Dans le domaine du patchwork, certaines personnes déplorent l’emploi de mots anglais. Je compatis avec les quilteuses frustrées de ne pouvoir tout lire dans les livres américains ; il est cependant fastidieux de tout traduire systématiquement…
Coca-Cola at Quilting Bee : on ne peut plus américain !!
Mais dans tout apprentissage on apprend du vocabulaire ! Si vous faites de la voile, certains mots viennent du hollandais, si c’est du karaté vous apprendrez des mots japonais… En patchwork, nous apprenons quelques mots anglais. Certes, nos amies québécoises préfèrent parler de courtepointe plutôt que de quilt, mais par ces quelques illustrations je souhaite vous montrer à quel point quilter est une pratique sociale reconnue aux Etats-Unis. C’est vrai aussi que les Américaines anglophones ne s’offusquent pas lorsqu’elles parlent d’appliqué, mot en français non anglicisé ! Et puis souvenons-nous que le mot latin culcita signifiant matelas, coussin puis couverture, a donné à la fois l’anglais quilt et le français couette…
Tableau de « Grandma Moses », Quilting Bee, peint en 1950
Alors il me semble qu’on peut continuer à employer les mots en anglais puisque cet art a été largement développé aux Etats-Unis et c’est là que les choses ont été nommées : les noms des blocs, les outils, les techniques… On traduit ce qui l’est facilement (bloc pour block) et on peut garder les mots et expressions spécifiques (patchwork, log cabin, cutter et autres…). A chaque domaine sa langue dédiée ! Savez-vous quelle est la langue internationale pour la Poste Universelle ? C’est le français, auquel a été ajouté l’anglais seulement en 1994. Je l’ai appris lorsque ma cousine habitant en Suède m’envoya un « envoi recommandé » (écrit en français, tout comme la mention « par avion ») lorsque j’habitais en Allemagne. De même, en danse classique ou en escrime par exemple, les termes techniques sont en français dans le monde entier.
Quilting Bee – Fred Weaver (gouache, 1969)
Ecrivant en « premier jet » le titre : Quilting en baptist Fan, dans ce franglais que comprennent quand même beaucoup de quilteuses francophones, je me suis dit que c’était un peu too much, alors je l’ai francisé, mais ce débat est finalement moins intéressant que le sujet lui-même ! Alors je vais continuer à écrire comme je parle…
Tableau de Bob Pettes – En vente en puzzle de 500 pièces !
Ces quelques illustrations de quilting bees montrent leur place dans la vie sociale américaine !
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Le quilting de mon quilt en dés est l’un des modèles les plus populaires de la fin du XIXe/début du XXe siècle aux Etats-Unis. Il fait partie des « overall », dessin qui se répète sur tout le top sans tenir compte du dessin du patchwork ou de l’appliqué. Pour nous, ce modèle a le charme de l’ancien ; pour les quilteuses de ce temps-là, il avait aussi beaucoup d’avantages techniques.
Tout d’abord, le dessin :
Ces cercles concentriques sont faciles à répéter, il en suffit d’un, dessiné par exemple avec une assiette ou un gobelet, qui sera répété en l’agrandissant ou le rapetissant selon un espace constant. Cet espace sera au choix : l’épaisseur du pouce, la longueur d’une phalange, la hauteur du dé à coudre… et puis le coup d’oeil de la quilteuse ! Il faut se souvenir qu’une fois les trois épaisseurs tendues dans le cadre à quilter, on ne l’enlèvera que terminé, on comprend alors que les dessins les plus faciles à suivre avec le minimum de marquage sont les plus populaires !
Ensuite le quilting en arrondi :
A cette époque donc, les femmes quiltaient sur un cadre fixe, souvent à plusieurs, lors des « quilting bees » (réunions d’abeilles quilteuses) et je crois que cela bourdonnait comme dans une ruche ! Ce dessin en quarts de cercles peut se commencer à plusieurs endroits à la fois, il est facilement ajustable et le quilting en ligne arrondie, qui suit le mouvement du bras, est particulièrement agréable.
Pourquoi s’appelle-t-il Baptist Fan ?
A fan est un éventail, bien sûr on comprend tout de suite en voyant le dessin. Baptist est une des branches du protestantisme, parfois on appelle ce modèle aussi Methodist (autre branche du protestantisme) ou Bishop (évêque), l’appellation des Amish je crois. C’est tout simplement parce que les quilting bees se constituaient la plupart du temps au sein de la congrégation religieuse.
Une bonne raison supplémentaire de choisir ce modèle de quilting :
Avec le recul d’un siècle d’utilisation et d’usure, on se rend compte que les quilts matelassés ainsi restent plus longtemps intacts !! Les quiltings serrés qui ne tiennent pas compte des dessins du top sont les plus efficaces pour préserver les fibres de tissu du déchirement. Autres exemples de quiltings traditionnels conservant longtemps les quilts : les clamshells (motif des coquilles) et les croisillons serrés.
Ma méthode de marquage de ce modèle :
Je n’ai pas fait ce quilting de façon très spontanée, j’ai marqué mes lignes, intimidée sans doute par cet exercice nouveau pour moi. Munie d’un compas et d’un carton, j’ai dessiné ceci :
puis découpé chaque arc de cercle. Je l’ai fait en 2 exemplaires car je craignais l’usure des gabarits ! C’était superflu. J’ai fait cinq arcs comme le conseillait Bonnie Hunter ; un nombre impair dans ce cas est plus futé car on se retrouve du « bon côté » à la fin d’un éventail. Et puis, comme les fleurs dans un bouquet, c’est plus esthétique sans doute !
Photo empruntée à Bonnie Hunter, Quiltville. Son dessin montre comment on avance dans le quilting de ce modèle.
Mon outil de marquage sur le sandwich était le Hera marqueur de Clover, cet outil génial issu de la tradition japonaise. C’est une spatule à bord tranchant comme un couteau. Les authentiques sont en bambou, les nôtres en plastique dur, ils marquent le tissu en faisant un petit creux et en lustrant légèrement le tissu. Cela suffit largement pour ce genre de dessin ! Je marquais 3 ou 4 éventails à la suite, et même après une pause, je retrouvais facilement le dessin .
On peut détourner des objets pour marquer de la même manière : ainsi, un petit couteau à beurre, à la lame arrondie au bout, marque aussi bien le tissu qu’un Hera. En revanche, les plioirs d’encadrements et de cartonnage n’ont pas la tranche assez affûtée. Une bonne prise en main est importante, le Hera est parfaitement ergonomique et donc imbattable pour cela !
Bien sûr, chacune a ses préférences de traçage (crayon, feutre, savonnette, craie…), je vous signale juste cette possibilité.
Voici une simulation sur mon quilt fini pour vous montrer la progression des éventails. Je n’utilise pas le plus petit gabarit du centre car j’utilise le n° 2 pour dessiner le 1er arc. On fait ces premiers arcs puis on quilte peu à peu l’ensemble.
Fil et aiguille
J’ai surtout quilté ce quilt aux dés avec des aiguilles « between Piecemaker n° 12 », agréables mais j’en ai cassé beaucoup ! Vers la fin de ce quilting, j’ai découvert les « Between Roxane n° 11 », je les préfère. Quant au fil, je prends le YLI (pour faire chic, prononcez ouaille-elle-aïe) 100% coton. Solide et même fibre végétale que le tissu, c’est parfait. J’avais quilté la plupart du temps avec un tambour, parfois sans mais avec un poids comme Yoko Saito… J’ai tout essayé, je trouvais ainsi le temps moins long ! Mais je suis impatiente de quilter avec la technique d’Esther Miller que j’ai apprise grâce à Patricia mais que j’ai encore peu pratiquée, je vous dirai quand je m’y mettrai !
Avancement
Le premier arc de cercle quilté, vous allez au plus près pour commencer un autre : ce sera soit à gauche, soit au-dessus. Puis, lors d’un changement d’aiguillée, vous pouvez entamer une autre direction. Les arcs se succéderont jusqu’au coin en haut à gauche. Variante : tourner tout autour et finir vers le centre comme le dessin de Bonnie Hunter (voir son article en référence ci-dessous). Tout est permis, c’est votre quilt…
Voilà, vous en savez autant que moi !
Références :
Quilting avec Patricia à la manière d’Esther Miller : articles ici et là
Articles qui m’ont inspirée pour ce sujet :
http://quiltville.blogspot.fr/2010/05/questions-on-fans.html : évidemment Bonnie Hunter, pour le quilting spontané et la constatation que ce quilting préserve mieux les quilts !
http://minickandsimpson.blogspot.fr/2009/06/fuss-free-hand-quilting.html : Minick & Simpson, pour l’historique.
Vous êtes arrivée au bout de cette longue lecture ? Félicitations ! La prochaine fois que vous devez commencer un quilting, demandez-vous si le Baptist Fan ne serait pas, par hasard, une bonne idée !…
Katell, Quilteuse Forever
Mon activité favorite !