Sur ma table de nuit/5

Les premières critiques de LUX me rendaient dubitative : vais-je lire le nouveau roman de Maxime Chattam ? Sans doute pas, des lecteurs parlent de soumission au mouvement woke, ce qui ne m’engage pas. Sur les blogs littéraires, ceux consacrés aux polars et thrillers ont peu apprécié cet opus, pas plus que les adeptes de Fantasy, styles précédents de Chattam. Bigre, tant de déceptions à l’horizon… De plus, cette nouvelle histoire ne ferait pas peur, regret de certains lecteurs assidus. Pour moi, ce n’est pas un critère. J’avais lu un seul livre de Chattam, Le Signal, j’ai eu très peur et j’ai aimé !!
Et puis j’ai écouté l’écrivain à La Grande Librairie. Ils m’ont plu – l’homme comme le sujet du livre – j’ai acheté LUX et je l’ai englouti le week-end dernier. Même si j’émets quelques critiques, je me suis laissée séduire !

Une très belle couverture, blanche et lumineuse !

L’horizon était d’un bleu pur. C’était la couleur du paradis, pensait Eddy, et pas un blanc sans intérêt.
Le blanc ça n’est pas une couleur, c’est juste une surface prête à être salie.
Alors que ce bleu-là, il respirait la vie.
C’était le ciel. C’était l’eau, la matrice de la vie.
Eddy, pilotant son cargo le Giant Seagull,

entre Santos (Brésil) et Algésiras (Espagne)
LUX, Maxime Chattam

Pour ce roman, Maxime Chattam a l’ambition de s’inspirer de l’univers de René Barjavel (1911-1985). Ah que de beaux souvenirs de lectures ! Tous les livres de Barjavel que j’ai lus, je les ai aimés, mais que c’est loin…

LUX est donc un roman d’anticipation, écrit à partir de nos données de 2023 : l’assurance qu’on ne fait pas assez pour réduire le dérèglement climatique, le manque d’enthousiasme d’accepter de faire des efforts vis-à-vis de la pollution engendrée par la surconsommation, l’écrasement de la France par une dette colossale, la soumission des medias aux politiciens incompétents à force de ne pas vouloir faire de vagues… Que cela va-t-il donner dans une vingtaine d’années ? Après moi le déluge, pensent beaucoup de personnes. Seulement, 20 ans, ça passe vite, rappelez-vous le début des années 2000, même si nous vivions différemment avec 20 ans de moins, ce n’est pas si éloigné ! Par exemple, je vis toujours dans la même maison, j’ai des amies de l’époque que je continue de rencontrer avec bonheur chaque semaine… Bien souvent, dans ce roman, j’avais l’impression que cela pouvait se passer aujourd’hui, et non dans un futur annoncé.

Le bonheur de demain n’existe pas. Le bonheur, c’est tout de suite ou jamais. Ce n’est pas organiser, enrichir, dorer, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant.
René Barjavel, Si j’étais Dieu… 1976

Barjavel, déjà, redoutait l’avenir, avec une technologie qu’on ne maîtriserait plus. On avait pourtant, à cette époque, une bien plus grande confiance dans l’avenir, dans le génie de l’homme, capable d’inventer tant de choses. C’est encore ce qui donne de l’espoir à bien des gens.

Et donc, LUX dans tout ça ?

Avec un rapide calcul, on peut situer l’histoire dans les années 2040. La France existe toujours, mais la qualité de vie n’a cessé de se détériorer. Dès les premières pages, on essuie une tempête dantesque, complètement raccord avec la météo du début du mois. En pire.
Est-ce surprenant ?…

Bien sûr, je ne vous enlèverai pas le plaisir de la découverte de l’histoire ! Mais un événement secoue le monde entier, une Apparition qu’on ne comprend pas : intra ou extra terrestre, naturelle ou divine ? Pour l’étudier, on fait appel à pléthore de spécialistes pointus, mais aussi à des esprits créatifs, qui savent penser out of the box, hors de la boîte, disent les anglophones. Savoir penser hors cadre, c’est le privilège des artistes !

Notre tâche est la plus sérieuse qui soit, au nom de notre espèce, et de l’Histoire.
C’est pour ça qu’il faut la mener avec le plaisir qu’aurait un enfant à jouer.
Restez ce que vous êtes.
Individuellement : des êtres uniques. Et collectivement : des humains.
Emmett Lloyd – LUX, Maxime Chattam

L’observation de cette apparition s’organise. C’est l’occasion d’évoquer des sujets plus métaphysiques. Là, Chattam évoque beaucoup de thèmes qui m’intéressent, mais trop souvent en une tirade, quelques lignes et on passe à autre chose. J’aurais aimé encore plus de développements engagés et donc passionnants, surtout sur des thèmes clivants !

L’humanité ne va pas avoir d’autre choix que de revoir son modèle actuel, oisif, et de retourner à un fonctionnement plus individualisé, où chacun doit contribuer à sa propre survie, sans attendre que les machines ou autres, de l’autre côté du globe, fassent le taf qu’on importera. En ce sens, oui, je considère que le réchauffement climatique comme une chance, parce qu’il va nous contraindre positivement à cesser de nous regarder le nombril, à nous empêcher de sombrer dans la guerre civile, ou mondiale, d’ailleurs.
Ronnie – LUX, Maxime Chattam

À chaque personnage son rôle, ses convictions, et de ces confrontations devraient jaillir des solutions… Chattam explique aussi avec beaucoup de pédagogie nombre de phénomènes – la tectonique des plaques, le reflux possible de la démographie, les ondes de notre cerveau… – et j’ai beaucoup apprécié ces moments !

La vérité c’est ce qu’on croit.
René Barjavel, Colomb de la Lune
(1962)

Comment puis-je croire ce que je ne comprends pas ?
René Barjavel, Si j’étais Dieu… (1976)

J’aurais donc préféré que l’auteur aille encore plus loin sur plusieurs thèmes, car je crois qu’il a bien plus à dire que ce qu’il n’a écrit. Notre maison brûle et nous regardons ailleurs, cette phrase prononcée par Chirac au Sommet de la Terre, c’était… en 2002, une quarantaine d’années avant LUX.

Quid de la critique woke ? Oui c’est un peu trop convenu de lire dès le début du roman qu’un ado devient femme, comme si c’était pour cocher la case LGBT+. Mais cette situation est bien menée, et avec un saut de 20 ans, les mentalités évoluent en effet… mais pas chez tout le monde, vous le verrez.

Ce roman peut passionner les jeunes générations en particulier. On parle d’un avenir possible, qu’il faut absolument rendre meilleur… Notre monde malade, qui craque de partout, a besoin d’audace, et d’espoir.

J’ai beaucoup aimé lire ce livre, parce que j’avais envie de m’évader ces jours-ci. J’ai peut-être retrouvé mon âme d’adolescente lisant Barjavel, me laissant porter par le mystère de l’Apparition : est-elle bénéfique ou menaçante ? Moi qui me laisse à croire que tout est lié et que la Terre souffre par notre faute… Entraînée par l’auteur, j’ai aimé me poser toutes sortes de questions au cours de cette histoire divertissante !

Les personnages ne livrent pas toutes leurs facettes avant la fin… la toute fin. Surtout, ne manquez pas les remerciements, et la postface… si vous le voulez bien !

Lu tout juste avant la Pleine Lune, mes nuits ont été intenses,
peuplées de rêves directement sortis du roman !
Katell

14 commentaires sur « Sur ma table de nuit/5 »

  1. Quelle belle lettre ! On a envie de lire le livre. Merci pour ces notes lumineuses.

    Bonne journée.

    Fabienne

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  2. bonjour Katell il y a 2 ans une amie m a offert » un ( e) secte » du même écrivain . Je ne suis pas arrivée au milieu du livre… trop de bêtes. C était mon premier !. Peut être je le reprendrai. Car à ce moment là, mon esprit était ailleurs. Bonne fin de journée Katell. Fatna

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    1. Je ne connais un(e)secte que par son titre. Il est récent mais ne m’avait pas assez attirée pour tenter de le lire. Celui-ci est très différent, pas de petites bêtes ! Et dire que je m’apprête à lire un livre plein de vers de terre 🥴 (Humus !).
      De gros bisous à toi Fatna !

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  3. Ha Barjavel, comme j’ai aimé ces livres. Je ne sais pas si je vais me laisser convaincre pour lire ce dernier Chapman malgré tout le positif que tu en as tiré. Nous sommes tellement sollicités au sujets des problèmes évoqués dans ce livre par ailleurs. Il y a saturation par moment. Du moins pour moi.

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    1. Je comprends ta réaction Gene. J’ai peut-être trop insisté sur les sujets de discorde évoqués sur d’autres blogs ? L’anticipation n’est pas un sujet joyeux, malheureusement…
      En tout cas, vive la lecture !!

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  4. Bonjour, je ne connais pas cet auteur mais la lecture de votre article me donne très envie de lire ce livre, notamment votre référence à René Barjavel, auteur que j’ai adoré et dont je relis de temps en temps les ouvrages (la nuit des temps bien sûr, mais aussi Ravage, le grand secret etc…).
    Merci beaucoup et belle journée

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    1. Barjavel avait les références de son temps, mais il était, je crois, très visionnaire ! Et il y a tant de poésie dans ses livres, selon mon souvenir… Je crois bien que je vais en relire quelques-uns !
      Bonne découverte de LUX, chère Pascale !

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  5. L’amour de la lecture est le plus beau cadeau que des parents peuvent faire à leurs enfants ou qu’on peut faire à soi-même!
    La lecture ouvre les esprits à un univers incroyable et peuvent provoquer des discussions très intéressantes.
    De cette façon, les parents peuvent voir à quoi s’intéressent leurs jeunes. Si certains sujets sont sensibles, ces parents ont la possibilité de les présenter à leur façon. Parce que vous ne voulez pas que vos enfants soient confrontés avec certains sujets, pourquoi les interdire à tout le monde??
    Autrefois, le terme « woke » voulait dire « ouvrir à des aspects sociaux, historique (et autres)/être conscient des sujets qui nous entourent ».
    Aujourd’hui, ce terme est brandi comme une arme ou une insulte cinglante, souvent avec haine pour toute autre personne qui pense différemment.
    Vous n’avez pas à vous excuser auprès de ces « anti-woke » pour vos suggestions de lecture. Souvent, ces personnes n’ont jamais ouvert ni lu ces livres et bêlent bêtement avec les soi-disant semblables qui les manipulent.
    Vive la lecture!!
    Bien à vous,
    Catherine Coolidge

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    1. Merci infiniment… La lecture m’a tant apporté, je ne peux pas concevoir ma vie sans livres… et c’est une grande fierté d’avoir réussi à transmettre ce goût à mes trois enfants !

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  6. Suite à votre post, j’avais noté ce livre dans ma liste de bouquins à dénicher à la bibliothèque.

    Chose faite, essentiellement parce que vous faisiez référence à Barjavel. J’en ai tellement lu (et relu en ce qui concerne la nuit des temps…). J’y ai retrouvé un peu cet esprit.

    Merci

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