Au lieu d’un fil rouge, suivons aujourd’hui un fil noir qui ne tient souvent qu’à un trait…

Le trait noir en peinture
Après la naissance de la photographie, quelques artistes peintres s’éloignèrent de la reproduction d’une vision académique, réaliste ou romantique. L’Impressionnisme, cette nouveauté majeure, entraînera à sa suite une ébullition artistique dans tous les sens, sautant rapidement du pointillisme (oh les beaux pixels 😀 ) au fauvisme, au cloisonnisme, puis à l’Art Nouveau, au cubisme et aux mouvances de l’art moderne du XXe siècle.

Suivons aujourd’hui Émile Bernard, post-impressionniste entouré par Paul Gauguin, Vincent Van Gogh et quelques autres… Réunis en Bretagne à Pont-Aven, ces peintres eurent comme sujets privilégiés les beaux paysages, l’exotisme (mais oui, quand on vient d’ailleurs 😉 ) des costumes bretons, ainsi que les coutumes de la religion catholique qui jalonnaient la vie d’antan. Avec ces thèmes ils se lancèrent dans l’aventure artistique du cernage, du cloisonnage et du synthétisme, inspirés par les estampes japonaises aux dessins cernés, aux aplats de couleurs, à la perspective non travaillée.






Le trait noir dans la bande dessinée
Restons en Armorique pour effleurer le monde de la BD dans lequel, tout naturellement, on trouve un trait noir délimitant les couleurs.
Célébrons ici la sortie mondiale du 36e album d’Astérix ! Il semble respecter la meilleure tradition de Goscinny et Uderzo, se référant étroitement au livre de la Guerre des Gaules de Jules César. Une BD, c’est beaucoup de crayonnage avant de mettre le dessin en couleurs. Typiquement, nous retrouvons le trait noir dans la planche finale :
Les nouveaux auteur & dessinateur sont Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. Je lirai ce livre ces jours-ci, par Toutatis !

La broderie noire
La broderie au fil noir sur tissu blanc est fort ancienne. Importée par les Maures, la broderie de laine noire sur lin blanc était prisée très tôt par les Espagnoles. Sa variante la plus raffinée, au fil de soie et réversible, fut exportée en Angleterre avec Catherine d’Aragon (1485-1536), fine brodeuse. Vous pouvez trouver ici chez nos amies québécoises un résumé historique très intéressant.

Pour les brodeuses en quête de nouveauté et de liberté, je peux vous conseiller d’acheter auprès de Dijanne Cevaal un tissu teint et imprimé par ses soins. Cela laisse un espace de création très amusant ! A la fin, les traits noirs sont recouverts de fil de couleurs.

Le trait noir en fil raconte…
Nadine Levé a créé ce quilt que j’aime beaucoup, fait d’hexagones brodés ensuite de mots, de fourmis, suivant un chemin de vagabonde :

Après trois ans
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu’éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
Même j’ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
– Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.
Poèmes Saturniens, Paul Verlaine
Un peu de poésie ne peut pas faire de mal !
Le trait noir autour des appliqués
C’est une finition très « country » que le point de feston autour des pièces appliquées à cru.

Le point de feston était utilisé également pour les appliqués des années 1920-1930. Le noir est très décoratif et rehausse toutes les formes, tout en renforçant l’appliqué.

Le point droit, en maintien de pièces appliquées ou en matelassage, a une présence décorative tout aussi marquante :


Avec le piqué libre qui fait de plus en plus d’adeptes, on voit des tableaux textiles de toutes sortes utilisant le fil noir qui fixe des pièces appliquées à cru :



Une quilteuse tarnaise, Sylvie Philippart, a exposé au printemps à Fayssac (exposition annuelle organisée par Josie Patch). Son quilt était mon coup de coeur :


Revenons à Nadine Levé qui utilise également ici le piqué libre, tel un trait d’encre :

Nadine Levé évolue dans son monde bien à elle, fait de livres textiles, de broderies charmantes pleines de féminité, de rêverie… En ce moment, elle met la touche finale à l’album photo de Mademoiselle Rose. Allez tourner les pages chez elle en cliquant ici !
Au fil noir ou gris foncé, à la main ou à la machine, l’appliqué surligné est une tendance internationale qu’on trouve notamment dans ces livres :
Le fil noir s’arrête ici pour aujourd’hui, en souhaitant qu’il vous aura diverti !



