La Fileuse de verre

Je lis tous les romans de Tracy Chevalier – une personne ayant écrit La Jeune Fille à la Perle ne peut pas être médiocre ! – et il est naturel que certains m’aient plus enthousiasmée que d’autres. Je reconnais être très exigeante avec cette autrice que j’aime tant ! J’ai donc lu dès sa sortie son nouveau livre, La Fileuse de Verre. C’est Tracy’s touch, la touche personnelle de Tracy : le destin d’une femme est lié à un art, une passion, qui la mène bien plus loin que ce pour quoi elle était destinée. Ici, c’est le travail du verre. Et j’ai été conquise, subjuguée par son don de nous immerger dans un univers qui devient nôtre !

Le nouveau roman de Tracy Chevalier est en cours de parution dans le Monde dans plusieurs langues ; nous avons la chance de l’avoir déjà en France depuis le 24 mai (éditions de la Table Ronde), alors qu’il va sortir ce mois-ci aux USA, en septembre en Grande-Bretagne et en Italie, en octobre en Espagne… Quel privilège de pouvoir le lire dès à présent !

En haut à gauche couverture française, à côté couverture britannique et en bas couverture US : toutes sont belles et évocatrices d’un aspect du roman !

Depuis plusieurs années, Tracy Chevalier partageait sur Instagram le thème du roman qu’elle préparait : Murano et ses fabrications d’objets en verre, la Sérénissime toute proche… On la voyait voyager, s’imprégner de ce monde, se documenter…

(instagram @tracychevalierwriter)

Et le temps passait, j’attendais ce livre sans trop d’impatience.

Le temps… C’est le thème surprise de ce roman.

Les gens qui créent des choses ont un rapport ambigu au temps.
Les peintres, les écrivains, les sculpteurs sur bois,
les tricoteurs, les tisserands et, bien sûr, les verriers :
les créateurs sont souvent plongés dans cet état de concentration maximale
que les psychologues appellent le flow,
et où les heures défilent sans qu’ils s’en aperçoivent.
Les lecteurs aussi connaissent cet état.
La Fileuse de verre, prologue – Tracy Chevalier

Le flow… Je l’ai évoqué dans mon livre BeeBook, ce temps particulier de fièvre créatrice, où on en perd la notion. J’en avais fait aussi un article par ici. Dans ce roman, nous expérimentons un temps littéraire bien particulier qui coule avec maestria. Une innovation qui vous marquera !

La relativité du temps… Je n’oserai pas me lancer dans des explications sur la révision radicale de la vision de l’espace et du temps par Einstein dès 1905, mais je rappelle la vision des Grecs anciens (ne sommes-nous pas dans une année olympique ? 😉)

Chronos : c’est simple, c’est le temps mesuré par les horloges.
Kairos : c’est un temps ressenti, c’est quand on sent que c’est le bon moment pour faire quelque chose, avant c’est trop tôt, après c’est trop tard, c’est savoir saisir l’opportunité, c’est savoir écouter son intuition. Cette notion est très riche dans de nombreux domaines. En création artistique, c’est savoir exactement quand on pose l’ultime touche qui fait que plus rien n’est à ajouter ni à retirer…
Aiôn : c’est une force de vie qui accepte des cycles comme les phases de la Lune, les saisons, mais aussi la respiration… des cycles appliqués aussi à maints domaines comme la vie d’une civilisation, des principes économiques, écologiques (cycle de l’eau…) qui peuvent prendre des airs d’éternité.

La relativité du temps d’après Paul Mirabel, à méditer avant les épreuves d’athlétisme :
https://www.youtube.com/shorts/hj8kzd1ArN0

Perles millefiori au marché d’Abidjan (Côte d’Ivoire), faites à Murano

Revenons à l’art du verre à Murano, activité traditionnellement réservée aux hommes. Nous suivons Orsola qui devient vite notre amie, vivant fièrement sur cette île au Nord de Venise, apprenant à maîtriser diverses techniques du verre tout en gérant une famille parfaitement imparfaite, faisant face au lourd quotidien d’une femme, aux aléas de la vie… La vie, c’est le changement, c’est savoir capter l’air du temps et s’adapter. Orsola voguera bien plus loin que ne le supposent les premières sorties en gondole, nous la suivrons au fil de l’eau et du temps

Rue de Venise, John Sargent 1882 – Tableau au Musée National Gallery of Art de Washington DC – Cette femme, gênée par le regard inquisiteur des deux hommes qu’elle vient de dépasser, est la peinture préférée de Tracy Chevalier sur Venise.

Comme d’habitude, je ne vous dis presque rien de l’histoire d’Orsola, vous aurez le plaisir de découvrir par vous-même. La richesse de la documentation compilée par Tracy ne nuit aucunement à la poésie des descriptions de Venise, le partage de la vie d’Orsola et sa famille, les techniques des verriers… Tout est fluide. Et on apprend aussi de savoureux jurons italiens, non traduits mais qu’on devine !

La protagoniste de ce roman est bien cette mosaïque d’îles, unies par des bras de lagune et de canaux, Venise et ses abords, sa beauté unique, son peuple, sa culture et son histoire…

Carte postale :

La littérature est et restera notre passeport pour d’autres vies,
un temps entre parenthèses qui peut pourtant influencer la nôtre,
élargir nos points de vue…
et nous faire infiniment plaisir.
Katell

Perle du MIPAF, Musée Itinérant de la Perle Ancienne en France © Guy Maurette

En aparté, je souhaite rendre hommage à Tendances Créatives, dont le siège social est à Toulouse, qui organise des Salons en France depuis 25 ans, et aussi en Espagne. L’année dernière à Toulouse, nous avons eu la chance de voir l’exposition de milliers de perles de verre, patiemment collectionnées depuis 1992 par Márcia de Castro et Guy Maurette. Ils racontent eux aussi l’épopée des perles ! Leur point de départ fut un séjour au Burkina Faso et la découverte des perles millefiori qu’on trouve facilement là-bas sur les marchés. De fil en aiguille, ils sont devenus spécialistes et ont découvert que les perles faites en Europe servaient de monnaie d’échange en Afrique pour obtenir de l’or, du café, du cacao… des esclaves…

Leur livre : Perles de troc

Dans leur collection, figurent également des couronnes mortuaires françaises, très prisées naguère, faites de perles de rocaille : des fleurs éternelles ! Tous deux ont un savoir inépuisable sur l’art des perles de verre, tout comme désormais Tracy Chevalier, qui raconte aussi la concurrence des Français et d’autres nations européennes… et vous aussi, vous en saurez beaucoup après la lecture de La Fileuse de Verre !!

Vous pouvez les contacter pour une exposition, contact par ici.

Le couple se promène en voiture, de salon en salon, pour faire admirer
leur collection de plus de 5 000 perles de verre.
Passion, quand tu nous tiens !…

Perle du MIPAF, Musée Itinérant de la Perle Ancienne en France © Guy Maurette

33 commentaires sur « La Fileuse de verre »

  1. merci pour cet article passionnant une fois encore ! Je vais dés aujourd hui acheter ce livre. J ai tous les autres. Bonne journée !

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  2. Je dévore moi aussi les livre de Tracy Chevalier à chacune de leur parution. Ce nouvel opus va très bientôt rejoindre ma bibliothèque, tu en parles si bien que tu augmentes mon envie de le lire rapidement. Merci pour cette belle page à nouveau Katell.

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  3. Ah chic ! Je suis une fervente lectrice de Tracy … merci pour ce lien ! C’est drôle, je suis en train de relire « la dernière fugitive »….

    XOXO mon amie !!

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  4. Merci Katell pour ce bel article. Tracy Chevalier donne tant de détails dans ses romans qu’elle nous plonge avec elle dans les époques. J’ai adoré tous ceux que j’ai lus et je viens d’ailleurs de retomber sur « Prodigieuses créatures » en rangeant ma bibliothèque. Je vais le relire avec plaisir avant « La fileuse de verre ».

    Belle journée

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  5. merci pour cet article ,encore une fois passionnant, j’adore ( pas tout .. mais..😉 ) les livres de Tracy Chevalier et je suis impatiente de lire le dernier bien sûr . Mon intérêt pour les  » belles perles » remonte à plus de 40 ans quand j’ai acheté pour une somme très modique  » à la Droguerie,rue du jour à Paris » de véritables perles de Murano, je les ai toujours ( presque toutes 😂) certaines ont été montées en collier ,d’autres offertes , bref elles vivent leur vie 😊

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    1. Tous les objets doivent vivre leur vie, surtout les objets artisanaux ! J’ai acheté pas mal de perles Millefiori sur le marché d’Abidjan quand j’y habitais, j’avais mes colliers faits de ces perles dont je méconnaissais l’histoire… Je ne les ai plus malheureusement, perdues dans un déménagement… C’est ainsi, et j’espère aussi qu’elles ont trouvé quelqu’un qui les apprécie !
      J’ai cette photo de moi à 20 ans, je portais un de ces colliers que j’avais faits :

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  6. Un roman que je vais lire sans aucun doute. D’une part, parce que j’aime bien les romans de Tracy Chevalier et d’autre part, ayant eu la chance, il y a quelques années de visiter Venise, pas encore « polluée » par les touristes des bateaux-croisières, et les îles dont Murano, je serais heureuse de me replonger dans ces descriptions. Pour le moment, je vais me plonger dans le dernier volume de la Saga des 7 soeurs, enfin paru en Livre de poche

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  7. Bonjour, merci Katell pour ce conseil de lecture. J’ai eu l’occasion lors d’un séjour en baie de Somme d’admirer la collection de Guy Maurette. C’est magnifique et ils ne sont pas avares d’explications.

    Amicalement

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    1. Ces collectionneurs sont passionnés ! Il ne faut pas hésiter à s’approcher d’eux et entamer la conversation. Le roman et cette collection se complètent si bien ! Même respect de l’art-artisanat, même connaissance de l’Histoire et du rôle joué par les perles dans les échanges commerciaux pendant des siècles… Passionnant !

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  8. Tu es eextraordinaire, Katell…. ta passion pour les livres est si communicative que l’on n’hésite pas à plonger dans tout ce que tu propose si brillamment. Depuis  » la dernière fugitive » et « la jeune fille à la perle », j’avais oublié cet auteur. Merci pour ton article. Les perles comme monnaie d’ échange… oui c’est vrai… et si les perles pourraient nous raconter ! Bonne journée. Ursula

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    1. Tu as toujours un bel enthousiasme, surtout ne change pas Ursula ! En mon for intérieur j’appelais souvent l’héroïne Ursula au lieu d’Orsola, prénom que je ne connaissais pas…
      De ce que je connais de toi, tu apprécieras ce roman !

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  9. bonjour Katell merci pour cet article géniale et enthousiasme. J ai ton livre beebook. Et j ai relu l article flow. 👍🏽 . Mon mari m avait offert Venise pour la naissance de ma fille ( 33 ans) Nous sommes allés à Murano. Mais je n avais rien rapporté. Tracy Chevalier est une romancière que j aime beaucoup. Donc je passerai demain en librairie. Merci pour tous ces articles qui me poussent à être curieuse. A Bientôt Katell

    fatna

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  10. Merci Katell pour e bel article qui donne envie de lire encore et encore. Dans ma région d’origine, la Franche-Comté et plus précisément, le pays de Montbéliard, les femmes d’origine protestante portaient un petit bonnet appelé Diairi ou Cale à diairi qui était brodé de très fines perles de verre et de canetille. Les plus riches achetaient leurs perles mais celles qui avaient moins de moyens en récupéraient sur les couronnes mortuaires ! Il y a quelques années quand j’habitais encore à Montbéliard, j’ai fait partie d’un atelier de broderie qu’organisait le syndicat d’initiative pour maintenir cette tradition et nos perles venaient de Murano. Mais ce sont de très fines perles, plus petites que des perles de rocailles. Ce bonnet est encore porté par les groupes folkloriques et offert aux hôtes de marque reçus par la ville.

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  11. je viens de presque terminer le carré central, mais je suis en Ariège et même si j’ai installé un 2° atelier je n’ai pas la machine qui me conviens pour finir. Donc demain visite à la librairie Surre excellente adresse et librairie familiale que je connais depuis 3 générations, du grand père a un petit fils tous très pros. Et je vais faire le plein merci Katell je vais ajouter la fileuse de verre à ma liste.

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  12. Merci pour cette belle information . Je vais vite essayer de trouver ce roman parce que j’aime beaucoup Tracy Chevalier . Elle sait merveilleusement recréer les mondes dans lesquels se déroulent ses histoires de femmes , d’art , de beauté , de création . Cette fois c’est à Venise que nous irons et j’aime beaucoup Venise . Je suis d’une région – là Lorraine – où on a et où on travaille encore le verre et le cristal , voir les verriers à l’œuvre est un spectacle grandiose , magique dont on ne se lasse pas . Je suis impatiente de lire ce livre car je sais que je ne serai pas déçue.

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    1. Nos verreries et cristalleries de luxe sont encore du côté de chez toi… Pourvu qu’elles survivent aux crises successives. Le verre est très gourmand en énergie, pour atteindre la chaleur voulue.

      Enfant, j’ai vécu à Nancy et j’avais visité une verrerie avec mon école… et oui, c’est un spectacle magique !

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