Avec Cosabeth

Avec Cosabeth, c’est une belle histoire d’amitié depuis quelques années. C’était une personne que j’admirais éperdument sans la connaître, à qui je rêvais de ressembler quand j’avais 20 ans, comme une fan peut s’enticher d’une star. La connaître bien plus tard en vrai fut une grande émotion, et la confirmation que, lorsqu’on suit son cœur, on ne se trompe pas. Oui, Cosabeth mérite entièrement mon admiration !

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Voyage textile : dans le Tarn…

Un peu partout en France, je rencontre des quilteuses modestes et pourtant si créatives ! Il me tarde de reprendre la route pour faire encore et encore de belles rencontres… C’est à Lacaze que j’ai retrouvé des Can’canettes, d’un club de patchwork du nord de Castres (Tarn).

Il y a 30-40 ans, on ne concevait l’usage des unis que pour faire des quilts Amish ou séminoles. Seules quelques rares artistes, dans les années 80-90, osaient l’uni sans ces références. Et puis les quilts modernes sont arrivés et tout a changé, on ne se pose même plus la question ! Mais c’est justement par le Séminole que Claudine, une Can’canette, a commencé ses aventures en unis, il y a quelques années :

Seminole de Claudine Bize (81)

Quand on commence avec les unis, on ne s’arrête plus ! Leur couleur tranche bien plus de leur voisine, l’effet est visible de bien plus loin.

Claudine m’avait raconté son attachement à Frida Kahlo (elle aussi… notre muse à toutes ?) et j’ai été tout de suite intéressée quand elle m’a dit avoir fait un quilt en son hommage lors du premier confinement… Nous avons été nombreuses à avoir une fièvre du patch pendant ces 55 jours d’isolement, voici le résultat chez Claudine :

N’est-ce pas splendide ? Frida y su casa azul, par Claudine Bize, 2020.

Quand on achète quelques tissus pour un projet, parfois il nous en manque mais bien plus souvent, nous avons des restes, petites et grandes chutes… Alors vite, un quilt scrappy, avec d’autres restes unis et faux-unis !!

Il est très beau ! Certains quilts amish sont bien proches de celui-ci. Laissant parler son intuition et ses lectures, Claudine l’a appelé Tout n’est pas noir

À force de vouloir m’abriter en toi, j’ai perdu de vue que c’était toi, l’orage. Que c’est de toi que j’aurais dû vouloir m’abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages? Et tout ça n’est pas triste, mi amor, parce que rien n’est noir, absolument rien.
Claire Berest, Rien n’est noir

Vous pouvez retrouver divers articles que j’ai écrits sur Frida par ici comprenant des liens vers d’autres blogs comme ArtisAnne, qui ne se détache pas non plus de cette icône… Et souvenons-nous que cette artiste a souffert physiquement toute sa vie, mais elle n’a cessé de proclamer, jusque dans son dernier tableau : Viva la Vida !

Viva la Vida, Frida Kahlo, 1954

Un peu de musique ? Viva la Vida toujours, qui se souvient du titre de Michel Fugain, plein d’optimisme et de soleil avec ses accords brésiliens ou caraïbéens ?

Plus récent, un tout autre genre, Viva la Vida par Coldplay, dont la musique est sublime ! Le thème est plus énigmatique, mélangeant des impressions bibliques, de la chute de l’empire romain, des révolutions françaises, des guérillas dans leur ensemble… Ce mélange me fait penser au grand succès français Dans la Vallée de la Tribu de Dana, je n’y comprends pas tout, j’ai beaucoup d’images en tête et je suis happée par la musique (d’après une musique traditionnelle bretonne reprise par Alan Stivell) !

Mais pourquoi le tableau de Delacroix comme pochette de disque ?

La Liberté guidant le Peuple, par Eugène Delacroix, 1830, en commémoration de la Révolution de juillet, appelée aussi Les Trois Glorieuses (malgré 1 000 morts et 5 000 blessés) qui destitua Charles X .

Le choix de ce tableau s’est fait après de nombreux autres essais, celui-ci « fonctionnait » bien pour symboliser des révolutions en général, la chanson racontant la chute d’un roi et la victoire populaire. De plus, la belle énergie de Frida Kahlo qui inscrivit cette incantation sur sa dernière toile, n’est pas étrangère à ce choix graphique et au titre (Viva la vida n’est pas prononcée dans la chanson)…

Moi aussi pendant un des confinements, je me suis accrochée à la force de Frida… Un quilt bavard, complètement fou mais qui m’a fait du bien, faisant partie d’un thème en commun avec mes amies Abeilles, dont je vous parlerai prochainement !

Merci Claudine de m’avoir permis de publier ces quilts !
Avec toi, disons bien fort : Viva la Vida !
Portez-vous le mieux possible, avec espoir malgré tout,
Katell

PS : suite à quelques cafouillages techniques de ma part, il est possible que vous n’ayez pas reçu le dernier article dans sa version définitive : la voici ! Aussi, les dernières notifications d’articles sont arrivées dans les SPAMS de certains d’entre vous, j’en suis désolée : il faut alors cliquer « non-spam » et tout entrera dans l’ordre.

Betty à Naples

Régulièrement, je vous donne des nouvelles de mon amie Betty de Floride, cette historienne et quilteuse érudite qui protège de l’oubli le savoir-faire du Pine-Cone quilt dans le grand Sud-Est des Etats-Unis et en particulier en Floride.

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Le week-end dernier Betty se trouvait à Naples, non pas en Italie mais tout au sud de la Floride, au nord des Everglades (zone humide sub-tropicale du sud de la Floride). Ses pères fondateurs en 1880 trouvaient cet endroit  magnifique « surpassant la beauté de Naples en Italie » mais cet endroit ne commença à être prospère qu’avec l’arrivée -tardive, dans les années 1920- du chemin de fer et de la route est-ouest du sud de la péninsule, le Tamiami Trail (de Tampa jusqu’à Miami, en passant par Naples). Cette route est spectaculaire, on longe une nature encore sauvage, on y voit beaucoup d’animaux… par exemple, des alligators… Naples est aujourd’hui une superbe station balnéaire peuplée de retraités et de touristes. Bien sûr, on chérit l’histoire et, non loin du centre de la ville, le musée en plein air du Comté célébrait le week-end dernier le passé de cette région sous forme d’un grand festival de deux jours.

Cette maison, construite en 1926, était la première maison qu’on voyait quand on entrait dans la ville. Menacée de destruction, elle a été déplacée pour être conservée dans ce musée de plein air. Les murs sont de bois local, une sorte de pin, et les fondations étaient faites de sable de la plage et de coquilles d’huîtres pilées et brûlées. Lors de la reconstruction, cela a été fait un peu plus solidement !


Dans une des maisons historiques datant de 1928, Betty avait toute la place pour accueillir les visiteurs et montrer son savoir-faire :

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Ce nouveau quilt noir et blanc avec des touches de rouge est une idée de son mari. Il est presque fini !

Les nouvelles recherches de Betty sont sur les vêtements portés par les quilteuses dans la période 1890-1930. Vous avez déjà vu les robes incroyables portées par Miss Sue jusqu’au début du XXIe siècle ! Alors Betty va tenter de se faire des tenues aussi proches que possible de ces femmes qui ne jetaient rien, réutilisaient le moindre bout de tissu pour des résultats toujours uniques. Pour ce Festival, elle n’avait pas encore de matériel historique, elle s’est donc confectionné une robe à mi-chemin entre une de Miss Sue et une de Namibie. Sa tenue a été faite de chemises et jupes de l’Armée du Salut. La prochaine fois, elle espère en savoir plus sur les vêtements des femmes africano-américaines de la période 1890 à la veille de la Seconde Guerre Mondiale.

Betty a par ailleurs acheté le livre sur les yukatas car tout ce qui est textile ancien réutilisé la passionne. Et elle va suivre avec attention, m’a-t-elle confié, le résultat des robes de princesse pour Lacaze ! Ce projet lui plaît beaucoup car on va faire du neuf, et même du féerique, avec des bouts de tissus de récupération.

Naples est aussi sur le territoire des indiens Seminole, c’est l’occasion de rappeler leur histoire que j’avais écrite ici.

La vie a repris après le passage des ouragans, et la passion reprend ses droits !

Merci Betty pour ton amitié indéfectible, je t’embrasse,
Katell

 

 

 

Des quilts en Floride

Il est des périodes durant lesquelles tout est cadeau. Les si gentils commentaires accompagnant mes posts en font grandement partie, merci aux lecteurs d’ici et d’ailleurs ! Je suis aussi émue par le bel hasard qui vient de me faire gagner un quilt de Sujata, et soyez certains que vous entendrez parler ici des quilts faciles, et aussi des quilts non conventionnels au cours de l’année prochaine… Je viens également de recevoir des mails enchanteurs de Floride, comme un cadeau de Noël, et c’est ce que je vais partager avec vous en cette fin d’année.

Cela me touche infiniment d’entrer en contact avec des personnes très différentes de moi et de sentir une mutuelle bienveillance, une confiance entre nous. C’est ce qui vient de m’arriver grâce à l’intermédiaire de LeeAnn de Seattle, encore et toujours ma bonne étoile ! Mais avant de vous présenter Betty et son amie Miss Sue, des quilteuses bien sûr, passons un moment ensemble dans leur Etat, la Floride.

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De France, nous voyons la Floride au cinéma, à la TV : si vous êtes de ma génération, vous en connaissez Flipper le Dauphin, les Everglades et aussi Disneyworld, Cap Canaveral et la Nasa, les flics aux lunettes de soleil, les belles nanas, les fêtes… Un méli-mélo forcément réducteur !

Boys W/Dolphin In Scene From "Flipper"
Ces jeunes garçons débrouillards aidés par le dauphin Flipper sauvant des personnes en détresse me firent passer de belles heures devant la TV ! J’aimais bien quand les jeunes désobéissaient à leur père… pour la bonne cause ! Les balades en hydroglisseur dans les marécages des Everglades étaient impressionnantes. Je n’ai revu aucun épisode depuis les années 60, je serais peut-être déçue alors je garde mes beaux souvenirs intacts… Autres séries animalières de mon enfance : Daktari, Skippy le kangougou…

Socialement, cet Etat fait le grand écart entre les très riches et les très pauvres, les actifs et les très nombreux retraités en quête de soleil (comme une partie de la région PACA) et d’une fiscalité avantageuse, avec aussi de nombreuses communautés qui se côtoient tant bien que mal…
Cette péninsule, très vite occupée par les Espagnols (nous ne sommes pas loin de là où Christophe Colomb atterrit la première fois, sur l’île de Saint-Domingue/Haïti), continue d’être largement hispanophone avec, en particulier, une grande communauté cubaine.

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En tant que quilteuse, quand je pense à la Floride, je pense bandes seminoles ! Comme leur histoire est plutôt méconnue en France, permettez-moi de vous faire un peu mieux connaître les Creeks.

Le peuple Seminole est issu des tribus CREEKS, originaires du grand sud-est du territoire des actuels Etats-Unis. Après une série de guerres contre les militaires des Etats-Unis (dites « guerres Seminole », au cours desquelles ces Indiens montrèrent une grande bravoure), ils se séparèrent en plus petits groupes. Dans les Everglades, marécages du sud de la Floride où personne d’autre ne voulait vivre, certains se régugièrent mais ne se soumirent jamais au gouvernement US : ils se nomment eux-mêmes « le peuple jamais conquis ». Ils étaient composés principalement d’Indiens, mais aussi de Noirs ayant fui l’esclavage et de quelques Blancs rebelles.

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The Seminole : patchworkers of the Everglades, livre paru en 2000.

 Le mot « seminole », écrit pour la première fois dans un texte officiel en 1771, viendrait du mot espagnol cimarron, signifiant domestiqué revenu à l’état sauvage. Après la dernière guerre seminole en 1858, ils s’installèrent dans une vie familiale proche de la Nature, construisant des cabanes faites de bois de cyprès et de feuilles de palmes appelées chickees, faisant pousser du maïs, de la citrouille, des haricots, chassant les animaux sauvages. Pas de route dans leur pays, ils se déplaçaient en canoës, notamment pour aller vendre des peaux d’alligators et de serpents ainsi que des plumes d’oiseaux afin d’acquérir du sucre de canne, de la farine, des armes, du tissu de coton entre autres…

A chaque voyage pour faire commerce, ils rapportaient notamment du tissu de coton d’une seule couleur (ce qui était disponible ce jour-là). La fois d’après, c’était un autre bain de teinture, une autre plante utilisée… Les femmes conservaient le moindre petit morceau et décoraient les vêtements avec des petits bouts appliqués. C’est une société dans laquelle rien ne se jette ! Donc avant le patchwork de bandes, ces femmes faisaient de l’appliqué, toujours dans un esprit d’utilisation des restes avec l’idée d’embellir.

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Photo des années 1920 – Bibliothèque digitale des Everglades

 

A la fin du 19e siècle, d’après les archives de la célèbre marque SINGER, le marché de la machine à coudre était saturé dans la majeure partie des Etats-Unis (mais oui !!), et donc des vendeurs s’aventuraient vers l’extrême sud pour conquérir de nouveaux clients. C’est ainsi qu’un de leurs meilleurs vendeurs, James Willson, convainquit les Seminoles d’acheter des machines à coudre à manivelle – pas d’électricité dans les Everglades 😉 ! Grâce à ces machines, les femmes ajoutèrent des bandes décoratives sur tous leurs ouvrages, en particulier les vêtements. Très vite, elles devinrent expertes en coupe-couture-recoupe et inventèrent des techniques utilisées de nos jours en patchwork moderne. Ces femmes étaient souvent remarquées par leurs belles coiffures, leurs bijoux… Nul doute qu’elles étaient coquettes et voulaient porter les plus beaux patchworks possibles !

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La première particularité du patchwork seminole est d’être composé de bandes et non de blocs. En général, les tissus utilisés sont unis, contrastés et vifs, coupés en bandes, assemblés puis recoupés à 90°, 45° ou exceptionnellement d’autres angles, et enfin recousus après avoir été décalés et repositionnés. C’est un bon exercice pour les neurones ! Après quelques simples motifs, elles inventèrent d’innombrables dessins, la plupart remplis de symboles.

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Superbe jupe léguée au musée Ah-Tah-Thi-Ki. musée seminole. Couturière anonyme.

 Les bandes piécées sont ensuite très faciles à assembler en pile. Tout au long du 20e siècle, les Seminoles se vêtirent avec ces patchworks : il n’était pas rare, encore dans les années 60, de rencontrer des personnes vêtues en patchwork (des blouses masculines aux larges manches bouffantes, de longues jupes froncées pour les femmes) en plein centre de Miami ! A présent, cela devient plus folklorique et réservé aux lieux touristiques.

Quelques photos issues du State Library and Archives of Florida (archives nationales) :

Robert Billy and his family Deaconess Bedell posing with Miccosukee Indians at their camp Seminole Indians gathered under a chickee

Cette sorte de patchwork reste une grande fierté culturelle et un produit de qualité largement vendu aux touristes. Ces fiers Indiens continuent d’exister en Floride !

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Très beau top seminole d’Isabelle. Ici quelques imprimés se trouvent avec une majorité de tissus unis.

Le graphisme est très moderne pour nous occidentaux, alors que pour les Indiens ce sont des dessins déjà dans leur univers comme sur des poteries, en tissage de fils, de branches ou de perles. N’oublions pas que ce que nous appelons modernisme commença par la reconnaissance des qualités artistiques d’objets « venus d’ailleurs »… Des impressionnistes admiraient l’épure des estampes japonaises, Picasso secoua la vision esthétique avec les Demoiselles d’Avignon, première oeuvre cubiste, aux femmes ayant des visages inspirés de masques africains…

En complément sur les techniques de bandes seminoles, vous pouvez lire l’article de Denyse Saint-Arroman ici.  Elle a aussi fait un livre très précis en français sur l’art du patchwork seminole, la contacter sur son blog si vous souhaitez l’acquérir.

Les bandes faites en technique seminole sont très utiles pour faire des bordures, mais aussi des quilts entiers qui peuvent s’éloigner visuellement du monde des Indiens :

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Extraordinaire utilisation de bandes seminoles par Bartonbaker (photo Pinterest)

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Brenda Gael Smith, quilteuse australienne de grand talent faisant partie du groupe international Twelve by Twelve, a repris l’esprit du patch seminole tout en se référant ici à l’art aborigène et à la puissance des rêves… Superbe réalisation ! (Photo Pinterest)

 Et pour finir, dans un magazine 100 Idées de ma jeunesse, Cosabeth Parriaud avait fait un superbe quilt en technique seminole. Il fut repris par une quilteuse de Haute-Garonne :

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Un vrai sampler de techniques seminoles exposé à Cazères (31) ! Une Centidéaliste retrouvera peut-être ce modèle des années 80 !

Inspiration sans frontière…

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Nous partirons donc en Floride la semaine prochaine à la rencontre de Betty Smith et Miss Sue !  Dépaysement garanti 🙂

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Mise à jour
En complément de cet article, Odile vient de me transmettre ces liens très intéressants sur la présence des machines à coudre chez les Seminoles :

– un texte en anglais, avec de belles références photographiques, sur l’expansion des machines Singer au XIXe siècle : http://www.singermemories.com/cast-characters-singer-salesmen/ (le même lien que dans le texte ci-dessus)

– des photos de Seminoles du passé et du présent, utilisant une machine à coudre :
https://www.floridamemory.com/items/show/63761
https://www.floridamemory.com/items/show/255944
https://www.floridamemory.com/items/show/119555
https://www.floridamemory.com/items/show/123972

Odile, mille mercis !