Forêts du monde, forêt de Bouconne

La santé des forêts nous importe… J’ai suivi sur ARTE autant de documentaires que possible ces dernières semaines sur les forêts : des images magnifiques, des explications inédites sur la vie grouillante de leurs sols et sous-sols et bien sûr dans l’air, les communications que nous n’imaginons même pas entre végétaux… La Nature a une intelligence que nous ne soupçonnions pas, surtout si elle reste à son état naturel !

Le Murmure de la Forêt, un des documentaires passés sur ARTE, met en lumière la symbiose de la forêt, c’est un émerveillement. De nombreuses autres vidéos sont disponibles sur des thèmes fort différents ayant la forêt comme point commun.

Pour mieux connaître les arbres dans toute leur variété, je vous recommande chaleureusement ce livre dont je vous avais parlé à sa sortie en anglais, maintenant disponible en français, Ce que nous disent les Arbres du Monde de Jonathan Drori, Éditions Hoëbeke :

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Ce livre très intéressant et poétique est posé sur un quilt des Tentmakers du Caire représentant un Arbre de Vie aux oiseaux de paradis, une merveille acquise à Labastide-Rouairoux dont je ne me lasse pas !

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Dans le monde

Même si les feux de forêt font partie de cycles de la nature, les nouvelles canicules et sécheresses font d’incommensurables dégâts avec de méga-feux, comme en Amazonie, en Sibérie et en bien d’autres endroits l’été dernier, en Australie les mois derniers…

On ne cesse de nous répéter que les arbres sont un des poumons de notre planète (l’autre étant l’océan), la sensibilisation se développe, la forêt devient un sujet d’actualités, avec une valse des nouvelles concernant les déforestations et les reboisements un peu partout dans le monde. Le thème est vaste et complexe, nous allons juste évoquer quelques problématiques.

Ces eucalyptus poussent pour la pâte à papier, l’huile essentielle, la construction. C’est mieux qu’un désert, mais bien éloigné de la forêt telle qu’on se l’imagine !

Planter des arbres là où il n’y en avait plus depuis des siècles, cela peut être formidable, mais attention… Les arbres nécessitent beaucoup d’eau, il ne faut pas assécher encore plus un territoire déjà sec ; de nombreuses initiatives sont menées de par le monde, chaque projet doit être mené avec discernement. Le « greenwashing », la bonne conscience écologique de certaines entreprises, est parfois dénoncée (voir cet article de Ouest-France).

Il faut aussi distinguer, à mon avis, les nouveaux boisements sur des terrains en friche, des déforestations de vraies forêts pour planter des arbres de sylviculture (exploitation du bois).

Des pelleteuses abattent les arbres d’une forêt primaire de Papouasie sur la concession d’huile de palme PT Megakarya Jaya Raya du groupe Pacific Inter-link (décembre 2017).
Près de 20 millions d’hectares de palmiers à huile ont été plantés sur les terres des forêts tropicales. La plupart des animaux sont sacrifiés, ne pouvant survivre dans les plantations. L’appauvrissement des sols est une autre conséquence, ainsi qu’une bien moindre captation du carbone.

270px-Sauvon-la-foret-logoLe scandale le plus criant réside dans l’abattage des forêts primaires ou séculaires, pour y mettre des arbres à rendement comme les palmiers à huile – quand ce ne sont pas des cultures de soja pour, par exemple, faire rouler les voitures… Les alertes sont continuelles, la dernière en date étant au Cameroun. Quand cesserons-nous de dénaturer l’environnement ?

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En Europe

Actuellement, nous clamons la volonté, en Europe, d’accroître notre capital forestier et nous montrons fièrement l’exemple : c’est la seule région du Monde où les pourcentages de couverture forestière ont augmenté dans plusieurs pays depuis 2010. Nous plantons beaucoup d’arbres en Europe.

Pourcentage d’occupation du territoire par des forêts dans les pays européens, 2010. Mais il ne reste que 15% de forêt naturelle non gérée.

Les forêts européennes sont apparues il y a 12 000 ans, après l’ère glaciaire, à la faveur d’un réchauffement climatique naturel progressif. Mais l’homme est un loup pour la forêt… Du Moyen-Âge jusqu’au 19e siècle, les forêts de notre continent diminuaient comme peau de chagrin, les Européens exploitant le moindre bout de bois pour bâtir un abri, une charpente, faire les échafaudages, se chauffer et cuisiner… ce qui se comprend. Peut-on dire que, paradoxalement, l’industrialisation a sauvé des arbres ? Oui sans doute, avec l’utilisation d’autres matériaux et énergies ! Mais il faut aussi considérer l’externalisation des exploitations forestières : en coupant les forêts des autres continents pour notre service, cela fait un bilan bien moins flatteur…

Les plantations d’arbres à pousse rapide donnent de la matière première disponible rapidement pour la cellulose, les bois de palette, les charpentes et autres utilisations nécessaires de large consommation. Ces plantations sont comptabilisées dans les forêts, alors que l’écosystème n’a rien de commun. Matière première renouvelable, le bois planté est nécessaire et souhaitable, à exploiter dans des lieux et conditions mûrement réfléchis, et ce n’est pas simple. Ces arbres jeunes, parfois exotiques, n’enrichissent pas les sols, ne donnent pas de nourriture ni d’abri pour la faune… et ils peuvent favoriser des feux gigantesques, leurs essences étant souvent hautement inflammables.

Le Portugal a gelé les autorisations pour de nouvelles plantations d’eucalyptus après le feu d’origine naturelle au Portugal en 2017 qui causa 64 morts.

Autre pays, l’Irlande, le pays aux 50 nuances de verts. Paradoxe, c’est un de ceux à avoir gardé le moins de forêts. Une vaste campagne de reboisement est menée, avec difficulté. Pour survivre, les agriculteurs veulent bien céder leurs terres, à condition que cela leur rapporte, ce qui se conçoit. On plante donc 30% de feuillus pour 70% d’épicéas non natifs de l’île, en plantations exploitables. Ces dernières sont-elles tout de même une solution pour contenir le réchauffement climatique, comme proclamé ? Malheureusement pas. Outre le fait que ces « forêts » sont mortellement silencieuses (plus d’oiseaux ni d’insectes), les épicéas font de très sombres tâches vues du ciel : la chaleur est pleinement absorbée. Les feuillus ayant une couleur naturelle bien plus claire, leur pouvoir réfléchissant est sensiblement meilleur. Encore un critère à prendre en compte.

1% de forêts en Irlande au début du 20e siècle contre 80% quelques siècles avant, c’était un triste record… Survivante, la forêt de Killarney avec de nombreux chênes et ifs anciens, ainsi que, par endroits, une couverture de mousse, sphaignes et lichens. Chaque centimètre carré est vivant, regorge de toute une faune ainsi que quelques fées et farfadets… Quel enchantement !

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Du côté de chez moi…

Là où pousse une forêt séculaire, j’admets volontiers qu’il est bénéfique de l’entretenir, favoriser la poussée des arbres et maintenir l’écosystème, la symbiose entre les organismes vivants, végétaux et animaux. Mais quand la forêt tout près de chez soi change radicalement d’aspect en quelques années, on ne peut qu’être très attentif. C’est ce qui se passe à ma porte. La forêt de Bouconne, poumon vert de Toulouse à 20 km de cette ville, est gérée par l’ONF, débarrassant les arbres tombés, coupant les arbres malades, mal placés, renouvelant, secteur par secteur, la forêt, en vendant le produit des coupes saines principalement pour le bois de chauffage local.  Depuis peu cependant, dans bien des endroits ce n’est quasiment plus une forêt mais un parc, quelques arbres dans une clairière… et un sous-bois disparu.

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La forêt de Bouconne nous gâte avec des kilomètres de chemins, la forêt peut ainsi rester semi-sauvage (photo de 2014). Il n’est pas rare d’y voir des chevreuils ou des sangliers. Ici on voit encore un sous-bois existant, des ronces mais aussi des dizaines de plantes locales : des fragons petit houx (plante médicinale reconnue), des  fougères, des bruyères, des asphodèles et autres fleurs qui fleurissent au printemps, des arbrisseaux à tous stades, etc.

Les coupes raisonnées sont souhaitables pour l’entretien des forêts, mais jusqu’à quel point faut-il l’éclaircir ? Je  croyais cette forêt éternellement touffue… Avec le nettoyage des sous-bois aussi, les chasseurs détectent le gibier de plus loin, c’est certain… mais le sol va se modifier, les cueilleurs de champignons vont voir leur récolte drastiquement baisser. Devinez qui a ma préférence ?
Des panneaux explicatifs viennent d’être plantés près des coupes faites près des parkings de visiteurs.

La raison officielle est l’exploitation raisonnée de la matière première renouvelable, le bois. Certes. J’ai la mauvaise impression que l’exploitation du bois prime désormais sur la santé de la forêt et de ses habitants, des plus grands chevreuils aux milliards d’insectes, oiseaux et diverses bestioles qui font la richesse, la diversité, l’équilibre d’une forêt.

Plus grave encore, dans des endroits où seuls vont les promeneurs au long cours, des coupes totales de tous les chênes, pins maritimes, frênes, néfliers, houx, genévriers, charmes, tilleuls, châtaigniers, font d’immenses clairières… pour planter quoi ? Des eucalyptus ???…

Au cœur de la forêt de Bouconne, pourquoi couper à nu cette parcelle de chênes sains et en pleine croissance ? Et ce n’est pas la seule parcelle… Photo du 9/02/20.

La majorité des gardes forestiers ont choisi ce métier pour entretenir une forêt digne de ce nom, savez-vous que nombre d’entre eux tentent de résister à l’industrialisation des forêts ? On parle peu des suicides dans cette profession, mais une cinquantaine depuis le début de l’année 2000 sont à déplorer, directement en lien avec leurs nouvelles consignes de travail. De nombreux articles sont disponibles en recherchant malaise chez les gardes forestiers.

J’ai été longue, mais cela me tient à cœur… Une pétition a vu le jour dimanche dernier pour alerter sur ces coupes massives des arbres de Bouconne qui constituent, vivants, une richesse pour tout le monde. Je ne suis pas la seule à m’inquiéter du présent et de l’avenir de cette forêt. Pour mes amis de la région toulousaine, pour les autres aussi bien sûr, si ce thème est important pour vous, voici le lien pour signer la pétition :

Non à la déforestation dans la forêt de Bouconne (31).  

Je me sens concernée par les forêts du bout du monde, mais aussi par celles de mon pays – a fortiori celle qui commence à 500 mètres de chez moi… Alors un grand merci si vous signez (n’oubliez pas de valider votre adresse email pour que cela soit pris en compte). 

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Revenons à nos chers arbres textiles avec quelques beaux arbres destinés à l’Australie à voir au club de Cuers (83), chez la Marmotte Rousse, chez Annie des Tulipes et des Cœurs (pardonnez-moi si j’ai manqué d’autres publications françaises) :

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Les Australiennes vont recevoir la plus grande forêt textile du monde, cousue avec 💚 dans le monde entier ! Ces arbres seront assemblés en quilts et offerts à ceux dont la maison a brûlé récemment.
La solidarité des quilteuses est sans frontière.

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12 commentaires sur « Forêts du monde, forêt de Bouconne »

  1. J’ai signé la pétition contre la déforestation de la forêt de Bouconne et je n’ai pas patché mais brodé pour l’Australie

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  2. Merci Katell pour ce bel article sur les forêts.
    La mode est aux constructions de maisons en bois qui paraissent mieux adaptées au réchauffement de la planète mais nos belles forêts françaises et étrangères vont elles être saccagées….

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    1. Tout est question de bonne gestion… On peut faire des plantations intelligentes pour la sylviculture et laisser les forêts authentiques en paix. Ce serait bénéfique pour tous.
      Merci Jeanne, bonne journée !

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  3. Bravo Katell pour ce bel article. Je m’empresse de le faire suivre. Je suis surprise que l’ONF, qui défend pourtant la forêt (d’où son nom) pratique une mauvaise gestion.
    De la même façon, chez nous ce sont les haies qui sont massacrées. Je voudrais écrire un article à ce sujet mais je n’ai pas ton éloquence!

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    1. l’ONF défend la forêt, c’est sa vocation. C’est pourquoi il y a un malaise, relayé dans la presse. La gestion semble devenir bien plus financière, cette évolution est récente chez nous.
      Mais oui, tu vas nous écrire un bel article sur les haies bocagères, un refuge pour la faune, une barrière naturelle, un coin humide souvent… Et cela structure le paysage si joliment !

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  4. Merci pour cet article, cela fait chaud au coeur de voir que tant d’autres partagent son propre goût pour cette nature si abimée par la main de l’homme

    Aimé par 1 personne

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