Frida Kahlo, icône féminine

¡Viva la Vida!

Connaissez-vous Frida Kahlo ? Sans doute savez-vous qu’elle fut une peintre mexicaine à l’oeuvre marquée par ses autoportraits. Cet exercice, se peindre, existe depuis la Renaissance (avec la disponibilité de miroirs). L’artiste est-il désespérément amoureux de son reflet, comme Narcisse ?  C’est bien plus souvent un exercice d’introspection. Voici donc une évocation de Frida Kahlo (1907-1954) avec quelques peintures, mais aussi des photos et des extraits de son journal intime ou sa correspondance.

Autoportrait aux papillons, Frida Kahlo.

Je me peins moi-même parce que je suis la personne que je connais le mieux.
Je suis ma propre muse. Je suis la personne que je veux améliorer.
Frida

Frida peignit 55 autoportraits sur 143 tableaux, exprimant la quête de soi, sa lutte contre la souffrance et, bien présente, son identité mexicaine (vêtement, faune, flore, couleurs). 

On peut voir cet autoportrait très coloré, daté de 1938, au Centre Pompidou à Paris.

Je peins des fleurs afin qu’elles ne meurent pas.
Frida

En Europe, hormis les admiratrices inconditionnelles, toujours plus nombreuses, on connaît mal Frida Kahlo, sauf si on a vu le film de sa vie, inoubliable, interprété et produit par Salma Hayek…

Née au Mexique comme Frida, l’actrice Salma Hayek portait en elle le projet de ce film depuis longtemps. Il est sorti en 2002. C’est seulement lors de l’explosion de #MeToo en 2017 que Salma osa dévoiler les turpitudes de Harvey Weinstein à son égard : il tenta notamment de faire planter le film parce qu’elle refusa ses avances…

Admiratrice de Frida et amoureuse du Mexique, mon amie Suzy Bignau m’a prêté le DVD il y a quelque temps déjà, j’ai alors compris pourquoi on pouvait tant s’intéresser à Frida Kahlo. A mon tour, je me suis mise à l’aimer, cette femme belle, intelligente, passionnée.

Photo credit: Nickolas Muray

 

Expression de ses souffrances

Dans le film, il est clairement montré que son art l’aidait à supporter ses souffrances. Elle peignait pour exprimer la violence de ses émotions, ses sensations, d’où de trop nombreux tableaux difficiles à supporter… Pauvre Frida, au corps martyrisé. Elle eut une vie de douleurs, à la suite d’une poliomyélite à l’âge de 6 ans, puis d’un accident de bus à 18 ans, dont elle gardera les graves séquelles à vie.

Je ne peins jamais mes rêves ou mes cauchemars. Je peins ma propre réalité.
Frida

La colonne brisée, 1944, 40 x 35 cm. Frida représente sa colonne vertébrale par une colonne grecque, sectionnée en 6 endroits. Les 56 clous symbolisent l’infinie douleur qu’elle endure, conséquence d’un accident à ses 18 ans (elle fut très gravement blessée lors d’une collision entre un bus et un tramway, à Mexico).

 Je ne suis pas malade. Je suis brisée.
Mais je me sens heureuse de continuer à vivre,
tant qu’il me sera possible de peindre.
Frida

Frida-Kahlo-Henry-Ford-Hospital-1932
L’hôpital Henry Ford, 1932, 32 x 40 cm. Frida sait, sur son lit d’hôpital, qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Lors de l’accident, elle fut littéralement transpercée par une tige métallique, de l’abdomen au vagin. Un tableau qui rappelle Dali, même si elle affirme ne pas aimer le surréalisme.

Je ne saurais dire si mes tableaux sont surréalistes ou pas, mais je sais qu’ils sont la plus franche expression de moi-même, sans jamais tenir compte des jugements et des préjugés de quiconque.
Frida

Sans espoir, 1945, 28 x 36 cm. Frida était devenue si maigre qu’on la forçait à manger.

J’ai essayé de noyer mes peines, mais elles ont appris à nager les bougres.
Frida

Son histoire est résumée sur ce blog par exemple, mais je vous encourage à voir le film Frida, tourné dans sa maison, la Casa Azul, devenue musée.

14_la-casa-azul

 

 

Une icône de la mode 

Frida ne s’habillait que très rarement à l’occidentale.

En visite à New-York, 1933 © Lucienne Bloch
Rare portrait de Frida vêtue en femme occidentale du XXe siècle, photo de Gisèle Freund en 1951.
Toute jeune, elle a déjà le goût de la tenue des femmes mexicaines de la campagne. Quel chic ! Elle adopte les robes longues pour cacher son pied déformé par la polio et la différence de longueur de ses jambes. Photo Imogen Cunningham, 1931.
Sa mère Matilda était descendante de généraux espagnols par sa mère et d’un photographe indien de Morelia (Mexique) par son père ; son père Karl Wilhem (devenu Guillermo) Kahlo était d’origine allemande.

A la fois pour rendre hommage à la culture mexicaine et pour masquer par de l’ampleur, des plis, des couleurs, son corps martyrisé, Frida a développé une garde-robe unique.

Sa maison natale, où elle a vécu presque toute sa vie, est devenu le musée Frida Kahlo. On peut y admirer quelques unes de ses tenues « indiennes ».

Les tenues traditionnelles Tehuana lui permettaient d’affirmer son héritage. La région de Tehuantepec a, en outre, la particularité d’être matriarcale, les femmes y sont à la fois féminines et puissantes. En s’habillant de leur manière,  Frida fait avec son corps, exprime sa différence et rend hommage à la mexicanité, son identité culturelle. Et partout en Amérique centrale, on porte encore des huilpils, ces hauts à forme très simple, auxquels elle donne des lettres de noblesse. Les broderies, les couleurs, les dessins, concentrés sur la partie supérieure, invitent les personnes à ne pas regarder le bas de son corps déformé.

Photos de Nickolas Muray (de gauche à droite : 1946, 1939, 1939)
La styliste Alice&Co a conçu deux patrons de huilpil pour se mettre à la mode Frida, l’un à encolure ronde, l’autre à encolure carrée : patrons à charger dans les liens de cet article.
1939_Nickolas-Muray_Frida
Photo de 1939, par Nickolas Muray, un de ses fidèles amis.

On la voit presque toujours avec des ongles manucurés, des bijoux volumineux ethniques, et souvent, comme ci-dessus, un élégant châle savamment noué : encore un héritage mexicain, le fameux rebozo. Elle continue d’inspirer les femmes, ainsi que les couturiers comme Jean-Paul Gaultier (ses corsets…).

On admire la richesse de sa garde-robe, ses bijoux, ses coiffures… Ici un large ruban est tressé avec ses cheveux. « L’art de Frida Kahlo de Rivera est un ruban autour d’une bombe », a dit André Breton. Photo Nickolas Muray en 1939.
Et, la plupart du temps, des fleurs fraîches piquées dans sa coiffure…

 

Engagement politique et liberté assumée

Généreux et utopistes, Frida et son mari Diego Rivera voulaient changer le monde ! A l’époque, le marxisme semblait être la solution contre le monde belliqueux en place qui broyait les pauvres. Pour Frida, c’était avant tout pour faire avancer la condition des femmes dans un monde machiste. Épisode rocambolesque, le couple abrita Léon Trotski et sa femme, chassés de l’URSS par Staline,  pendant deux ans dans la Casa Azul, de 1937 à 1939. Léon Trotski sera assassiné l’année suivante, dans le même quartier où il continuait d’habiter après avoir été viré par Diego.

Frida Kahlo_Entre las cortinas_para Trotski
Ce tableau, plus grand que la plupart des autres peintures de Frida (87 cm x 70 cm) s’appelle Entre les rideaux, pour Léon Trotsky (1937). Elle s’est faite bien jolie, maquillée, confiante et séductrice. La mise en scène, entre deux rideaux blancs, rappelle les retables mexicains en triptyque. La lettre qu’elle tient dans la main est la dédicace : Pour Leon Trotski, avec toute mon affection, je dédie cette peinture le 07 novembre 1937 – Frida Kahlo à San Angel, Mexico. C’est elle qui se lassera du grand homme et lui, amoureux comme un adolescent, lui écrivit qu’elle fut « sa seule et authentique Révolution… »
Son mari Diego Rivera, peintre célèbre plus âgé qu’elle, fut l’homme de sa vie, même s’il commença rapidement à la tromper… Elle ne fut pas de reste, elle eut de nombreux amants et quelques amantes. Les invités témoignaient des disputes épiques, des assiettes qui volaient… 

Amour de la vie :
Frida
s’entourait de plantes et d’animaux,
Frida aimait la vie, même si elle lui en faisait baver… 

Il y en a qui naissent avec une étoile qui brille haut et d’autres comme des étoiles tombées par terre, écrasées, pleines de coups, et même si vous ne le croyez pas, je fais partie de celles qui sont bien tombées par terre.
Frida

Frida avec son singe Fulang Chang,1944, Mexico City,  © Bettmann/CORBIS
Frida et son faon en 1940, photo Nickolas Muray
Frida avec ses chiens, photo Gisèle Freund
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Frida nourrissant ses canards dans son jardin de la Casa Azul, photo de Gisèle Freund – 1948

Bien trop souvent allongée sur un lit de douleurs, elle s’imagine oiseau, une image qui vient de loin (à son mariage, sa mère dit c’est le mariage d’une colombe et d’un éléphant) et proclame son amour de la vie, malgré tout, après l’amputation de sa jambe droite :

 Des pieds, pourquoi en voudrais-je, si j’ai des ailes pour voler ?
Frida

 Et :

Est-ce que les verbes peuvent s’inventer?
Je veux t’en dire un : je te ciel, et ainsi mes ailes s’étirent, énormes, pour t’aimer sans limites.
Frida 

N’est-ce pas follement fort et touchant ?

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Héritage

Frida est partout en Amérique centrale, c’est une héroïne, une inspiratrice. Les excès mercantiles font même parfois mal au cœur… Mais bien plus noblement, elle continue d’inspirer les femmes d’aujourd’hui.

Une artiste textile française, Anne Gailhbaud alias ArtisAnne, lui a rendu maintes fois hommage, ressentant intimement dans ses fibres la sensibilité de Frida. Anne a lu TOUT au sujet de Frida et j’apprécie l’influence de sa muse mexicaine.

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Deux broches faites pour des amies par ArtisAnne. Lisez ses articles sur Frida Kahlo !

Mon prochain article sera consacré à un quilt sur Frida… pas de moi ! Vous aurez la surprise…

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Nos cœurs battent en souvenir de Frida.

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Elle avait la rage de vivre.

Les nuages ne durent qu’un moment et le soleil toute la vie.
Frida

Son dernier tableau, en 1954, n’est pas un autoportrait, mais une ode aux couleurs et aux choses simples de la vie :

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¡Viva la Vida!

32 commentaires sur « Frida Kahlo, icône féminine »

  1. Merci pour ce bel article ! Je vais pouvoir me documenter plus amplement ! Bonne journée !!!

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    1. Ah un grand merci pour le lien !
      Que chaque personne qui a écrit sur Frida Kahlo n’hésite pas à faire ainsi, ajoutez votre lien. Je n’ai pas cherché à faire la liste des évocations de Frida en textile, c’est l’occasion de le faire ici en commentaire.
      Merci !

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  2. Très bel article sur cette artiste qui m’est chère également. Mes petits enfants ont vécu 5 années à 300 mètres de la Casa Azul à Coyoacan… J’ai donc beaucoup arpenté ce quartier attachant de Mexico et visité sa maison transformée en un musée très touchant. Mes petits enfants en garderont aussi, toute leur vie, le souvenir de cette artiste adorée des Mexicains. Merci Katell pour cette belle page !

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  3. Merci Katell, c’est un superbe portrait très documenté, comme tu en as l’habitude et l’éthique. On croit tout savoir sur elle et puis on oublie des points importants, comme sa polio par exemple, que j’avais fair passer aux oubliettes ! Quelle femme forte et impressionnante ! Peu lui arrivent à la cheville.

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    1. Il fallait un sacré tempérament pour surmonter toutes ces épreuves, pour provoquer aussi tant de rencontres, pour transformer sa vie en mythe, et pour nous offrir tant de belles choses…

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  4. Merci pour cet article. Une artiste qui m’a beaucoup touchée, j’ai aussi visité sa merveilleuse maison. Ne passer pas à Mexico sans la visiter ! Très beau, très intéressant.

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  5. Je reviendrai lire en détail ce bel article; j’ai une passion pour Frida. depuis longtemps. je me suis même habillée comme elle pour une soirée peinture…..Merci à Katell pour ce bel article coloré et le lien; je viendrai voir le quilt aussi…Et lire ces commentaires. Récemment, j’ai fait un article sur la broderie Otomi; les châles de Frida, le bas de ses jupes étaient brodés en broderie Tenango. Frida avait enfermé les pièces de sa garde- robe dans une malle avec interdiction de l’ouvrir avant 50 ans. Alors, 50 ans après…………….Un livre d’art sur ce sujet et plein d’infos que je peux raconter un peu plus tard!

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  6. J’ai publié un long commentaire; j’ai l’impression qu’il a disparu dans les oubliettes de la blogosphère! Zut!!
    MErci mille fois pour le lien et l’article; jamais je ne me lasserai de Frida!

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    1. Mais oui, ton commentaire est arrivé à bon port, c’eût été dommage…
      Ton blog est très riche de tout ce dont on a besoin pour s’inspirer de Frida, nous serons nombreuses à continuer de te suivre !

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  7. Je lis toujours avec plaisir vos articles qui reflètent votre belle personne. Grd merci pour celui ci, Friida Kahlo à tant souffert et est si peu connue. Elle est fascinante. Il existe un tout petit musée à Baden Baden, si un jour vos pas vous y amènent. Bonne journée à vous et vos passions. Amitiés Ursula

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  8. Très belle découverte encore une fois grâce à toi Katel qui nous donne l’envie d’en savoir plus sur cette femme exceptionnelle et son élégance intemporelle.

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  9. Merci pour cet excellent reportage. J’ai lu l’année dernière « lettres 1922-1954 » et « Les amants de Coyoacan ». J’ai été subjuguée par la vie de cette femme si courageuse. Merci pour les superbes photos !

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  10. Je reviens lire en détail ce très bel hommage à Frida Kahlo qui me hante véritablement. il y a eu il y a 3 ou 4 ans, à Paris, une très belle expo Frida Kahlo; on pouvait voir en détail ses tableaux. En particulier l’autoportrait superbe dit à la robe de velours (il rappelle Modigliani)Lorsque vraiment je souffre, je pense à son amour de la vie et son courage; ça m’aide!!!
    En 2013 (déjà!!) j’ai publié sur mon blog un gros cahier Frida (4 articles!), à partir de collages textiles; il est visible
    http://www.artisanne-textile.fr/frida-kahlo-collages-textiles-la-clarte-fut-en-moi-14/
    Pour celles qui le souhaitent, il y a le très beau livre de Rauda Jamis, et, tout récemment Claire Bérest: Rien n’est noir, chaque chapitre porte un nom de couleur; cette couleur dont usait Frida.
    Bloglovin avait oublié de remettre le lien d’ici, je l’ai rétabli et je reviendrai, Frida ou pas……….car la vie et multiple!

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  11. Merci pour cette article, je suis une fan de Frida, malgré ses souffrances elle gardait une joie de vivre phénoménale. Elle aimait les couleurs, les hommes, les femmes, la vie. Une très grande artiste

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