Chaque fin d’été surgit Amélie, qui sort de son chapeau une histoire excentrique, tantôt autobiographie au mentir-vrai, tantôt conte cruel pétillant… Elle subit bien des critiques acerbes, la Dame en Noir belge, mais chaque bébé de l’année, né sous le signe du Lion ou de la Vierge, voyage pourtant avec succès dans le monde entier.
On lit pour découvrir une vision du monde.
Amélie Nothomb, Les Combustibles
Je mentirais si je disais que j’ai lu tous ses livres, mais plus de la moitié sans doute. Les accroches éditoriales ne me parlent pas toujours. J’aime cependant le personnage volontiers déjanté, qui fait son show une fois par an.
Souvent chapeautée de noir, Amélie est la sorcière bien-aimée de la rentrée littéraire :



Je la soupçonne d’être bien plus normale le reste de l’année, assignée au bureau dès 4 heures pour accoucher des histoires qui lui viennent. Elle dit écrire 3 à 4 livres par an pour n’en choisir qu’un à éditer ; quels trésors ou quels secrets dans ses tiroirs ?
Cette année, j’ai facilement succombé au roman nothombien de cette rentrée, Le Livre des Sœurs. J’ai trois sœurs de sang et quelques sœurs de cœur, oh combien indispensables dans ma vie, alors j’ai lu ce livre et y ai trouvé tant de choses qui me parlent. Amélie conte des relations familiales parfois abominables, la logique implacable des enfants, les affres de l’anorexie. Elle évoque les regards qui parlent tant, les phrases qui tuent. Et la cruauté n’est-elle pas humaine, trop humaine ?
Amélie exprime fort bien un monde de l’enfance où il arrive que les parents jouent le second rôle, tant la fusion fraternelle est forte. L’aînée ici se donne une mission de protection inconditionnelle envers sa jeune sœur, avec un amour infini. Les mots des parents qui détruisent, la fraternité ou la sororité qui rendent plus forts, je connais ça par cœur, alors ce nouveau roman m’a touchée. C’est aussi une histoire avec des pneus pour ne pas décevoir les habitués*.
*Amélie Nothomb promet de glisser le mot pneu dans chacun de ses romans, clin d’œil complice à ses nombreux fans. Exercice de style, pratique de l’ironie… Dans cet opus, c’est un festival de pneus avec une quarantaine d’apparitions ! C’est peut-être la fin en fanfare – ou plutôt en rock ‘n roll – de cette fantaisie.
Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne.
Amélie Nothomb

Elle qui n’a jamais connu la maternité, sait pourtant merveilleusement bien nous replonger dans le monde de la petite enfance, celui que nous redécouvrons éblouis avec nos enfants ou petits-enfants, alors que ressurgissent tant de sensations et sentiments, enfouis bien profond dans notre mémoire…

Le Livre des Sœurs sera un succès d’édition assurément. Certains n’y voient qu’une maigre histoire au niveau de rédaction affligeant (quelques avis critiques sur Babelio, sur sites de vente, sur blogs…) mais la très singulière petite musique d’Amélie me touche au cœur. Chacun fonctionne avec son logiciel interne, tant les personnages que les lecteurs.
J’ai aussi sur ma table de nuit un livre paru en février 2019 que je viens de terminer : Ainsi philosophait Amélie Nothomb.
Marianne Chaillan, prof de philo rock ‘n roll, ose tuer Amélie, pour mieux la transporter au paradis. Je ne vous divulgue pas tout en disant qu’une dizaine de philosophes viendront plaider pour la dimension philosophique des romans d’Amélie… Jubilatoire ! Je reste conquise par Spinoza et, je l’avoue même si ce n’est pas moderne, par le stoïcisme. Et Nietzsche, évidemment.
Contrairement à l’idée selon laquelle la littérature est le refuge de ceux qui peinent à vivre dans le monde réel, seuls ceux qui parcourent les paysages que nous offrent les livres vivent pleinement.
Sénèque, évoqué par Plectrude
Qui osera nier la puissance de ses brefs récits ? Oui, les mots d’Amélie Nothomb sont de la nitroglycérine philosophique.
Déodat
Le désir, c’est l’élan vital lui-même, c’est la vie ! Voilà pourquoi les pierres sont dépourvues de faim : ce n’est pas du vivant. Avoir faim, c’est être vivant. C’est l’élan vital de son corps qui sauve Amélie de l’anorexie qui la tuait. […] . Le désir ou la faim, c’est ce qui fait qu’Amélie se lève tous les matins à 4 heures pour faire jaillir comme à son insu un flot ininterrompu de paroles. Sa créativité, c’est sa faim, c’est du désir. C’est de la vie.
Spinoza, à propos de Biographie de la faim
Les livres d’Amélie sont très puissants. Sous leur apparente simplicité se cache de la dynamite philosophique ! […]
Je soutiens que nous pensons le monde à partir du langage que nous employons pour le nommer. {…]
Le monde est un texte qui peut donner lieu à une infinité d’interprétations.
Nietzsche, à propos de Ni d’Eve ni d’AdamCes « citations » sont sous la responsabilité de Marianne Chaillan 😊
Si ces extraits vous semblent peu attractifs, c’est de ma faute, car ce conte est jubilatoire !

Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne… Une phrase d’Amélie qui restera.
Bonnes lectures… ou pas, c’est à vous de choisir !
Katell
La lumière est dans le livre, laissez-le rayonner.
Victor Hugo
merci pour ce bel article, je suis fan !
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Pourquoi ne suis-je pas étonnée de savoir que tu aimes cette romancière ?… Sa musique singulière te convient bien je crois. Merci pour ton appréciation et bonne rentrée !
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Je l ai récemment vu sur la 5, toujours aussi pétillante comme son champagne quotidien. Je n ai pas encore lu son livre, mais comme toi ,avec deux sœurs, je pense qu il va vite être sur la table de chevet
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C’est un personnage !! J’aime l’écouter quand elle nous confie un peu de son monde. Et une personne qui fait l’éloge du Champagne m’est sympathique 🥂🍾
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Merci pour cette table de nuit très inspirante!
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Deux livres qui se lisent bien à la suite…
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Merci pour ce chouette article. Comme toi, j’ai lu 50% des livres édités….
Le premier fut, »Mercure » (livre inscrit dans la liste des « obligés » lorsque mon fils était aux études. Il a adoré… et moi aussi)
j’ai pas du tout aimé « Les Combustibles » (trop déchirant pour moi)
J’ai adoré « Peplum » (J’y repense souvent … surtout pour le moment… quand le Monde va mal…)
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Ses romans sont originaux, et quelle carrière ! J’avais aimé ses débuts, j’étais fidèle, et puis j’ai laissé filer les livres et le temps… Pour ma part, très heureuse d’avoir repris contact avec cette œuvre cette année !
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MERCI MERCI et encore MERCI pour ce blog multi-facettes.
Ces pages littéraires s’ajoutent à un blog déjà passionnant.
J’ai lu également pas mal d’Amélie Notomb, pas les derniers… Au début, le personnage d’Amélie parfois un peu « barré » me rendait réticente , mais un ami me l’ayant conseillé, j’ai franchi le pas et je ne le regrette pas. Evasion garantie. Je suis tentée par le dernier
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Il faut écouter les bons conseils en effet !!
Bonne lecture Françoise !
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Merci pour cet amour des livres, Ils sont ma drogue, j’étais en 4° et la prof de Français nous avait donné comme sujet : commentez ces mots de Valéry Larbaud » ce vice impuni la lecture » c’est encore un de mes meilleurs souvenirs.
Et Amélie Nothom une vraie grande de l’écriture !
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J’ai un beau livre que j’aime : « Les femmes qui lisent sont dangereuses ». Mais ta prof avait bien de l’audace, pour proposer ce sujet en 4e ! Vive les bonnes profs !
Et oui, Amélie est une grande, son écriture moderne ne séduit pas toujours cependant. A chacun de trouver ses bonheurs de lecture 😊
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