Blanc & Noir, Gwenn ha Du

En tant que mi-Bretonne, comment ne pas penser au drapeau breton, fier étendard de la Bretagne moderne, quand on aborde le Blanc & Noir ?

On ne peut se passer du noir et du blanc
pour décrire un monde de couleurs.

Michel Pastoureau

Ce drapeau a tout juste 100 ans, il est connu de tous et pourtant, il n’a aucune reconnaissance officielle. Né dans les cercles militants juste après la Première Guerre Mondiale, créé par l’architecte Morvan Marchal, il représente les 9 duchés de Haute et Basse-Bretagne par ses lignes horizontales (tout comme les 13 bandes horizontales du drapeau américain représentent les 13 premiers États des USA) et les hermines sont le vestige de nombreux drapeaux et étendards du passé. Elles rappellent l’histoire d’Anne de Bretagne (ou d’autres personnages, selon les sources…) impressionnée par la détermination d’une hermine qui préférait la mort à la souillure (ne surtout pas tacher de boue sa belle fourrure…).

Kentoc’h mervel eget bezan saotret, plutôt la mort que la souillure, telle est la devise bretonne !

L’hermine est blanche l’hiver, sa fourrure est très prisée… Elle est protégée, mais son habitat naturel est dévasté depuis plusieurs décennies… C’est un animal très utile pour réguler la population des rongeurs.

Ce drapeau fut pourtant sali par un groupe de collaborationnistes lors de la seconde guerre mondiale qui l’utilisait, d’où son éclipse. Il réapparaît lors de manifestations dans les années 60, lors de la victoire du club de football de Rennes en 1965, sur les barricades de mai 68, c’est un étendard contestataire et régionaliste. Il signe très vite le renouveau de la celtitude avec la musique bretonne d’Alan Stivell, Gilles Servat, Tri Yann. La culture bretonne devient jeune et à la mode ! Puis ce drapeau se répand partout où il y a un peu de Bretagne, ne serait-ce qu’en souvenir de vacances, en autocollant sur les voitures, ou alors ses acolytes le Triskell, le BZH ou la Bretonne !

C’est à présent un drapeau aimé, respecté, revendiqué mais toujours non officiel. Des associations se mobilisent pour obtenir l’émoji de ce drapeau. Moi-même, je l’ai souvent recherché pour l’utiliser, en vain !

Il y a un monde entre ma mère et moi, en ce qui concerne la culture bretonne. Vraie Bretonne depuis la nuit des temps, première génération à quitter son pays, elle a allègrement quitté le couvent des Ursulines de St-Pol-de-Léon à 16 ans pour « monter » à Paris, elle a découvert sa vraie vie dans l’effervescence de la capitale, les sorties au cinéma, la rencontre avec mon futur père, les sorties aux cabarets et dans les boîtes de jazz… La vie trépidante d’une jeunesse joyeuse des années 1950 ! La Bretagne était un souvenir terne. Elle a coupé ses racines, sans renier pour autant son attachement familial. Pour moi au contraire, j’ai longtemps été à la recherche de mes racines celtiques, liant le folklore à l’attache sincère. J’ai acheté des bols bretons et plein d’autres témoignages de cette culture (des disques, des livres, des tissus…) alors que les uniques traces bretonnes de ma mère restent son visage, son éducation et ses souvenirs.

J’ai vu en 2015 la collection de robes Gwenn-ha-Du de Pascal Jaouen sur des mannequins (pas des personnes) et j’ai pu admirer ces merveilles de tout près. Des robes de contes de fées ! La plus emblématique, celle à l’hermine, est une des plus belles robes qui soient. Elle ne se porte pas facilement, je vous le concède !

Nolwenn Leroy†performs live during the 27th edition of the ‘Francofolies’ summer music Festival, held in La Rochelle, France, on July 13, 2011. Photo by†Yann Werdefroy/ABACAPRESS.COM Nolwenn Leroy a souvent porté des robes de Pascal Jaouen !

Je réitère ici, trop rapidement, toute mon admiration pour Pascal Jaouen, artiste breton, qui vient de partir à la retraite. Il a réinventé la broderie celtique avec sa fameuse broderie glazig, il a créé de merveilleuses robes, qui subliment la femme et la tradition bretonne… Il marque durablement l’art de notre région, et bien au-delà !

Pascal Jaouen, photo du Télégramme

Les mondes de la joaillerie, de la musique, de la broderie, de la haute-couture, de la littérature ont sublimé cette Bretagne chère à mon cœur. Dans le monde du patchwork, il y a eu de jolies Bigoudènes, des entrelacs celtiques, des paysages maritimes, des sets de table avec des tissus dédiés, mais pas encore de vraie vague bretonne artistique, à ma connaissance. Je suis certaine qu’il y a eu pourtant des tentatives, car les Bretonnes d’aujourd’hui sont fières de leur patrimoine. Peut-être cette vague bretonne se manifestera-t-elle massivement un jour, en blanc et noir ?

Kenavo,
Katell

21 commentaires sur « Blanc & Noir, Gwenn ha Du »

  1. Grand merci Katell pour ces lignes passionnées pour la Bretagne et en particulier de son drapeau connu dans bien des parties du monde.
    D’origine nantaise j’ai toujours partagé l’âme bretonne. Arrivée ,à notre mariage, près de Lorient, nous venons de migrer en Bretagne du Nord à Dinard.
    J’ai eu la grande chance de suivre les cours de broderie glazig avec Yann qui a pris la succession de Pascal Jaouen avec talent et enthousiasme.
    Quel bonheur que de broder.
    Puisse chaque région de France garder ses racines…et partager ses savoirs.
    Belle journée.
    Kenavo

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  2. Bel hommage Katell ;0)))
    Jaouen a fait beaucoup pour mettre en lumière la broderie glazig. Merci à lui. Le drapeau breton est un phare, on le voit de loin… L’emoji oui oui, on le voudrait bien!!!

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  3. Bonjour à tous et à toutes.
    Petite anecdote entre le patchwork et la culture bretonne: j’ai fréquenté un club de patch, à Satory( 78). Le défi de cette année là: en noir et blanc. Intense réflexion… ça y est, j’ai mon idée: le drapeau breton. Souci: nous sommes beaucoup de Bretonnes, dans le groupe… serai-je la seule à porter ce projet… réponse une semaine plus tard: oui!

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  4. Merveilleux article, encore une fois j’ai appris quelque chose d’intéressant sur la Bretagne. Je ne connaissais pas l’histoire du drapeau. Il ne m’est jamais venu à l’esprit qu’il n’était pas officiel, je l’ai toujours perçu comme un symbole indissociable de la Bretagne !
    Bonne journée,
    et j’attends avec impatience un autre article intéressant, c’est toujours une merveilleuse lecture!

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  5. Et que dire du drapeau du Dauphiné auquel je suis très attachée et qui remonte aux Croisades…. ? Nous sommes toutes et tous liés à notre histoire et nos racines ancestrales !
    Merveilleux Pascal Jaouen et ses créations que j’avais pris beaucoup de plaisir à admirer au PAF il y a quelques années !
    xoxo

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    1. Notre pays a de profondes racines ! Les frontières ont bougé au fil du temps, à présent plus personne ne les remet en cause. Mais les événements de l’Ukraine montrent que l’impossible peut arriver.
      Parler des drapeaux régionaux me rappelle le défilé des candidates à Miss France avec leur costume régional ; certaines sont gâtées, d’autres, les pauvres, ont un truc impossible à porter élégamment 😀.
      Pour le plaisir, voici le blason du Dauphiné : https://quilteuseforever.files.wordpress.com/2023/03/province_-_blason_-_dauphine.png

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  6. Merci Katell BIZH(!)
    et j’ai aussi des attaches en Corse, en Languedoc, en Champagne…
    et aussi j’admire,passionnément, Pastoureau
    re bizh !

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    1. Pastoureau… Je n’ai pas lu tous ses livres, mais presque ! L’écouter est un voyage en soi. Quelle érudition, quelle liberté d’interprétation !
      Si du côté de ma mère, les origines sont simples, du côté de mon père c’est un grand tour de France… et d’ailleurs aussi peut-être 😊 ! Je me sentais très Européenne quand je vivais en Allemagne et que je voyageais beaucoup, mais je suis de nouveau une vraie Française, bien ancrée dans mon pays !

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  7. Moi , je suis Lorraine et j’habite à Metz . Le blason de la ville est -en langage héraldique – est « mi-partie d’argent et de sable » c’est -à -dire coupé en deux noir à droite , blanc à gauche .
    On ne peut plus simple et peut-être plus beau !

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  8. Merci Katell pour ce bel article, on sent ton attachement à la Bretagne et c’est bien d’avoir une terre de cœur, surtout une aussi belle région. Amicalement

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  9. Un article qui me touche tout particulièrement. D’abord parce que tu y parles de St Pol de Léon qui fut mon premier contact avec la Bretagne et qui a mis dans mon cœur un amour indéfectible pour cette région à tel point que nous nous y sommes installés en 2019. Pas à St Pol même, mais juste à côté de Morlaix . À l’occasion de cette installation, j’ai créé un patchwork qui représente bien le Léon même si ce n’est pas le Gwenn a du : un artichaut. Je ne sais pas comment te l’envoyer en photo mais je pense qu’il te plairait. J’ai aussi fait pour une valise FP, un petit cœur en Gwenn a du ou un petit Gwenn a du en cœur, comme on veut. Si ça t’intéresse, je peux aussi te l’envoyer. De toute façon, le noir et blanc, je trouve toujours ça sublime et tellement fort symboliquement. Merci pour ton article.

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