Luke Haynes est un quilteur qui compte dans le paysage de l’art textile, un homme heureux, jeune marié, qui passe un mois de honeymoon en Europe… avec plein de rendez-vous textiles !
Nous l’avions découvert il y a quelques années avec son exposition de 50 quilts en log cabin principalement noir et blanc, avec de vibrantes touches de rouge (ici mon article présentant cette expo). Tout est fait en tissus de récupération. Cet Américain est de la même génération que Ian Berry, avec le même principe de recyclage, à la différence près que Ian ne fait pas de quilts mais des tableaux ou des mises en scène immersives à partir de blue jeans. Ils se sont rencontrés voilà 2 ans à Sainte-Marie-aux-Mines et inévitablement ils sont devenus copains.

Luke a navigué dans plusieurs styles de patchwork, avec un fond d’attachement au traditionnel populaire. Il achète les vieux vêtements et linge de maison usagé au poids : il est dans l’univers de la récupération, des blocs connus, l’utilisation de ses quilts dans la vie courante… et de la fantaisie, surtout ! On sent un solide sens du design contemporain pour arriver à de tels résultats. Ses œuvres textiles sont généralement de la taille d’un dessus de lit, pour qu’elles puissent servir mais aussi pour avoir le champ d’expression qui lui convient ; il aime la confusion entre art et fonctionnalité. Il préfère qu’on parle de lui en tant que designer, car il joue avec les objets et l’espace et c’est aussi d’où il vient, puisqu’il est architecte de formation.


Luke adore se mettre en scène, jouant avec ses propres œuvres, avec auto-dérision et humour :


Non seulement Luke aime se mettre en scène mais il excelle en auto-portrait, reprenant de fait des traditions de peintre. Mais les siens sont les deux pieds dans notre siècle !



Luke est aussi expert dans l’art du traitement du tissu par la photo. Il remet aussi au goût du jour un des dadas de Dali, l’anamorphose, ou la déformation d’images par optique (comme par exemple, un miroir déformant). C’était le thème de son expo de SMM 2019, avec les stars de nos vies, du cinéma, de la pop ou de la peinture : Amy Winehouse (ce qu’elle nous manque…), Madonna, Picasso, Dali, James Dean, David Bowie… et bien d’autres.
Sewlebrity, une sacrée expo ! Ces quilts nous font perdre nos repères : sont-ils apparentés à un tableau ou une sculpture ? Les personnalités sont, selon où l’on se place pour les regarder, à la limite du grotesque ou bien prodigieusement en mouvement, tels qu’on les connaît. Des croix et des flèches par terre nous aident pour voir le personnage normal, avec l’angle juste. Challenge parfaitement réussi, bravo Luke !
Les fonds de quilts, comme les dos, sont faits de récupération de vêtements, draps, nappes etc. Luke m’a montré des dos de quilts, piécés avec des tissus du même style que ceux sur le devant, qui font des versos aussi beaux que les rectos. Quant au quilting, il est fait à la machine, bien dense, horizontal pour le fond et vertical pour le personnage, ce qui rend la silhouette visible au dos. Luke pense à tout !
Pour Véro ma sœur qui adore Beau oui comme Bowie* encore plus que moi :
(*Gainsbourg chanté par Isabelle Adjani)



Un autre exemple d’anamorphose avec Madonna :
Pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’y aller, une vue de la moitié de l’expo où on voit des personnages déformés, d’autres parfaitement normaux car je suis bien placée pour eux :
Luke m’a laissé choisir devant quel artiste poser : Dali, à l’origine de tout bien sûr !

Je vous parlais en début d’article de son voyage en Europe ; Luke et sa femme se trouvent à présent en Angleterre. Et partout, un quilt les suit, comme un doudou, et pas n’importe lequel : des anneaux de mariage… à la sauce Luke ! J’ai entendu beaucoup de commentaires sur ce quilt, qui surprend par son fouillis et son charme, sa touche tradi et révolutionnaire à la fois… Décidément Luke est un artiste complexe qui déroute un certain public, tout en enchantant une autre partie. Personne, en tout cas, ne reste indifférent et on sait que la nouveauté est rarement acceptée d’emblée… Pensez aux Impressionnistes, rejetés en leur temps par les officiels…
Voici son quilt de voyage dans une chambre quelque part en Europe :
En Angleterre dans un manoir :
Et le voici tel que je l’ai vu à SMM, sur sa table, sous l’œil d’Amy :


J’espère que cet aperçu vous aura séduit ; l’art textile comporte mille et un visages, surtout avec un artiste aussi prolifique et singulier. Luke compte dans le monde artistique et j’espère que son charisme, son succès retentiront encore longtemps et fort, pour que le textile soit autant reconnu que les autres matières premières dans le monde de l’art.
(Sauf mention et citation de Dali, photos du site de Luke : http://www.lukehaynes.com/ ou ses pages Facebook, ainsi que mes photos de Sainte-Marie-aux-Mines).