Des Femmes et l’Espace

Que faire au 19e siècle aux Etats-Unis quand on a un esprit curieux et scientifique ? Pour un homme, la question ne se pose pas dans ces termes. Pour une femme, il faut que ce soit acceptable, convenable.

Pour une femme vivant dans l’Iowa rural, une des occupations scientifiques convenables était l’astronomie, sans doute parce que c’était propre et lointain… Sarah Ellen Harding Baker (1847-1886) réussit à mener sa vie familiale avec 7 enfants nés (5 survivant aux difficultés de la petite enfance) et ses recherches sur le système solaire. Elle n’eut pas le temps de poursuivre longuement sa carrière, la tuberculose l’emporta à 38 ans.

Pour transmettre son savoir acquis par de multiples lectures pointues, elle faisait des conférences… mais elle n’avait pas de Power point… Elle fit donc un quilt immense, bien visible en conférence : 225 x 269 cm !

Le top est fait sur une étoffe de laine noire, doublé d’un tissu laine et coton, brodé et appliqué de laine et de soie. Il fut terminé au bout de 7 ans. Il est dans l’esprit des gravures scientifiques d’alors et son système solaire est exact. Elle passa de longues heures au télescope de Chicago pour bien capter les lunes de Jupiter, les anneaux de Saturne… Bien sûr Pluton n’y est pas, planète découverte en 1930.

Ce quilt est conservé au National Museum of American History, à Washington D.C.

Une vue artistique d’une comète.

Ce n’est pas le seul quilt astronomique. Barbara Brackman en a fait un article ici.

L’Allemande Caroline Herschel (1750-1848… vécut 97 ans et 10 mois !) fut la première femme astronome professionnelle au monde, suivie par Maria Mitchell (1818-1889) aux USA. Toutes deux furent de brillantes astronomes. Dans la galaxie des scientifiques de l’espace, elles y laissèrent leur nom (chacune a un cratère de la Lune à son nom, ainsi que des comètes). L’Américaine, en bonne Quaker, ne s’habillait jamais en coton, pour ne pas soutenir l’économie du coton américain lié à l’esclavage… 

Je prends ici le temps de vous présenter une oeuvre de Judy Chicago, artiste contemporaine, qui dans les années 1970 créa une table triangulaire de 39 places, chacune étant dédiée à une femme remarquable. Pour chacune, une place avec des symboles, un chemin de table brodé par l’artiste. Certaines évocations très explicites sur l’anatomie féminine ont fait couler beaucoup d’encre !

The Dinner Party, exposé à présent au Musée de Brooklyn

Parmi ces femmes, l’Allemande Caroline Herschel est présentée ainsi :

Broderie à la main par Judy Chicago. C’est superbe, sans scandale, sans critique !

« Miss Cecilia H. Payne – Harvard Obs. Astron. »

Au XXe siècle, la chercheuse brillantissime Cecilia Payne, née en Angleterre en 1900, fit scandale quand elle décida de garder son poste alors qu’elle venait de se marier. Pire, elle osa faire une conférence enceinte de 5 mois. Chocking n’est-ce pas ? Je ne saurai pas entrer dans les détails, mais elle fut la première à découvrir, à 24 ans, que les étoiles sont primairement faites d’hydrogène, elle fit de brillantes recherches sur les étoiles variables, les supernovas… et elle broda, au crépuscule de la vie, une image pixelisée des vestiges de la supernova Cassiopée :

Représentation de ce qui se passa il y a des centaines d’années, à des milliers d’années-lumière de chez nous, avec un art traditionnel féminin. Quelle poésie ! Cette broderie est conservée dans les archives de Harvard. 1975

Au 21e siècle, des femmes sont astronautes… et néanmoins quilteuses, du moins Karen Nyberg ! Pendant les 5 mois de travail intensif dans la station spatiale en 2013, elle trouva le temps de coudre le premier bloc fait dans l’espace ! Elle raconte qu’elle a eu du mal à couper et coudre en apesanteur et estime que ce n’est pas un chef d’oeuvre… mais quel exploit, indéniablement ! Dans cette video elle partage avec nous ses difficultés avec humour et lance un challenge.

Les tissus ne se laissent pas couper facilement en apesanteur.

Une étoile libérée à la manière de Gwen Marston…

C’était en 2013. Elle propose en fin de vidéo que des quilteuses cousent d’autres blocs d’étoiles pour en faire un quilt à exposer à Houston en 2014. Ce qui fut fait, et au-delà !

Une star, Karen Nyberg, autour d’autres stars… 2 200 blocs d’étoiles sont arrivés à la suite de sa proposition et 28 quilts ont été faits ! A Houston en 2014, voici Karen avec le quilt comportant son étoile faite dans l’espace…

 

Une blogueuse, Katie, a photographié les 28 quilts que vous pouvez voir ici. L’exposition itinérante continue son chemin, elle était à Winedale (TX) en février dernier. La collection de quilts a été offerte au Briscoe Center for American History à Austin (Texas).

Parmi la myriade d’étoiles, un bloc fit sensation :

« Portrait de l’astronaute quand elle était jeune fille ». Il se trouve dans le même quilt que l’étoile de Karen.
Vive le patchwork et ses belles histoires !

BeeBook, un livre pour les quilteuses curieuses d’évoluer vers plus de créativité :
souscription ici jusqu’au 15 mai !

Attention, vous n’avez plus que quelques jours pour profiter du tarif préférentiel…

 

17 commentaires sur « Des Femmes et l’Espace »

  1. Encore une connaissance à ajouter à celles que tu nous offre. C’est passionnant de voir ce que d’autres femmes ont réalisé…
    A Nantes j’ai pensé à Betty et toi , en voyent les quilts de rachel daisy..même inspiration! Voir les quilts de Mqg était fabuleux.Encore merci pour le partage😘

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    1. J’avais fait une interview de ces deux femmes, toutes deux extraordinaires, dans Les Nouvelles de mars 2017. Betty et Rachael Daisy s’étaient prêtées toutes deux à l’exercice avec une gentillesse infinie et ont chacune découvert « L’AUTRE » avec beaucoup d’intérêt et de respect ! J’ai offert le livre de Rachael à Betty, évidemment elle l’adore !
      Les femmes quilteuses sont des femmes formidables, on le voit aussi dans cet article… Lançons-nous des fleurs !!

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  2. Quel article étonnant, jamais je n’aurai pensé lire un tel sujet concernant le patch. C’est une belle découverte que tu nous fais partager là Katell. Merci une nouvelle fois de nous ouvrir à un autre monde bien souvent ignoré.

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  3. Merci Katell,
    C’est passionnant !!!
    Ces femmes méritaient largement l’hommage que tu leur rends à travers cet article formidable !
    Amitiés
    Claire

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  4. J’ai eu la chance de voir en vrai l’oeuvre de Judith Chicago, mais j’avoue que sur toutes les broderies, je ne me souvenais plus vraiment de celle là. et pour le blog dans l’espace, j’avais vu des vidéos, c’est bluffant!

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    1. Avec 39 broderies en même temps, il y a de quoi donner le tournis !
      Le bloc dans l’Espace : j’étais passée à côté de l’info à ce moment-là, c’était grand temps de réparer… Quelle histoire !

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