Le Colorado (coloré, rouge en espagnol) est un fleuve mythique, appelé ainsi car il charrie la terre rouge des montagnes, plateaux et canyons où il passe. Les paysages traversés par le fleuve font partie des plus beaux qu’il m’a été donné de voir, comme le Grand Canyon du Colorado. On n’oublie jamais le Grand Canyon quand on a eu la chance de le voir un jour !


Le Président des Etats-Unis Théodore Roosevelt découvrit ce site au tout début du XXe siècle et réussit, contre l’avis du Congrès, à en faire un Parc National le 11 janvier 1908 (la photo ci-contre date de ce jour historique). Déjà il y avait beaucoup de tourisme, des exploitations minières, des maisons au bord de la rive, une certaine anarchie dans les constructions. Il fit un beau discours à cette occasion, en substance : Le Grand Canyon m’inspire admiration et respect. Il est au-delà de toute description, absolument inégalé de par le monde. Il faut absolument que cette merveille de la nature reste ainsi. Ne faites rien qui puisse altérer sa sublime grandeur et magnificence. On ne peut l’améliorer. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le garder intact pour nos enfants et les enfants de nos enfants et tous ceux qui viendront après nous, pour que chaque Américain puisse le voir ainsi.
Si j’ai pu profiter de tant de paysages grandioses en septembre dernier, je sais que c’est c’est grâce à John Muir et Theodore Roosevelt. Muir est le père des Parcs Nationaux des USA mais il n’aurait jamais réussi sans le soutien du Président.

Mais ces hommes ne sont pas assez entendus de nos jours… Parlons des choses qui fâchent. Même si nous avons vu des paysages fantastiques et qu’on se sentait si bien dans cette région, le Colorado River, que nous appelons fleuve en français (nous distinguons ainsi les cours d’eau qui se jettent dans la mer ou l’océan), est en danger. Mais le Colorado est-il toujours un fleuve ? On ne sait plus quoi dire car l’embouchure, un grand delta au nord du Mexique, est… asséché.

Plus d’eau, nada, depuis des années ça ne coule plus : seulement 9 % de l’eau du Colorado arrive près de l’embouchure car le reste est détourné en amont. Avec la chaleur, il y a une forte évaporation dans le coin, ce qui ne donne plus que 4 % de l’eau qui devrait y couler. Résultat, les Mexicains vivant traditionnellement de la pêche à cet endroit depuis des siècles sont obligés d’aller en pleine mer.
En moins d’un siècle, l’homme a créé des barrages, des réservoirs, des détournements, épuisant le fleuve. Une mauvaise nouvelle arrivant rarement seule, la neige est de moins en moins abondante et fournit moins d’eau chaque printemps. C’est vrai que les lacs artificiels sont magnifiques et favorisent le tourisme mais le domptage de la nature pour notre confort n’est pas sans conséquence. Nous sommes allés bien trop loin. Bien sûr, le Colorado permet à quarante millions de personnes d’avoir de l’eau au robinet, mais il irrigue surtout des cultures qui n’ont pas lieu d’être en milieu quasi-désertique, arrose toutes les parcelles de jardins de Californie et d’Arizona chaque soir et des centaines de golfs aux pelouses vert fluo plantées dans des terres arides, et tant d’autres exagérations. La consommation à outrance est néfaste, quel que soit le sujet, mais la problématique de l’eau est cruciale. Les alertes se succèdent en cascade : l’évaporation s’accroît, concentrant notamment les pesticides et phosphates de l’agriculture (qui eux ne s’évaporent pas…), la sécheresse s’accentue, alors que les « besoins », en réalité souvent futiles, sont insatiables. On tue clairement la poule aux œufs d’or…
A l’échelle cosmique, l’eau est plus rare que l’or.
Hubert Reeves, astrophysicien, écologiste

Encore une fois des scientifiques disent qu’il n’est pas trop tard, mais que des mesures sont urgentes pour préserver une qualité de vie « normale » dans les décennies à venir. Trop tard ou pas, je n’en sais rien, mais voyager aide à ouvrir les yeux : au milieu d’une nature paradisiaque, ce voyage m’alerte tellement sur la domestication à outrance de la nature… Un article en français d’un site suisse te fait ici l’historique des décisions et dérives…
Parfois tout de même, on fait marche arrière. Figure-toi qu’au bord du Grand Canyon, là où tout le monde se promène, se trouvait naguère une mine de cuivre exploitée pendant des décennies (à partir de 1893) jusqu’à ce qu’on découvre au début des années 1950 que les cailloux noirs qu’on jetait étaient d’une richesse folle en uranium ! De 1953 à 1969 on exploita cette mine principalement pour l’uranium, riche aussi en or, argent et encore en cuivre. L’exploitation s’interrompit non pas parce que les défenseurs de la nature gagnèrent mais parce que le prix de l’uranium s’est effondré. Il est absolument interdit d’aller s’y promener (… non merci !) mais on y passe vraiment près, on en fait le tour, ce n’est guère que de la taille d’une grande propriété. D’ailleurs sur ce site, pour accompagner la mine, un hôtel a failli voir le jour :

D’autres projets de mines d’uranium existent autour du Grand Canyon. Le site en serait définitivement défiguré.
Un autre projet actuel m’énerve beaucoup : la perspective de transporter les touristes peu sportifs en bas du Grand Canyon… en téléphérique. Dix mille personnes par jour pourraient faire l’aller-retour. Juteux, n’est-ce pas ? Catastrophique aussi : il y aurait un visitor center, des restaurants et hôtels… On n’imagine pas l’infrastructure que cela requiert en construction, eau, électricité et tout le reste. Le projet est annoncé au confluent du Colorado et du Petit Colodado.
Or cet endroit superbe est depuis des siècles un lieu hautement sacré pour les Navajos qui rejettent ce projet de toute leur force. Ceci se trouve au début du Grand Canyon, au nord-est. La confluence entre le Colorado et le Little Colorado est encore un havre de paix… pour combien de temps ?

Heureusement, cet endroit est en terre Navajo (avec un gouvernement, des institutions indépendantes) et ils ont leur mot à dire. Bref, tant de causes à devoir défendre même sur un endroit aussi exceptionnel, c’est décourageant… Theodore Roosevelt, on a besoin de vous !
La rive sud du Grand Canyon accueille la plupart des touristes (4,5 millions par an), c’est gigantesque avec de nombreuses infrastructures, mais finalement plutôt bien fait. J’imagine les Américains qui, au 19e siècle, ont pu s’installer là tranquillement, construire leur maison face au canyon… Certains étaient éblouis et passionnés, ce ne sont pas eux qui auraient voulu bousiller ce lieu ! Mais le coin n’a pas pu rester secret et d’autres ont eu des idées pour en tirer parti…
Evidemment le paysage grandiose du Grand Canyon inspire les quilteuses ! J’ai sélectionné ce quilt de Cathy Geier qui travaille avec des bandes de tissus :

Dans son livre datant de 2014 Cathy nous enseigne tout ce qu’il faut savoir pour réussir son propre tableau de bandes de tissus. Bien sûr c’est faisable avec des jelly rolls, en particulier ceux en tissus batiks ou faux-unis. Cathy nous présente aussi une dizaine d’artistes qui, comme elle, font des quilts de bandes, et donne leurs particularités. Je trouve cela très généreux de sa part et cela rend ce livre très complet. Douze tableaux y sont expliqués avec le plan de chacun en fin de livre (mais pas celui ci-dessus, réalisé après la parution du livre). S’y ajoutent quelques astuces d’embellissements et des appliqués en premier plan pour plusieurs des quilts. Si cette esthétique te séduit, c’est le bon livre pour s’y mettre !
Rêvons en admirant ces photos extraordinaires du Grand Canyon. En photo, ce n’est jamais aussi bien, désolée 😉
Le spectacle est impressionnant. Nous avons marché de nombreux kilomètres le long de la rive sud, le paysage est toujours différent. De certains endroits on aperçoit le fleuve tout au fond. Les géologues précisent que ce n’est pas le Colorado qui a creusé le Grand Canyon, mais que le fleuve a profité de cette faille pour passer là… et la creuser un peu plus.

Qu’ont pensé les premiers pionniers en découvrant ce site ? Se sont-ils découragés en voyant cette barrière naturelle si difficile à franchir ? Ou religieux avant tout, ont-ils remercié leur Dieu pour cette beauté de la nature ? Sans doute les deux !
Mardi prochain, nous réfléchirons ensemble à la signification de Thanksgiving, fête familiale, religieuse… ou pas !
Until Later,
Katell
Vertigineux voyage avec toi aujourd’hui ! Ton enthousiasme communicatif est un vrai bonheur. Mais tes craintes quand aux dégâts faits par l’homme sont hélas d’actualité, ici et ailleurs. C’est le bras de fer entre ceux qui en profitent et ceux qui malheureusement en pâtissent . Écologie …au secours !
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Moi qui croyais que le désastre des dégâts faits par l’homme n’était que récent parce qu’on a une idée de l’homme du passé vivant en symbiose avec la nature, je suis en train de lire un livre (Sapiens, une brève histoire de l’humanité) qui montre à quel point l’homo sapiens fut destructeur dès la préhistoire. D’ailleurs, les hommes seraient responsables de la disparition qu’on dit mystérieuse des chevaux sauvages en Amérique. Difficile à croire, mais le philosophe Yuval Harari semble bien renseigné…
Profite bien de la beauté intacte des Pyrénées Hélène ! Bises
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Je connais les problèmes du Colorado par les documentaires. Merci pour l historique. J’aime beaucoup te lire. Je suis curieuse de voir la technique des bandes pour paysage. Bonne journée Katell
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La technique des bandes est simple mais technique, avec plusieurs possibilités.
Quand on aime le résultat, il faut s’y mettre, c’est un beau défi !
Bonne journée à toi également !
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Merci pour ce superbe article, j’ai eu la chance de voir en vrai le grand Canyon et de le survoler. J’en garde un magnifique souvenir. J’espère que l’homme ne continuera pas à jouer aux apprentis sorciers pour que d’autres puissent apprécier cette nature magnifique. Belle semaine
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Toi qui l’as vu, tu comprends les dégâts que ferait un téléphérique !!!
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Merci pour cet article qui nous met en face de nos responsabilités. L’homme est le prédateur de l’homme. Commence t’on à s’en rendre compte ? On peut en douter quand on regarde partout dans le monde. La technique de Cathy, reconstituant ces merveilleux paysages, est venu nous amener un souffle de fraîcheur. Merci encore
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J’ai eu conscience en écrivant l’article de ne pas être très gaie, avec ces alertes. Mais en ayant vu le Grand Canyon, comme Theodore Roosevelt et tant d’autres on VEUT qu’il reste beau !!
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Hélas je ne connais pas les USA . Le livre de Cathy Geier est il diffusé en Europe?; un éditeur l’a t il traduit en français? merci Katell pour ce beau reportage qui nous fait voyager ; bises
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J’ai acheté le livre de Cathy Geier ici, livré très rapidement : https://www.amazon.fr/Lovely-Landscape-Quilts-Strings-Applique/dp/144023843X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1542097188&sr=8-1&keywords=cathy+geier
Cela m’étonnerait qu’il soit un jour publié, en revanche peut-être qu’un magazine prendra contact avec elle pour expliquer un de ses modèles en français ? Cela s’est peut-être déjà fait d’ailleurs.
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Merci beaucoup pour ce très beau reportage
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Oh, comme tu me donnes envie de faire ce voyage et de voir ces merveilles avant qu’elles ne disparaissent ! Mais comme ça ne se fera pas , merci à toi de nous permettre de rêver un peu.
Espérons que le hommes de notre génération écouteront Roosevelt…. Il y a urgence.
Je possède ce livre : très pédagogique.
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merci encore pour ce magnifique reportage, eh oui malheureusement l’homme est prédateur et égoiste
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This is a beautiful article on the magnificent Grand Canyon! Yes, we do need Theodore Roosevelt, perhaps now more than ever. Thankfully, the Grand Canyon is safe and will be preserved for many years to come, hopefully for all to see. It’s wonderful that you got to explore both rims! xo
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We enjoyed every minute hiking around the Grand Canyon! Preserving it is mandatory. Water is life, I am so sad when I hear the news from California: still burning, and so many lives taken or destroyed… Please stay safe at your place LeeAnn! XO
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En regardant tes photos, je suis prise de vertiges !
C’est magnifique et impressionnant.
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La photo de 1914 est impressionnante… Il n’avait pas le vertige !!
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c’est mon cours de géo avec les 5ème! cela les touche beaucoup!
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Même si c’est loin, cela nous concerne car partout la tentation est grande de tout faire pour du court terme. C’est le gros problème.
Bravo d’intéresser les jeunes à des thèmes si importants à mes yeux !
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