Quelques facettes d’Elisabeth

A Vienne, j’ai révisé ma vision de Sissi l’impératrice qui collait avec le radieux sourire de Romy Schneider. Les trois films mythiques sont très romancés et tournent bien à la légère les profonds tourments de cette femme. J’ai la faiblesse de croire que ces deux ou trois choses que j’ai apprises d’elle auront l’heur de vous plaire…

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Romy Schneider dans le rôle qui la fit mondialement connaître – ici dans le premier film, en Bavière, la terre natale de Sissi. Dès 12 ans, les femmes de l’époque portaient un corset… pour la vie.

Elisabeth, Sissi, Sisi… ou Lisi ?…

Elisabeth Amalia Eugenia von Wittelsbach naît la nuit de Noël de 1837. Son prénom est l’un des plus portés de l’aristocratie européenne et comme la plupart des enfants, elle avait un ou même plusieurs surnoms dans son enfance. Comment sa famille l’appelait-elle ? Nous ne le saurons sans doute jamais vraiment. Mais il est clair que la jeune Elisabeth signait Lisi :

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 La première fois que nous avons trace que « Sisi » est utilisée par écrit, c’est dans une lettre de Franz-Joseph répondant à sa  promise et l’appelant son « petit ange Sisi »… Se pourrait-il qu’il ait mal lu la signature d’une lettre précédente ? Le L et le S majuscule pouvant se confondre… puis Sisi (qu’on dit zizi en allemand !) est devenu, on ne sait quand, Sissi (prononcé en allemand Zissi), peut-être indifféremment utilisé selon les moments et les personnes.

De nos jours lorsqu’on est à Vienne, on est surpris de lire partout Sisi, coquetterie pour différencier clairement la « vraie » femme du personnage incarné par Romy Schneider. Alors, à chacun de choisir comment nommer cette chère Impératrice !

Elisabeth

Adulte, l’impératrice signera Elisabeth la plupart du temps, mais aussi Erzsébet en tant que Reine de Hongrie, et même Titania en tant que poétesse…

Qui était son mari ?

François-Joseph était Empereur d’Autriche mais aussi son cousin. Imaginez deux soeurs (Ludovica en Bavière, Sophie en Autriche) décidant de marier leurs enfants, faisant fi des problèmes de consanguinité qu’on n’ignorait pas totalement pourtant… Le monarque de 23 ans se fait donc présenter sa cousine Hélène (Néné) mais tombe amoureux de son accompagnatrice et soeur Elisabeth (Lisi ?) âgée de 15 ans et demi.

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Franz Joseph, 23 ans, empereur d’Autriche depuis 5 ans, rencontrera cette année-là sa cousine Elisabeth.

Ce mariage d’amour sera célébré grandiosement le 24 avril 1854. Ouvrons ici une parenthèse : par le plus grand des hasards nous avons visité le palais jour pour jour 160 ans plus tard. Le Musée Sisi fêtait ses 10 ans avec l’inauguration ce jour-là d’une exposition exceptionnelle (« Soie, Dentelle, Hermine ») sur la garde-robe d’Elisabeth. Certaines robes sont des reproductions mais d’autres sont les originales, exposées pour une unique fois au public jusqu’au 24 décembre 2014.

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Réplique de la robe que portait Elisabeth la veille de son mariage. Je ne sais si c’est celle que portait Romy Schneider au tournage du film ! Cette robe fait partie de l’exposition permanente.
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Peu de robes d’origine mais elles sont magnifiques, de même des souliers et maints accessoires pour cette exposition temporaire au coeur du musée Sisi de Vienne. Si vous y allez, je vous souhaite une journée calme car il y a beaucoup à voir et les couloirs de visite sont assez étroits ! Cette sublime robe bleue a été oubliée des décennies dans un carton et retrouvée en 2012. Son état est d’une fraîcheur parfaite ! Elle date de la fin de la vie d’Elisabeth, quand elle était extrêmement maigre.
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L’autre robe d’époque montrée jusqu’au 24 décembre est cette robe très ouvragée, avec des inclusions de multiples dentelles délicates. Ces deux robes démentent que Sissi ne s’habillait plus qu’en noir à la fin de sa vie : à Corfou, elle dérogeait à cette règle. (photos de ce blog, toute photo étant interdite lors de la visite !)

Après ce mariage dont je vous passe les détails, très vite le jeune mari doit retourner aux affaires. C’est un homme droit, rigoureux, extrêmement travailleur, devant faire face à de multiples tracas diplomatiques, guerres et révolutions dans les immenses territoires qu’il dirige.

Sissi était alors toute jeune (16 ans), elle était attachée à son mari mais ne pouvait accepter le rôle d’impératrice tel qu’imposé par sa belle-mère et sa vie à la Cour de Vienne lui devint vite un carcan insupportable.  Franz laissera malheureusement s’installer entre sa mère et son épouse une ambiance détestable, ce qui, rapidement, détournera Elisabeth de ses « devoirs » puis la mènera à une véritable frénésie de voyages… sans lui, quotidiennement attablé à son bureau pour régler les affaires de l’Empire.

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François Joseph à l’âge de 35 ans.

Franz Joseph règnera près de 68 ans et ne cessera jamais d’aimer sa Sisi. Lui l’aimait d’un amour profond, elle l’aimait très affectueusement jusqu’au dernier jour. Ils eurent quatre enfants, dont je vous laisse découvrir le destin dans les nombreuses biographies.

 Franz dira à plusieurs reprises, après la mort de Sissi en 1898 : « Nul ne sait combien je l’ai aimée… ». 

L’époux de Sissi était né et éduqué pour régner, alors que Sissi la jeune Bavaroise n’a pu faire passer la vie de devoirs et de représentation incombant à une Impératrice devant sa soif de nature et de liberté.

Ils étaient totalement opposés, Franzi était un homme d’ordre et de rigueur militaire, un bureaucrate obstiné, un fervent catholique. Il était infiniment amoureux de sa femme mais ne la comprenait pas.

Sissi, elle, était bien plus fantaisiste, bien moins férue de religion et « ne se sent en harmonie qu’avec les objets d’art, au contact des lacs, de la lune, des forêts, des montagnes, de la mer, des chevaux, des chiens… »(Hortense Dufour, « Sissi, les forces du destin »). Elle a toujours vécu avec des animaux autour d’elle, monte à cheval quotidiennement, a toujours un grand chien. Elle sait les soigner, leur parler…  Et les astres n’étaient pas non plus avec eux : lui étant Lion et elle Capricorne, aux thèmes complètement opposés, il aurait fallu beaucoup pour que règne l’harmonie entre ces deux-là 😉

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Sissi et son chien Shadow, ici en 1867.

Au cours de son long règne, François-Joseph a dû affronter de très nombreux drames familiaux (tragédies des Habsbourg…). Il laissera l’empreinte d’un conservateur ayant su tracer des voies politiques riches en bonnes intentions mais pas à la mesure des bouleversements du XIXe siècle, et dont le bilan se soldera malheureusement par la Grande Guerre.

Sissi et la Cour de Vienne 

Il est presque choquant, en tant que touriste arrivant à Vienne l’accueillante, la romantique, l’harmonieuse, d’apprendre qu’Elisabeth détestait cette ville et passait son temps à vouloir la fuir. Etait-elle ingrate, difficile, capricieuse ?

Mettons-nous un peu à sa place. La jeune Sissi a grandi avec simplicité, joie et liberté, toujours à courir dans le grand jardin plein de roses tenu par sa mère, crapahutant par monts et par vaux avec son père dans les Alpes bavaroises, nageant des heures dans les lacs avec son frère ainé… Du jour au lendemain, elle doit se plier à l’étiquette la plus stricte d’Europe, mesurer ses pas, son rire, ses propos… Elle vit soudain dans un palais certes, mais c’est une prison dorée. Son cher Franzi ne la soutient pas, disparaît toute la journée dans son bureau et laisse sa mère faire l’éducation de la nouvelle impératrice. La jeune fille est immensément désemparée dès les premiers jours de sa vie à la Cour de Vienne et ce choc ne s’effacera jamais.

La belle-mère de Sissi était-elle méchante ?

Epineuse question ! On va dire que les historiens sont partagés. Il y a un monde entre le sens du devoir de Sophie, mère de François-Joseph, à la fois tante et belle-mère de Sissi, et le ressenti d’Elisabeth. Il est certain que Sophie a empoisonné la vie de la jeune fille dès les premiers jours en lui inculquant l’étiquette de la Cour, summun de l’arbitraire. Dès lors, le ver était dans le fruit…

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Sophie l’Archiduchesse en 1832 par A. Stieler, l’année de la mort du fils de Napoléon. Le futur mari de Sissi a alors 2 ans.

Il faut cependant faire attention aux apparences. Belle et intelligente, Sophie la jeune Bavaroise doit épouser à 19 ans en 1824 un homme faible et sans charme, mais promis au trône d’Autriche. Toujours des alliances de personnes au service de la politique, pour rétablir la puissance autrichienne après la catastrophe napoléonnienne…

Son ambition et ses capacités la menèrent à occuper le premier plan politique et les diplomates européens, un brin machistes mais admiratifs, disaient : « c’est le seul homme de la famille impériale ». Ferme, autoritaire, gardienne de la tradition, elle éduqua son fils aîné François-Joseph (Franzi pour les intimes) pour le rôle qui lui incombait : diriger l’Empire d’Autriche et faire passer l’Empire avant tout esprit d’invidualité, « droit dans ses bottes » ! Exception notoire, là où elle céda, c’est pour l’épouse de son fils : Hélène la cousine aînée au caractère conciliant (elle se maria plus tard, fut heureuse et eut beaucoup d’enfants…), était le choix de Sophie, mais Franz imposa son coup de foudre, Elisabeth, laquelle hésitait mais… « On ne dit pas non à un Empereur » rétorqua sa mère Ludovica…

Gardienne de l’étiquette, Sophie ne pouvait accepter les goûts d’indépendance de sa sauvageonne et puérile belle-fille et ne comprenait pas que Sissi refuse le rôle prestigieux qui lui était offert. Sophie se montra très maladroite, plus que méchante, avec la jeune fille qu’elle aurait voulu façonner à son image. La rapide dégradation des relations entre elles fut très nuisible pour l’avenir de Sissi.

Sophie est pourtant une femme qui fut une mère, une grand-mère présente et affectueuse, à défaut de pouvoir aimer son mari qui était à la limite de la débilité. Sa rigueur, son intelligence fut au service de l’Empire, tout comme le fera son fils Franz.

Dans sa jeunesse, elle mit toute sa tendresse au service du fils malheureux et malade de Napoléon et Marie-Louise. Il existait entre eux deux une immense complicité affectueuse qui donna lieu à beaucoup de médisances.  Faisant fi des ragots tout comme des risques de contagion, elle s’occupa de l’Aiglon, fils de Napoléon 1er, jusqu’à son dernier souffle. Franz avait alors 22 mois.

Cette femme n’était donc pas le bourreau sans coeur qu’on veut souvent faire croire. Avec un peu plus de maturité de Sissi, un peu plus de médiation de Franz et un peu plus de souplesse de Sophie, tout aurait pu être différent…

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Elisabeth a beaucoup voyagé, de nombreux souvenirs de ses séjours se trouvent dans toute l’Europe. Ici, statue en Italie (Meran)
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Statue à Funchal (île de Madère). Là encore, Sisi porte un livre à la main : c’était une grande lectrice et écrivait elle-même de nombreux poèmes.
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Statue à Achilleion (île de Corfou)
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Celle-ci est à Genève, érigée 100 ans après sur le lieu de son assassinat.

La beauté de Sissi

Enfant, on la dit mignonne, charmante. Fiancée et jeune épouse, elle est rayonnante, ravissante. La grande brindille bavaroise devint la plus belle femme d’Europe de l’avis de tous, même si Elisabeth, en raison d’une dentition imparfaite, ne rit jamais, sourit à peine… Sa beauté devint son arme de séduction contre l’étiquette imposée par sa belle-mère.

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Les bonnes fées de l’héritage génétique ont transmis à Elisabeth les traits fins et la belle peau des princesses bavaroises, comme sa mère ou sa tante et belle-mère. Elle gardera de sa jeunesse au grand air alpin une peau qui prend bien le soleil. Elle prend soin de son visage au fil des décennies avec de nombreuses recettes plus ou moins appétissantes : cela va de la purée de fraises écrasées à l’escalope de veau crue… Des années durant, elle testera de nombreuses crèmes, collectionnera les idées de mélanges récoltées au cours de ses voyages et de ses propres expériences. Ainsi, ne serait-ce que par les soins d’hydratation de sa peau, elle pourra paraître longtemps bien plus jeune que les autres femmes de son âge.

On admire beaucoup sa chevelure bouclée, épaisse et brune qui lui tombe jusqu’aux chevilles, héritage de la famille Wittelsbach. Trois heures lui sont quotidiennement nécessaires pour se préparer… Pendant que sa coiffeuse tresse ses cheveux, elle apprend des langues étrangères pour lesquelles elle a un vrai don. Elle tient tellement à sa crinière que c’est un drame dès qu’elle voit un cheveu perdu… La coiffeuse et amie lui cachait donc habilement tous ceux qui restaient du démêlage quotidien pour ne pas la contrarier ! Le poids de sa chevelure lui donne souvent mal de tête mais qu’importe…

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 Mais ce qui devient obsessionnel, c’est sa ligne. Après l’intense déception de la vie à la Cour mais les acclamations du peuple devant sa beauté, il se produit un déclic : elle veut devenir la plus belle du monde, c’est à sa portée… Elle s’épuise avec des heures de gymnastique, d’équitation, des régimes insensés… Dans les palais où elle a habité, elle a fait installer du matériel de gymnastique (anneaux, haltères et autres, qu’on peut voir notamment au palais de Hofburg), ainsi qu’un pèse-personne qu’elle utilise plusieurs fois par jour.

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Salle de gymnastique et d’hygiène au palais du centre de Vienne. Anneaux, barre fixe, espaliers… L’environnement de style boudoir est très étonnant !

Presque jamais elle ne paraît à table car elle suit des régimes déraisonnables. Dommage 😉 leur vaisselle était si belle ! En visitant le palais, j’ai admiré des plats en porcelaine japonaise et pu vérifier que la cour des Habsbourg était au coeur des achats de la plus belle vaisselle du monde… Une recherche sur le bloc de patchwork de l’assiette de Dresde m’a naguère menée assez loin sur les traces de la porcelaine de Chine et d’Imari : une salle entière y est consacrée à Vienne !…

Naguère avec une belle silhouette jeune et « normale », Elisabeth devint extrêmement maigre (50 kg pour 1,72 cm… dont quelques kilos de cheveux !) et garda jusqu’à sa mort à 61 ans une taille de guêpe de 51 cm dit-on :

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J’ai vu de nombreux vêtements d’Elisabeth à Vienne. Certains témoignaient de sa très fine silhouette. J’ai particulièrement été frappée par l’extrême finesse de ses chaussures, incroyablement étroites.

Dans son rejet de l’étiquette, dans son éperdue envie de liberté, on regrette que Sissi n’ait pas vécu à notre époque ! Elle y aurait été sans doute plus à son aise, on la sent en avance sur son temps. Malheureusement, elle l’était aussi avec son principal problème de santé récurrent : il est clair que Sissi est devenue anorexique au fil du temps, maladie plutôt rare alors.

En 1998, un ensemble de symptômes liés à l’anorexie mentale fut nommé « le syndrome de Sissi ». La sissimania est  parfois dangereuse, des forums en son honneur existent dans plusieurs pays et font parfois l’apologie de sa maigreur et de ses régimes. C’est so chic d’être comme Sissi !! Le syndrome de Sissi a été inventé par un groupe de marketing pour un laboratoire pharmaceutique… afin de mieux vendre certains psychotropes. Un journaliste scientifique, Jörg Blech, a dénoncé ce scandale après une enquête rigoureuse (voir notamment cet article).

Elisabeth était obsédée par sa beauté, mais également la beauté des autres femmes : elle a collectionné des photos de femmes de tous âges et toutes conditions, son « album de beautés » comportait plus de 2 500 clichés ! Elle utilisait les réseaux diplomatiques pour enrichir sa collection… 

A la soixantaine, elle s’habillait presque toujours de noir et promenait en Europe sa très fine silhouette. Elle fuyait non seulement Vienne et sa Cour mais aussi tout le monde alors qu’elle était déjà entrée dans la légende. Les témoignages des contemporains insistent sur sa beauté mais surtout sa gentillesse, son charisme naturel, son charme inexprimable. Le président Félix Faure avait déclaré, témoignage parmi tant d’autres : « L’Impératrice est sublime. On dirait qu’elle est française ! »… Chauvin, va !!

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Pour ne laisser qu’une belle image d’elle à la postérité, Elisabeth refuse, l’âge venant, de se laisser photographier… Elle protègera son visage de voilettes, d’éventails, n’acceptant de montrer que sa silhouette juvénile…

Les musées de Vienne et tout particulièrement celui de Sisi à Vienne ont eu l’honnêteté et l’intelligence de ne pas s’en tenir au côté glamour de la belle impératrice. C’est une femme qui a beaucoup souffert, physiquement et psychiquement, qui a subi beaucoup de drames, les plus terribles étant la mort de son premier enfant, la petite Sophie, à 2 ans, puis la mort très mystérieuse du beau Rodolphe (à l’âge de 30 ans), lequel a tant souffert des voyages incessants de sa mère… Le sujet des enfants d’Elisabeth et Franz est complexe.

Elisabeth fut assassinée par un anarchiste en pleine journée à Genève, « pour rien »… Parmi la multitude d’objets exposés au musée de Vienne, on peut y voir la fine lame qui a tué Sissi à l’âge de 61 ans.

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C’est le vêtement que portait Elisabeth, le jour fatidique du 10 septembre 1898. On voit le trou provoqué par la lame qui la tuera.

 

Ici s’achève l’évocation de cette femme au destin extraordinaire mais à la vie si malheureuse, loin des clichés habituels. Si cet article vous donne envie d’en savoir plus vous pouvez lire, parmi les centaines de livres parus dans le monde, la sensible biographie de Jean des Cars (Sissi, impératrice d’Autriche) ou « Ces Autrichiennes, nées pour régner » de Catarina de Habsbourg (son grand-père fut le dernier empereur, à la mort du mari de Sissi).

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Finissons avec cette belle photo prise le jour où Elisabeth devint Reine de Hongrie (1867) ! Elle aimait ce pays qui le lui rendit bien, contrairement aux Viennois…

–ooOoo–

Des Dames de Habsbourg

 Depuis mon voyage à Vienne il y a deux mois, je ne peux m’empêcher de me documenter sur les personnages et mouvements artistiques liés à cette ville : le baroque, le Jugendstil, Klimt, Hundertwasser, et puis plusieurs figures féminines au destin hors du commun de la famille des Habsbourg comme Marie-Antoinette, Marie-Louise et bien sûr Elisabeth d’Autriche…

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Elisabeth d’Autriche en 1865, à 27 ans – Peintre : Winterhalter. Sa robe est signée du célèbre couturier Worth, fondateur de la Haute-Couture française ; elle est de satin et de tulle blancs, brodée de lames d’or. Les bijoux de cheveux sont des étoiles  en diamants du bijoutier Köchert, dynastie de bijoutiers toujours établis à Vienne.

 

Cette femme est fascinante par sa complexité et son destin, sa personnalité si singulière que mes premières recherches me donneraient presque envie d’y consacrer beaucoup plus de temps ! Son histoire familiale colle à la grande histoire de l’Europe que je comprends mieux au fil des lectures récentes, car, hormis quelques éclairages partiels, ma vision des Cours d’Europe se focalise plutôt sous le prisme français ou anglais et mes lectures historiques sont depuis des années centrées sur les artistes, les découvreurs, les gens ordinaires devenant extraordinaires…

L’empire de Franz-Joseph et d’Elisabeth, au coeur du XIXe siècle, englobe une immense partie de l’Europe. Après la folie expansioniste de Napoléon puis sa déchéance, l’empire des Habsburg s’étend de nouveau en gros pavé au centre de notre continent, englobant des peuples aussi divers que des Polonais, des Italiens, des Croates, des Hongrois, des Allemands, des Serbes… chez qui monteront des nationalismes engendrant d’innombrables guerres. N’oublions pas que c’est l’assassinat du successeur désigné de Franz-Joseph (mari d’Elisabeth) qui précipitera la première Guerre Mondiale…

IMG_5503Plus tôt dans l’Histoire, il y eut Marie-Antoinette. Jusqu’en avril dernier, je n’en connaissais que l’écume de sa vie française. En visitant Vienne, j’ai appris que sa mère, Marie-Thérèse la Grande, fut une remarquable chef politique, une  très grande impératrice qui régna pendant plus de 40 ans sur une grande partie de l’Europe. Le merveilleux château de Schönbrunn, le « Versailles viennois », conserve son empreinte.

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Côté cour et entrée, le château jaune et vert sombre pour les boiseries (couleurs qu’on retrouve dans toute la ville) nous accueille. Les parterres sont entretenus simplement, d’un coup de tondeuse, sans gazon sélectionné et  chèrement désherbé : un naturel qui fait du bien !
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La visite du château de Schönbrunn (= la belle source) nous laisse une impression d’harmonie : le bâtiment le plus visité d’Autriche était fin avril très calme et nous avons pu en profiter pleinement ! La grande visite des pièces est passionnante.
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Vue du balcon principal, côté jardin. A l’horizon, la gloriette. On ne voit pas toutes les dépendances, elles aussi fort intéressantes : orangerie, grandes serres tropicales, zoo, musée des carosses, des kilomètes d’allées ombragées…
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Le château vu de la gloriette. Le centre ville se trouve à l’extrême droite de la photo. Schönbrunn était la résidence d’été et Hofburg (en centre ville, à environ 5 km de là) le palais d’hiver. Marie-Antoinette y passa une jeunesse heureuse !
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Le parc de Schönbrunn peint par G. Klimt (en 1916) qui, à la fin de sa vie, avait son atelier à 3 stations de métro de là. Il y avait ses habitudes et donnait souvent rendez-vous à ses copains à la buvette de la gloriette !

Marie-Antoinette, avant-dernière des 16 enfants de Marie-Thérèse, n’était pas destinée à être dans la lumière, son éducation fut donc légère : elle savait à peine lire à 10 ans. Elle vivait heureuse à Vienne, vive et insouciante, apprenant le maintien, la danse, la musique… Elle assista à la visite à la Cour de Vienne du jeune prodige Mozart, de quelques mois son cadet : ils avaient tous deux 7 ans !

Sa mère, cependant, fit comme les autres monarques de son temps en utilisant le mariage de ses enfants comme gage de paix et alliance avec d’autres pays : à cette jeune fille il incomba d’épouser le futur roi de France…

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Maria Antonia, 12 ans, peinte par Van Meytens (1767). C’est la dernière fille de l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse et François 1er de Lorraine. Deux ans plus tard, elle sera promise au futur Louis XVI de France. On la connaît mieux sous son prénom français, Marie-Antoinette !
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Marie-Antoinette pendant sa coiffure – Heinrich Lossow
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Marie-Antoinette, reine de France, en 1783 (à 27 ans). Sa robe d’apparat est extravagante !

Tel un puzzle qui se met en place, mieux connaître les Habsburg me fait mieux comprendre notre Histoire. Il est passionnant de comparer les grandes figures féminines. Marie-Antoinette, arrière-grand-tante par alliance de Sissi, avec qui elle partage de nombreux points communs, a grandi dans les mêmes châteaux que ceux où vécut l’impératrice Elisabeth. Mais là où Marie-Antoinette, dernière fille de l’Impératrice Marie-Thérèse, avait une jeunesse plutôt libre et joyeuse avant de subir l’étiquette à la Française, Elisabeth subira de plein fouet les devoirs dus à son rang, imposés par sa belle-mère, après son enfance libre et joyeuse en Bavière… Pour chacune, le mariage à 15 ans est décidé pour l’alliance entre deux peuples… Elles vécurent dans le luxe de leur rang, pas toujours aimées du peuple… et moururent toutes deux très violemment. Autre pays, autre dynastie, autre époque, on ne peut s’empêcher de faire des rapprochements entre ces deux femmes et Lady Diana. Les comparaisons fusent : leur destin tragique, leur beauté, leur élégance favorisent des raccourcis dont il faut tout de même se méfier.

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Mariage le 2 avril 1810 de Napoléon et Marie-Louise. Peinture de Louis Rouget (Château de Versailles)


Quant à Napoléon, qui se souvient qu’il fut l’oncle de Sissi puisqu’il épousa la douce Marie-Louise ? De leur union naîtra Napoléon II, enfant écartelé entre la France et l’Autriche, mort à 21 ans.

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Voici Marie-Louise que Napoléon épousa pour avoir un fils que ne put lui offrir sa première épouse Joséphine… Le petit Napoléon II fut revendiqué par les deux pays (France et Autriche), rudement éduqué et mal aimé. Héros romantique et poignant dont la mort à 21 ans reste mystérieuse, il entra dans la Légende avec des poèmes de Victor Hugo, puis une pièce d’Edmond Rostand (l’Aiglon, joué par Sarah Bernhard).

Maria Ludovica ( surnommée Luisi) naquit à Vienne en 1791 au palais impérial viennois, son père devint Empereur d’Autriche alors qu’elle avait 2 mois. Elle est éduquée de manière plutôt simple, apprend plusieurs langues dont le français, première langue internationale de l’époque, aime la broderie, le jardinage et toutes activités des jeunes filles de famille aisée de son temps. Durant son adolescence, l’Autriche perdait bataille sur bataille contre Napoléon qui humiliait son pays. Alors imaginez quand on lui apprit sa future alliance avec celui qu’elle appelait « l’ogre corse » lequel, fort peu élégamment, dit « j’épouse un ventre » [pour avoir un fils]. La pauvre dit « se sacrifier pour le bien de l’état »… Bref cela commence plutôt mal !

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Marie-Louise épousa à 18 ans Napoléon (40 ans), qui voulait allier sa famille corse à l’une des plus prestigieuses dynasties européennes.

Pourtant le couple fut heureux pendant quatre petites années, même si le peuple français râle contre cette nouvelle Autrichienne qui, en retour, craint ces gens qui ont coupé la tête de sa tante Marie-Antoinette… Douce et docile, elle n’a pas les armes pour se défendre contre la cruauté de la Cour, pas plus que celle du clan corse. Elle aime remplir sa vie simplement, de couture et broderie, de lecture et de promenade. Elle donne un fils à l’Empire pour le plus grand bonheur de son mari et devint même par deux fois Régente de l’Empire français. Elle rentrera en 1814 en Autriche pour se retrouver sous le joug de son père et ne revit jamais son mari exilé (mort en 1821), puis vécut principalement en Italie, Duchesse de Parme durant plus de 30 ans.

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Marie-Louise, en robe Empire (à la taille haute), peinte par Robert Lefèvre. Ces robes sont héritées de la mode gréco-romaine alors en vogue. Elles laissent assez de liberté au corps, sont agréables à porter… mais le corps féminin sera de nouveau corseté vers 1830.

Quelques jours après notre retour de Vienne, nous avons vu avec émotion l’émission « L’ombre d’un doute » sur Vienne, nous y avons retrouvé toute cette ambiance chargée d’histoire et de beaux portraits de ces Dames de Habsbourg.

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Elisabeth d’Autriche m’ayant fortement touchée, je reparlerai d’elle, puis nous continuerons notre balade viennoise du côté de chez Klimt, grand amoureux des femmes…

 

La Dame Blanche des Habsbourg

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Quand j’étais enfant, une collection de livres à jaquette blanche ornait une étagère de la bibliothèque de mes parents… Très jeune donc, vers 10 ou 11 ans, j’ai lu plusieurs de ces livres  à la belle couverture de tissu ivoire et aux dessins choisis (collection Club de la Femme). Celui qui m’a le plus durablement impressionnée est « La Dame Blanche des Habsbourg » de Paul Morand, un curieux document historique parlant… d’un fantôme, ou plutôt d’un spectre d’allure féminine qui aurait hanté des siècles durant la dynastie des Habsbourg. Nous ne sommes pourtant pas en Ecosse !

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Napoléon François Joseph Charles, prince français, Roi de Rome, Prince de Parme, puis de Duc de Reichstadt avant que sa mort prématurée le fasse entrer dans la légende sous le nom de l’Aiglon… Credit: The Art Archive / Museo del Risorgimento Milan / Gianni Dagli Orti

C’était sans doute le premier livre historique que je lisais et ma mémoire a retenu deux personnages : Napoléon II, fils de Napoléon et de Marie-Louise (Autrichienne), dont la destinée est poignante et Elisabeth, plus connue sous le nom de Sissi… 

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Elisabeth, impératrice d’Autriche et de Hongrie, « la plus belle femme d’Europe », ici en 1867.

La Dame Blanche apparaît avant chaque mort violente ou révoltante des membres de cette grande famille. C’est le signe imparable de la fatalité qui marqua les Habsbourg, jusqu’à l’assassinat de l’héritier à Sarajevo en 1914, avec les conséquences que l’on sait… L’auteur raconte ainsi 200 ans de règne des Habsbourg. Contrairement aux Cours de France et d’Angleterre, les souverains autrichiens apparaissent comme très sérieux, travailleurs, vertueux… mais poursuivis par la fatalité.

Si, lors d’un vide-grenier, vous tombez sur ce livre, prenez-le, le talent et l’érudition de l’auteur vous feront passer un étrange moment mêlant Histoire et surnaturel au coeur de l’Europe !

Rendez-vous prochainement ici avec des Dames de habsbourg, qui elles ont incontestablement existé et marqué l’Europe. Elles ne faisaient pas de patchwork mais participèrent, de par leur rang et leur éclat, à l’évolution des arts européens…