Dans ma vie d’adolescente, l’album Harvest de Neil Young fit partie de ceux qui tournaient en boucle, rappelant pendant l’année scolaire les vacances en Bretagne, les feux de camps dans les dunes et les copains qui jouaient de la guitare…

Si cet album de 1972 est un bijou de folk-rock, la chanson Alabama me bouleversait par ses sons de guitares et des impressions de souffrances venues de je ne sais où. Je sais à présent qu’elle est une critique de l’intolérance et du racisme encore ancrés dans les États du Sud des USA, plus de cent ans après la Guerre Civile (ou Guerre de Sécession 1861-1865). Ce Vieux-Sud est pays de violences et celle de certains hommes blancs est inimaginable : encore en 1972 le Ku-Klux-Klan sévissait sporadiquement, même après les progrès de reconnaissance de l’égalité des droits civiques grâce à Martin Luther King et bien d’autres. De nos jours, le mouvement Black lives matter est signe qu’il reste encore et encore un long chemin à faire, dans l’ensemble des USA.
En Alabama, même la météo est violente, puisque c’est l’État des États-Unis où surviennent le plus grand nombre d’orages, avec son climat subtropical humide, et il est bien souvent au cœur des couloirs de tornades meurtrières, d’ouragans dévastateurs… C’est sa nature, et cela ne pourra malheureusement pas s’atténuer dans le futur.
Que Dieu me pardonne, je détestais l’Alabama. Je le haïssais !
L’Alabama était le pays où toute la misère du monde avait choisi d’élire domicile. C’était le pays où se donnaient rendez-vous toutes les haines, toutes les iniquités, toutes les bassesses humaines. Aucune région du globe ne mettait un tel point d’honneur à annihiler la vie d’un homme, à le rabaisser, à lui faire courber l’échine jusqu’à le contraindre à ramper à terre, éreinté, vaincu.
Et, pour tous ceux dont le malheur était de ne pas avoir la peau claire, l’Alabama était tout cela aussi, en pire. Pour eux, il déployait tout son ignoble talent, il déchaînait toute sa noirceur contenue, toute sa dureté réfrénée. Oh oui ! Pour eux, l’Alabama se surpassait.
« Il n’y a rien de pire au monde, ni de plus éprouvant pour un homme, que d’être pauvre. Excepté le fait d’être un nègre, naturellement » , disait mon père.
Ô combien il avait raison !
Trent Peterson Chestwood, dans Alabama, Alexis Arend
Alabama, Alexis Arend : un peu attirée par la musicalité du titre, un peu par les critiques élogieuses, un peu par l’inexplicable lien que je ressens avec ce coin déshérité, un peu grâce aux liens liés par les arts singuliers inventés dans ce coin des USA (Alabama Chanin, les Gee’s Bend), j’ai téléchargé ce livre… et cela m’a valu une nuit blanche débordant d’émotions.

Inutile de me le demander, non je ne vous raconterai pas l’histoire. Ce roman se lit très facilement, même si vous vous sentez submergé, parfois, d’émotions multiples et violentes.
La misère est un bien insidieux fléau. Elle est un mal sournois.
Les nègres et les chiens fonctionnent pour ainsi dire sur le même mode, ils ont les mêmes instincts, souviens-toi toujours de ça.
Mais on savoure quelques pages sublimes sur l’attachement à la famille, au pays, à l’amitié et, non moins important, sur le bonheur de la lecture.
Je veux que l’Alabama soit le pays que l’on mérite tous, Blancs comme Noirs. Une terre d’abondance ! Il a assez à offrir pour chacun de nous. Regarde autour de toi, regarde comme c’est beau, regarde comme c’est riche !
Tu vois, quand je me plonge dans un roman, c’est un autre monde qui s’ouvre devant moi, je suis ailleurs, je vis d’autres vies, je découvre d’autres endroits, je rencontre d’autres personnes. Je les côtoie dans ma tête, guidé par tous ces mots et toutes ces phrases qui s’alignent et me racontent quelque chose.

L’esprit de Mark Twain est pleinement dans Alabama, à la fois par l’amitié de deux garçons proches mais différents, et, j’ose l’avancer, par la qualité d’écriture ! L’immense talent de Twain est trop peu reconnu en France, je vous propose de le redécouvrir et de lire cet article où je lui rends modestement hommage. Il fut d’ailleurs un protecteur et ami d’Helen Keller, dont l’histoire m’avait tellement touchée enfant… Tiens, elle est née en Alabama et elle aussi est alignée avec ce qui se dégage du roman d’Alexis Arend.
Le meilleur aboutissement de l’éducation est la tolérance.
Helen Keller


Alabama d’Alexis Arend : ce roman se trouve sous format papier ou numérique (FNAC, Amazon…). J’imagine qu’un éditeur va se précipiter sur cette pépite auto-éditée… Profitez-en, avant que son prix ne monte !

Depuis déjà 7 ans, je vous montre des pine cone quilts sur ce blog ; pas de hasard, c’est le bloc de patchwork officiel de l’Alabama, en raison des quilteuses de Gee’s Bend et leur héritage afro-américain, dont fait partie cette technique particulière !
Alabama Forever, envers et contre tout !
Katell