informations sur Jacqueline Morel ici.)

Jacqueline Morel… Elle aimait s’inspirer de la campagne…

Jacqueline Morel

Je ne la connaissais pas personnellement, mais c’est pour elle que je me suis abonnée des années durant à Marie-Claire Idées, pour ne manquer aucun de ses ouvrages, même en vivant à l’étranger… Jacqueline Morel s’est éteinte fin juin. Son inspiration bucolique, avec ses animaux (poules, insectes, oiseaux…), ses fleurs, ses coutumes, ses jeux, ses fêtes, ont marqué les quilteuses françaises. Elle aimait les tissus un peu bruts, un peu fanés, les écossais campagnards, les fleurettes… On retrouvait dans ses ouvrages un peu de notre enfance !

Le dernier ouvrage présenté est une merveille aux oiseaux appliqués, sur un fond en patchwork plein de libertés, typique de cette artiste (MCI n° 104).

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Si vous n’avez pas accès aux numéros anciens de MCI, vous pouvez cependant retrouver quelques-uns de ses ouvrages dans le petit livre Patchwork : 50 modèles pour toutes les saisons. On y redécouvre son style particulier « country à la Française », avec de nombreux tissus chinés dans les brocantes, donnant un air un peu désuet à ces œuvres fort décoratives.

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En couverture, un quilt de Jacqueline Morel, typique de son style frais et campagnard, joyeux et délicat, simple et raffiné.

Un de ses plus grand succès reste le Jeu de l’Oie :105283978

Nous pouvons la revoir, racontant sa passion avec simplicité et sincérité, dans ce reportage diffusé sur TF1 (journal 13 H du 17 novembre 2010 : TF1 LE PATCHWORK.

Nous nous étions précipitées sur son livre paru chez Quiltmania : Le Petit Monde de Jacqueline Morel. Très vite épuisé, victime de son succès… Nous sommes plusieurs Abeilles à en avoir un exemplaire, aucune ne souhaiterait s’en séparer !

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Nous ne l’oublierons pas…

Les Abeilles ont toujours aimé ses quilts, mais c’est Maïté qui l’a le plus souvent honorée car c’est tout-à-fait son style :

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Au coin du Feu, https://quilteuseforever.wordpress.com/2011/08/13/encore-une-petite-sieste/
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Une poule sur un Mur, https://quilteuseforever.wordpress.com/2011/07/12/toujours-la-campagne/

Nous parlions de Jacqueline Morel ici aussi :
https://quilteuseforever.wordpress.com/2011/08/28/heritage-a-la-francaise/
https://quilteuseforever.wordpress.com/2012/04/24/les-moulins-de-la-ruche-ils-volent-au-vent/

Curieusement, je n’ai jamais présenté le quilt de Noël de Jacqueline Morel revisité par Maïté… Ce sera donc pour le prochain mois de décembre.

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Montage photos de cet article © photos extraites du blog de Jacqueline Morel

Infos complémentaires reçues via les commentaires :

  • réédition prochaine du livre de Jacqueline Morel par Quiltmania
  • groupe public Facebook initié par Les Bricolos du Lundi consacré à la collection des ouvrages inspirés par Jacqueline Morel. Une belle initiative à soutenir !

Héritage « à la Française »

Il y a peu de temps encore, les tissus étaient trop rares pour qu’on imagine les gaspiller. On connait assez la mythique histoire des pionniers américains cousant à partir de leurs vêtements des quilts que nous admirons tant… On sait aussi que la tradition venait de pays européens et que le concept du « bloc » s’est réellement développé au XIXe siècle en Amérique du Nord.

En France cependant, la tradition était beaucoup plus d’utiliser une grande pièce de tissu partiellement abîmée (comme un drap de lin) pour tailler dedans un patron plus petit (comme une chemise), puis un jour celui-ci usé servira de torchon, qui servira ensuite de charpie… On pratiquait aussi essentiellement l’art du racommodage. Il suffit de voir le nombre de mots plus ou moins équivalents dans notre belle langue : raccommodage, rafistolage, rapiéçage, ravaudage, reprisage, rapetassage avec les verbes qui vont avec ! Nous ne les utilisons presque plus : qui donc raccommode encore les chaussettes avec (ou sans !) un oeuf à repriser ? Il y avait le reprisage avec un fil, de préférence à plusieurs brins non torsadés, avec lequel on reproduisait la chaine et la trame du tissu troué. Le rapiéçage était un appliqué, un morceau cachant le trou ou renforçant une partie usée. Allez voir le cahier de couture d’Anne-Marie, vous aurez de beaux exemples ! Et même, on peut en faire de petites oeuvres artistiques comme  ici.

Reprise traditionnelle sur un linge de maison français, photo venant du blog de Kaari Meng qui fait connaître les traditions françaises aux Etats-Unis en écumant nos brocantes et vide-greniers ! Elle est notamment la créatrice des très beaux tissus FRENCH GENERAL de MODA

Pour la décoration, le raffinement, le superflu, les Françaises brodaient  au point de croix ou au point de tige principalement des motifs plus ou moins sophistiqués, en plus du nécessaire « chiffrage », apposition des initiales familiales pour reconnaître le linge confié aux lavandières. Les broderies étaient le plus souvent en rouge, parfois gaies et polychromes, ou bien subtiles blanc sur blanc avec fils tirés, monogrammes, etc. Il existe en France une si grande tradition de tissages, teintures, impressions, broderies, dentelles…

Nous avons aussi notre mot pour le quilting qui est le matelassage, utilisé de façons variées dans diverses régions pour faire des édredons, des piqués de coton… Mais de patchwork nous n’en trouvons quasiment pas de trace*, nous n’avons même pas un mot français complètement satisfaisant pour en parler, sinon « piéçage », ou « assemblage ». De nombreuses traditions régionales dans le domaine du tissu sont redécouvertes et mises en valeur de nos jours : je me réjouis de trouver dans le dernier numéro du magazine de l’association France-Patchwork des articles tant sur les tissus kelsch d’Alsace que les Rouenneries de Normandie. Mais toujours pas de traditon de patchwork en France ? Mais si, et la plus enthousiasmante ! Les Centu Pezzi (100 pièces) de Corse correspondent à la compulsion de vouloir utiliser le moindre tissu, la moindre petite pièce qu’il ferait mal au coeur de jeter ! Vous en avez justement un exemple dans cette même revue, ainsi que dans le blog d’Anne-Marie qui vit en Corse, avec des explications qui vous donneront envie de sauter sur votre boite de chutes de tissus ! Dans le même blog, vous avez quelques photos de quilts anciens corses. Il est certain que la plupart des quilts furent utilisés jusqu’au bout, usés jusqu’à la trame puis jetés. Les objets utilitaires de ce genre sont moins sauvegardés que des tapisseries des Gobelins…

Centu Pezzi dans la tradition corse, créé par Anne-Marie. Je vous laisse découvrir le secret du dos dans son blog !

Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

Hormis l’art textile pour lequel je suis incompétente mais où je crois que les Françaises sont brillantes, le patchwork français est très tributaire des livres, des tissus, des modèles venant majoritairement des Etats-Unis, mais aussi beaucoup du Japon et, dans une moindre mesure, des Pays-Bas ou de Grande-Bretagne. Cependant beaucoup de femmes s’amusent chez elles à faire des ouvrages « scrappy » très individuels, hors mode, peu exposés, car c’est une envie de recyclage compulsif que je ne dois pas être la seule à « subir »… De même, une de mes élèves veut absolument recycler les dizaines de blue jeans qu’elle a gardés, un jour elle se lancera dans un magnifique patchwork avec toutes ces nuances de bleus délavés ! On peut voir aussi de beaux exemples très personnels de Jacqueline Fischer dans son livre « Jeux d’étoffes, impressions expressions » ; j’adore celui qui s’appelle « Miettes », récup’ extrême !

La personne qui incarne le plus pour moi l’art du patchwork à la française est Jacqueline  Morel. Elle fait revivre d’anciens tissus d’origine majoritairement française (des écossais, vichy, lin…), ce qui confère à ses quilts une impression de confort, d’être « chez soi ». Allez voir sa galerie, vous allez comprendre ce que je veux dire ! Si des modèles vous sont familiers, c’est parce qu’elle a longtemps fait notre bonheur en collaborant avec Marie-Claire Idées. Cerise sur le gâteau, son livre :

Livre de Jacqueline Morel, édité par Quiltmania, sur un top inspiré d’un de ses quilts.

 Jacqueline Morel présente, avec beaucoup de compétence et de gentillesse, notre activité dans ce reportage de TF1. Même si elle fait plus d’appliqué que la plupart d’entre nous, je trouve qu’elle nous représente drôlement bien !

Bien sûr, j’aurai l’occasion de vous reparler d’elle car une de mes Abeilles, Maïté, a souvent repris des modèles de Jacqueline Morel, mais sait aussi dessiner « à la manière de ». Bientôt elle vous présentera une de ses créations.

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* Des quilts anciens, notamment en hexagones, furent trouvés en France. A mon avis cela ne démontre pas une tradition établie et reconnue dans ce pays mais plutôt l’expression de personnes ayant bénéficié de la circulation des personnes et des idées, je pense notamment à l’influence des Anglaises. Les plus beaux patchworks français anciens se trouvent sans doute dans le livre  Mosaïques d’étoffes, édité par Quiltmania. On y retrouve d’ailleurs l’habileté des Françaises à si bien broder !

Encore une petite sieste ?

L’été s’étire encore, il ne fut finalement ni chaud ni sec, nous allons bientôt plonger dans les activités de la Rentrée… Pour commencer en douceur, prolongeons jusqu’au bout des moments de quiétude :

Chez Maïté par une si belle journée, qui ne rêve pas de faire une pause sur ce banc ? Ce quilt s’inspire d’un modèle de Jacqueline Morel paru dans Marie-Claire Idées. Tissus de récupération, bordure en lin ficelle, broderie rouge que vous aurez du mal à trouver dans les encyclopédies car il est le fruit du hasard : après un point de quilting avant qui ne se voyait pas assez, Maïté a eu l’idée de passer un fil rouge sous chaque point. Il en résulte une impression de point de tige bombé du plus bel effet. J’adore quand on sort des sentiers battus !

Commençons cette rentrée avec panache. Bientôt, je vous ferai découvrir le Traboutis de Pénélope, puis viendra la visite d’une bien belle expo en Bretagne !