Avant de rendre visite aux Patriarches au pied du Mont Rainier, je te présente cette montagne qu’on voit de Seattle dès que le temps est clément.
J’opte désormais pour le tutoiement dans la série Western Spirit tous les mardis, car c’est un partage d’idées, d’aventures et d’expériences qu’on partage entre amis !

Le Mont Rainier est ce volcan qui, tel le Mont Fuji pour Tokyo, domine la ville de Seattle du haut de ses 4 392 mètres. Distant de la ville d’une petite centaine de kilomètres, il est considéré comme le volcan le plus dangereux des Etats-Unis (sans compter le Kilauea d’Hawaii, en constante activité…)


Le Mont Rainier est néanmoins un but de randonnée privilégié, nous avons assisté avec émotion au dévoilement progressif du mastodonte au fil des heures dans la région du Sunrise en étant déjà à environ 2 000 m d’altitude :
Et les Patriarches ?
Ils se trouvent du côté de l’Ohanapecosh River, au pied sud-est du Mont-Rainier. Nous ne sommes plus qu’à environ 500 m d’altitude. Les Patriarches sont les héros de cette forêt primaire, plusieurs dizaines d’arbres millénaires qu’on peut approcher après avoir traversé un pont suspendu.




Les arbres locaux sont des Douglas (appelés ainsi d’après David Douglas, un botaniste écossais qui fit 10 000 km en 1825-26, à pied et en canoë, pour découvrir la flore le long du Pacifique), des tsugas (autres conifères), et des cèdres rouges (thuyas géants). Ces derniers étaient de première importance pour les Indiens, procurant la matière première pour faire notamment des paniers ou même des capes imperméables avec l’écorce qu’on peut tisser. Ce bois quasi-imputrescible se travaille et se fend facilement ; on le creusait pour faire des canoës, on le sculptait pour faire des mâts totémiques*, on le coupait pour faire les maisons… De nos jours, il continue d’être exploité pour couvrir les maisons en bois traditionnellement sous forme de shingles (bardeaux), sert à l’industrie des meubles, repousse naturellement les insectes (en particulier les mites textiles)… et, merveille culinaire découverte chez LeeAnn et cuisinée par son mari, ce bois donne au saumon un goût incomparable quand on pose le poisson sur une planche de cèdre rouge et qu’on le cuit au barbecue !! Dans ces cas-là, j’adore la cuisine américaine !
*Les totems sont sur-représentés dans notre imaginaire sur les Indiens d’Amérique (la faute aux westerns !). En Amérique du Nord, les mâts totémiques n’existaient que chez les peuples qui s’étendaient de l’Alaska à l’Etat de Washington (en passant donc par la partie ouest du Canada), on les nomme les Indiens du Nord-Pacifique. Les mâts totémiques correspondaient, non pas à une religion, mais à un emblème clanique, un blason, un hommage à une personne décédée ou une commémoration (la victoire d’une guerre par exemple). Il y a donc confusion de termes avec d’autres civilisations utilisant des mâts vaguement similaires ayant une symbolique religieuse.
De même, jamais aucun Indien, à part devant les caméras, ne fit whoo-whoo-hoo en battant la main devant la bouche pour partir à la guerre… et je reviendrai un jour sur le mythe des cowboys, attention déceptions en vue !

Une longue passerelle en bois est aménagée pour que nos pas ne tassent pas la terre, ne blessent pas les racines.
Nous découvrons ébahis de vénérables arbres de 1 000 ans, toujours vivants, appelés les Patriarches.

Quelle émotion de toucher ces arbres… Ils fournissent une force énergétique et je comprends les peuples qui les ont divinisés.
Rappelle-toi Pocahontas, dessin animé de Walt Disney (1995) où l’héroïne demande conseil à sa « grand-mère feuillage » qui est la voix de la sagesse…
Plus généralement, ce film est une ode à la tolérance entre les peuples ainsi que l’encouragement à écouter et protéger la nature. C’est bien ce que nous enseigne l’étude de la vie des Indiens qui vivaient en symbiose avec la nature il y a encore peu de temps. Nous sommes bien moins sages. Sans bouder des aspects formidables du progrès, il y a urgence à revoir notre mode de fonctionnement, nous reconnecter à la nature dont nous faisons partie et mieux la respecter, c’est tout notre intérêt.
Nous n’avons pas visité la péninsule d’Olympia, au sud-ouest de Seattle. C’est encore là un lieu exceptionnellement préservé, une forêt primaire extraordinaire. Je t’invite à rendre visite à ce blog, l’un de ceux qui m’ont aidée à organiser notre voyage. Il est écrit par un professeur de géographie de l’université d’Orléans. On y voit ici de magnifiques photos de la péninsule.
Au fil de notre périple dans l’Ouest américain, nous nous sommes posé une question : pourquoi, dans notre vieille Europe, n’avons-nous que peu de très grands arbres ? Nous avons des Arbres Remarquables dûment répertoriés, certes, mais justement pas de très vieux arbres en abondance. Malgré la violence des incendies, ouragans ou tornades qui balaient ce pays américain, nous avons vu tant de très vieux arbres à la circonférence étonnante, même au centre de San Francisco ! La réponse est dans l’histoire des hommes.
L’Europe est, depuis bien longtemps, bien plus densément peuplée que l’Amérique. Si à l’origine, les forêts recouvraient la plus grande partie des territoires européens, au 11e siècle (à partir de l’An 1000), une conjonction d’événements changea la donne. Le climat connut un épisode très doux, la population s’accrut, une meilleure stabilité politique s’instaurait en même temps induisant la sécurité, le développement de l’agriculture et de l’élevage et donc un besoin de gagner de la terre. Mais un défrichement massif sans discernement fut effectué, les forêts furent souvent brûlées, comme un reset, une mise à zéro, ce qui fait qu’on a peu d’arbres très anciens, les arbres jeunes adultes étant exploités, depuis lors, au fur et à mesure des besoins. A noter qu’après 3 siècles de relative prospérité, le Moyen-Âge se termina avec un fort déclin de la population européenne au 14e siècle avec la Guerre de Cent Ans, la Grande Famine, la Peste noire… La Renaissance ne permit pas aux forêts de se reconstituer : les arbres étaient des produits de consommation de première nécessité, sans parler des constructions navales et autres industries avides d’énergie. On était à la recherche constante de bois de construction ou de chauffage : le petit peuple n’avait le droit que de glaner les branches, les troncs étant réservés aux propriétaires terriens.
Au 20e et 21e siècle, nous n’avons jamais eu autant de forêts en France, du moins depuis le 11e siècle ! En revanche, elle ne sont que rarement naturelles. Même les flancs de montagnes sont reboisés, ce qui est formidable, mais souvent avec une seule essence et cette politique favorise la propagation des maladies et insectes ravageurs. Ainsi, au printemps dernier, nous avons frémi à la vue de la forêt du Causse Noir à l’est de Millau, reboisé de pins noirs d’Autriche : ils furent ravagés en 2017 par les chenilles processionnaires et il n’y reste que des milliers d’arbres morts…

La dernière forêt primaire d’Europe se trouve en Pologne, près de la Biélorussie, et elle semble menacée par une campagne de défrichement.

En Amérique, c’est une toute autre histoire, les Indiens étaient numériquement très peu nombreux en regard de l’immensité du territoire. Leur prélèvement de bois sur la nature était insignifiant. Et lorsque vinrent les Européens, quels arbres choisirent-ils pour construire leurs maisons (les log cabins), pour élever leurs clôtures, pour brûler dans la cheminée ? Certainement pas les plus grands et les plus vieux, sans doute pour le respect qu’ils inspiraient, mais encore plus certainement parce que les plus jeunes ont des diamètres bien plus pratiques à couper et à transporter !

C’est donc pour ces raisons qu’on peut voir encore aux USA des régions extraordinairement préservées. Pour retrouver l’ambiance de la découverte des très anciens arbres de l’Ouest américain au 19e siècle, je recommande la lecture du roman de Tracy Chevalier A l’Orée du Verger, maintenant disponible en format de Poche.
Et pour illustrer cet article avec quelques quilts, en voici que j’aime beaucoup avec des forêts qui me rappellent celles de l’Etat de Washington, ainsi que quelques arbres remarquables :






Je reviendrai un jour sur des arbres que j’ai découverts en Utah, mais dès mardi prochain nous plongerons ensemble dans une ambiance western !
Until later, porte-toi bien,
Katell
Un bel article enrichissant, agréable et bienfaisant ! Bravo et Merci.
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Ah les arbres…
Je suis touchée par ton commentaire, merci Pom !
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Quel bonheur de te lire, j’avais l’impression de t’accompagner là bas. Et toujours le lien vers le patch grâce à tes vastes connaissances sur ce sujet. Merci de ce bon moment partagé.
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Nous nous prenons par la main, nous voyageons ensemble…
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Encore un article extraordinaire, tout à fait digne du magazine Géo . Ton texte est si chaleureux, si agréable… qu’on en redemande !!! J’adore le premier quilt avec les sapins ainsi que celui avec les feuilles d’érable. Merci Katell
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Ces quilts sont des merveilles, et les traditionnels donnent la main aux plus modernes !
Je n’arrive pas à retrouver la photo de tes sapins, peux-tu me l’adresser par mail dans la journée STP ? J’ajouterai le photo ici, tes sapins sont si beaux !
MERCI
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Merci Katell de penser à mon petit quilt , je suis flattée.😊je t’ai envoyé la photo mais sans doute trop tard car aujourd’hui le 24 .
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Non ce n’est pas trop tard, le voici !

N’est-il pas ravissant ? Il fait suite à un atelier lors d’une JA que j’ai eu le plaisir d’animer à Creutzwald, en Lorraine.
Bravo Laurence !
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😊😊😘
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Je viens de terminer le livre de Peter Wohlleben sur les arbres et ton article ne peut que m’y renvoyer….
Les arbres en patch sont un thème inépuisable (comme les maisons !) et on ne saurait qu’apprécier ces photos. Je ne connaissais pas cet immense ouvrage de Cécile Milhau. C’est époustouflant de réalisme et de sens artistique. Bravo à elle.
Nous voilà donc repartis en voyage grâce à toi . J’apprécie beaucoup ces étapes hebdomadaires : elles sont à la hauteur de ma capacité d’appréciation de la géographie de cet immense pays. Il va sans doute m’en rester beaucoup. Encore merci.
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Comme tu le dis si bien, les arbres sont un sujet inépuisable et profond.
Je n’ai pas voulu allonger encore cet article déjà bien long. Ces jours-ci pourtant je m’énerve en entendant aux informations certaines personnes défendant l’huile de palme et par conséquence la déforestation en Indonésie : vision à si court terme… Et on a d’excellents laits infantiles sans huile de palme !!
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J’ ai vraiment aimé te lire. C ‘est bon de partager les même passions. Les arbres, le quilt, les livres. Merci infiniment pour le guide vers ce livre de Tracy Chevalier que je n ‘ai pas lu et que je vais m empresser de chercher. Pour ces images de patch surtout celui de la forêt tarnaise. Ma mere est née à Labastide Denat. …Te dire aussi que je me suis laissée envoûter par la forêt de la Grésine lorsqu ‘il y a quelques années j ai marché vers les bastide albigeoises. Enfant j ai vécu dans le Vercors ou la présence des forêts est forte. Aujourd hui je randonne souvent dans les forêts du Chablais car je vis à Thonon (74). Amitiés. Au plaisir de te lire et de suivre tes découvertes et tes passions.
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Ah je connais la forêt de la Grésine, je m’y suis promenée début juillet ! Dans notre coin, ce sont effectivement les chênes qui sont les rois de la forêt. Dans mon jardin, nous avons laissé au fond une partie sauvage et « le bois sacré » (baptisé ainsi par mon fils qui lisait beaucoup Astérix) est né !
La semaine prochaine, nous ferons un tour dans le 19e siècle…
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Quelle magnifique promenade! J’ai encore appris tout plein d’histoires, de nature,de verdure et de couleurs, de sensations…la main posée sur l’arbre… et je vais approfondir avec toutes les références que tu as données. merci infiniment!
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C’est aussi mon plaisir Gisèle ! Avoir la possibilité de partager ces sensations est tellement agréable. Western Spirit a encore beaucoup d’anecdotes et réflexions à offrir !
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Merci, merci, pour ce fabuleux récit, j’ai appris énormément de choses très intéressantes. Je me réjouis déjà de la semaine prochaine.
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J’ai oublié de parler d’un livre amusant à lire, les mémoires d’un poirier de 300 ans… A déguster : Le journal intime d’un arbre, de Didier van Cauwelaert, de 2011. J’ai beaucoup aimé l’idée mais la fantaisie naturelle de cet auteur aurait pu l’emmener encore plus loin dans cette belle histoire !
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Katell, What fun to read of your travels here in Washington State! I love seeing your perspective and the research you have done on the places. It was all pleasure to have you and Patrick here with us. I enjoy reliving some of the memories through your blog. I hope you will return so we can spend a few days in the Olympic National Forest together! xoxo
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The very best souvenirs are those together LeeAnn, and they cannot be not shared on the blog!
Going to the Olympic Forest is an option for the future, but it will never be our main goal when coming back to Seattle 🙂
I just looked at Instagram, you know I am shy with it, but I saw such beautiful things being made by you, congratulations!
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Ah ce rapport avec les arbres..les hommes semblent le redécouvrir aujourd hui avec des stages de sylvotherapie et autres…mais nous avons toutes en tete ce sentiment de bien etre apres une longue promenade en foret..protegeons nos arbres tant qu il est encore temps
Merci pour ton magnifique reportage katell
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Exactement Nadine, avant d’intellectualiser les bienfaits des forêts, on se rend bien compte à quel point cela fait du bien de se promener entouré d’arbres, cela aide à prendre des décisions, à relativiser des problèmes…
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Merci beaucoup pour ce bel et très intéressant reportage !
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vraiment l’impression de voyager réellement , j’ai ressenti cette puissante énergie communiquée par ces arbres millénaires !!! merci merci
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Merci pour ce bel article où j’ai appris tant de choses et qui m’a rappelé de bons souvenirs : mon premier voyage aux US avec la découverte du Sequoia National Park et ses arbres gigantesques et millénaires que je n’oublierai jamais. Et bravo pour toutes ces belles rencontres que nous partageons avec toi! Natacha
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quel dépaysement!! merci pour ce temps passé très agréable!
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Merci pour cet article si bien documenté
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Cela me rappelle tant de souvenirs extraordinaires… Un rêve éveillé !
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