Irrésistiblement, je suis attirée par les quilts gallois. Il y a une dizaine d’années (déjà !), le magazine Quiltmania nous faisait
découvrir Jen Jones avec son musée et centre culturel consacré aux trésors patchés et quiltés du Pays de Galles. Ce livre, fruit de leur collaboration, est toujours disponible sur le site Quiltmania.
Admirable travail de mise en valeur de ces quilts du quotidien qui nous restituent cet art populaire! Ces quilts furent sauvés de l’usure totale, de la poubelle, des greniers, des granges, des fauteuils de tracteurs ou des pattes des chiens dans la campagne galloise. Ils étaient réalisés avec les moyens du bord, c’est-à-dire tous les bouts de tissus disponibles, avec comme rembourrage les restes des tontes des moutons.
Ces quilts font partie du patrimoine gallois ; on y peut distinguer plusieurs styles. Les plus prisés étaient ceux des familles assez aisées au tissu d’un seul tenant, ou cousus de longues bandes, en satin de coton acheté à cet effet. Ils sont également plus récents et donc mieux connus. Pour les plus modestes, on partait la plupart du temps des restes de tissus de laine et on cousait un centre décoratif , puis on ajoutait des pavés de tissus formant des bandes tout autour de manière non calculée, avec parfois des triangles qui ajoutaient un peu de fantaisie. Les angles étaient néanmoins souvent bien marqués d’une couleur contrastée. Cette forme de patchwork s’appelle un médaillon, il peut être rustique ou très sophistiqué et reste très prisé de nos jours ! Le quilt de Martine, Cannelle, en est un bel exemple.
Avec l’apparition du coton américain importé en Angleterre pour être tissé et imprimé, sont cousus également au Pays de Galles nombre de médaillons en chintz, en tissus écossais et rayés, en imprimé cachemire, etc.

Les marchands de coton à la Nouvelle-Orléans – 1873

Un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, – 1873
Deux tableaux d’Edgar Degas témoignent du commerce du coton de la Nouvelle-Orléans, avant d’être expédié en Angleterre principalement pour filage et impression. Puis le nord des Etats-Unis se chargera de plus en plus de cette industrie.

Quilt récent de style gallois, avec de superbes tissus majoritairement rouges, de Mary Jenkins. Il reprend le style de médaillon au patchwork simple et au quilting raffiné. Explications de ce quilt dans l’e-book de l’auteur (voir sur son blog ou sur Amazon)
Si certaines personnes, comme l’héroïne de The Last Runaway, traversaient l’océan Atlantique une fois pour toutes, d’autres firent au XIXe siècle de nombreux aller et retour majoritairement pour des raisons commerciales, mais les idées circulaient ainsi également ! Dans le domaine du patchwork, le style gallois a très certainement inspiré les Amish du continent américain, mais réciproquement des blocs américains se trouvent dans les quilts du Pays de Galles du début du XXe siècle. En voici un bel exemple :

Bloc de l’ananas cousu en lainages, quilt gallois de 1905, collection de Jen Jones. Photo du livre « Making Welsh Quilts », de Mary Jenkins et Clare Claridge. Excellent livre ! Ce bloc ne fait évidemment pas partie du patrimoine gallois…
Vous connaissez mon affection pour les tableaux de Valériane Leblond, sur lesquels elle peint des quilts toujours existants, soit dans sa propre famille, soit visible au Musée de Jen Jones. Voici sa mise en scène du quilt ci-dessus :

Déjà montré dans ce blog, mais je ne m’en lasse pas !


Ici, un quilt victorien en médaillon de la collection de Jen Jones a inspiré cette scène délicate à Valériane. Regardez les pavés irréguliers de tissus en bordure sur le quilt original, ils ne nuisent aucunement à la beauté du centre.
Une immense différence avec les Américaines est que, dans la campagne galloise, il était rare que chaque femme du foyer fasse ses quilts, et encore plus qu’elle se réunisse avec les voisines en quilting bee. Non, au Pays de Galles, il existait des quilteuses professionnelles qui travaillaient parfois chez elles ou bien allaient de famille en famille, le temps de coudre un quilt. Cette vie itinérante est similaire à celle des brodeurs bretons du XIXe siècle !
Ce dont je ne vous ai pas encore parlé mais qui est si important, c’est la qualité du quilting gallois. Il est dense, très dense même, jamais plus d’un inch carré (2,5 cm2) laissé sans matelassage pour contenir les matières calorifères en place… qui n’ont rien à voir avec nos molletons ! Plumes, foin ou anciennes couvertures, mais surtout les restes de tonte des moutons… on prenait ce qu’on trouvait et les quilts sont parfois extrêmement lourds. Malgré tout, le quilting est souvent très raffiné, varié, figuratif… beaucoup de similitude avec les quilts amish, une fois de plus.

Quilt américain contemporain d’inspiration galloise/amish, créé par Cassiana en 2002
Dans le Pays de Galles on n’y trouve pas les célèbres « feathers », les guirlandes américaines qui proviennent d’une autre région de l’Angleterre (Durham). La tradition celtique prime avec toutes sortes de feuilles, de coeurs, de volutes et de bordures à la différence esthétique facile à repérer !

Exemple de quilting gallois sur du satin de coton. Pour de nombreux beaux exemples, allez voir ces blogs : Welsh Quilts, et aussi Little welsh quilts and other traditions, ce sont des passionnées !

Quilt de bandes piécées, au matelassage typiquement gallois (du blog Welsh Quilts)

Ici une superbe exposition de petits quilts de Mary Jenkins, dans la pure tradition galloise. On voit notamment que les bords ne sont pas finis par une bande de finition comme nous avons l’habitude de le faire ; les tissus de devant et de dos sont rentrés vers le centre. Certaines quilteuses françaises appellent cette finition « toi et moi ».
Dans un article précédent, je vous parlais de mon envie de faire un quilt d’inspiration galloise. L’harmonie des couleurs me parlait tant ! Puis je me suis rendu compte que j’avais dans un carton des blocs en attente, justement dans cette harmonie de couleurs. Alors le quilt gallois attendra, mon club de patchwork de Colomiers expose dans un mois, je vais mettre les bouchées doubles pour le terminer !! Vous le verrez, bien sûr, sur ce blog… Vite, je vais me replonger dans ces couleurs de brique et de pastel !
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Vie paisible dans la campagne galloise, peinture sur bois de Valériane Leblond, mai 2011
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