Les quilteuses ont souvent une certaine connaissance du mouvement religieux Amish grâce à l’esthétique particulière de leurs quilts, souvent reconnaissables au premier coup d’œil, probablement inspirés des quilts gallois.
Ces familles d’origine européenne ont codifié leur manière de vivre à l’écart de la société occidentale avec leur propre langue, leur système d’éducation, leur codes vestimentaires, leurs croyances… Pour bien plus de renseignements, vous pouvez lire par exemple les livres de Jacques Légeret (en français).
Bien moins connus du grand public français, les Quakers sont faussement assimilés à une célèbre marque de flocons d’avoine ! Ce sont à l’origine deux fermiers de l’Ohio (même pas quakers!) qui décidèrent de vendre leur meilleure avoine en petits paquets au lieu de grands barils. Comme ils prônaient la haute qualité de leurs céréales, leur honnêteté et leur rigueur dans leur travail, ils choisirent le mot « quaker » pour véhiculer toutes ces valeurs.
Les Quakers attirent mon attention depuis que j’ai lu le livre de Tracy Chevalier « The Last Runaway » (dont la traduction, « La dernière Fugitive », paraîtra le 17 octobre). Si les Quakers américains sont généralement, tout comme les Amish, descendants d’émigrants européens souhaitant vivre leur religion sans entrave, ils sont, eux, pleinement intégrés et acteurs dans la vie sociale et économique de leur pays. Ici vous trouverez un article très intéressant de Sébastien Fath, chercheur au CNRS, sur les Quakers.
En effet, les Quakers sont réputés pour leur honnêteté, leur simplicité vestimentaire, leur égalitarisme et surtout leur idéologie pacifiste. Toutes ces caractéristiques mènent les Quakers à être souvent très actifs au niveau social et à créer de grandes ONG (voir un article ici).
Un exemple remarquable de ces activités humanitaires avant la lettre est la vie d’Elizabeth Fry. Née en 1780 dans une famille quaker britannique aisée, mariée à un non moins riche Quaker, cette femme aux onze enfants aurait pu rester confinée dans la vie confortable mais tristounette que lui réservait son niveau social à l’époque pré-victorienne. Mais ses convictions religieuses la mènent à s’occuper très tôt des pauvres, des malades, des prisonniers. Elle réussira notamment à améliorer les conditions de (sur)vie des femmes et de leurs enfants détenus et ouvrira la voie vers l’éveil des femmes, notamment les Suffragettes.
Hormis la Reine, rares sont les femmes à avoir l’honneur d’être sur un billet de banque anglais. Elizabeth Fry sera progressivement remplacée par une autre anglaise, Jane Austen, à partir de 2017.
Un exemple parmi d’autres, ses idées de dons pour la protection des prisonnières anglaises envoyées en Australie. Savez-vous que des milliers de détenus furent déportés vers ce nouveau continent pour désengorger les prisons londoniennes… et peupler ces terres du bout du monde ? Beaucoup d’hommes, bien moins de femmes. Il en fallait quand même… Alors des femmes de tous âges, souvent inculpées pour de petits larcins, étaient déportées et enduraient d’extrêmes conditions de vie qui les menaient souvent à la prostitution, pour leur propre survie. Elizabeth Fry, avec son association « The Quaker Group », faisait distribuer aux malheureuses exilées en partance forcée tout le matériel pour fabriquer un quilt pendant leur long voyage : des aiguilles, du fil, des tissus, des ciseaux… Elles avaient ainsi une occupation dévoreuse de temps et, à leur arrivée, un bien à vendre (leur propre quilt) pour partir sur de meilleures bases. Il reste peu de témoignages de ces quilts faits entre l’Angleterre et ses colonies, hormis un ouvrage connu sous le nom de Rajah Quilt.
Un beau voilier commercial baptisé le Rajah fit un seul voyage d’Angleterre vers la Terre de Van Diemen (devenue par la suite Tasmanie, île faisant partie de l’Australie actuelle) en 1841 en tant que transporteur de prisonniers, 180 femmes en l’occurrence (avec 10 enfants), dont la liste est connue. Parmi toutes ces femmes, vingt à trente d’entre elles firent un quilt en commun dans la pure tradition britannique d’alors avec un médaillon central, du patchwork, des applications, de la broderie perse (applications de chintz), diverses broderies parmi lesquelles un médaillon brodé pour la postérité :
Fine broderie au fil de soie qui se trouve sur la dernière bordure du quilt.
La traversée dura 15 semaines et à l’arrivée le quilt fut offert à la femme du gouverneur local qui admira la qualité du travail. Puis c’est le trou noir ; le quilt a mystérieusement été redécouvert dans un grenier en Ecosse en 1987 et acquis par la National Gallery of Australia dès 1989.
C’est un immense ouvrage (325 sur 337 cm) et on constate par la différence des points que des femmes très expérimentées tout comme des néophytes ont participé à sa réalisation. Kezia Hayer, qui s’occupait déjà en Angleterre des femmes incarcérées, fut mandatée par Elizabeth Fry pour superviser à bord les conditions de vie des prisonnières et les aider à créer un quilt en commun… La belle histoire est que Kezia épousera 2 ans plus tard le capitaine du Rajah, Charles Ferguson ! Ils eurent 7 enfants, tous nés en Australie.
Le capitaine Charles Ferguson et Frezia Hayter se marièrent à Hobart, alors encore colonie pénitentiaire, qui est aujourd’hui la ville la plus peuplée de Tasmanie.
Voici donc le Rajah Quilt dans toute sa splendeur :
Pour les Anglophones, vous pouvez trouver plus de renseignements ici (texte de la National Gallery of Australia)
J’aime également un blog tenu par une généalogiste amateur, quilteuse de surcroît, fière de son arrière-arrière-arrière grand-mère (7e génération) qui était à bord du Rajah. Elle se plaît à croire que son aïeule participa à ce quilt-témoignage. Voici le lien vers ce blog :
http://www.rajahsgranddaughter.blogspot.com.au/
En 2010, ce quilt a été exposé au Victoria & Albert Museum de Londres et a suscité une grande émotion, ranimant des pans de l’histoire anglaise et australienne. Le Rajah quilt est devenu un symbole pour ces deux pays, témoignage à la fois de cette immigration contrainte, des belles actions des Quakers et tout particulièrement Elizabeth Fry.
Voici la couverture du livre reprenant une exposition majeure qui a eu lieu en 2010 à Londres. A cette occasion, le Rajah Quilt refit le long voyage qui le vit naître…
(Merci à Odile qui a suscité ma curiosité au sujet du Rajah Quilt !)
La Ruche des Quilteuses 
merci pour ce très bel article et cette histoire;
Mary
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Merci pour ce beau reportage.
Bon dimanche.
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Quelle pièce magnifique que ce Rajah Quilt et merci aussi pour ce pan de l’histoire que, si on a connu, en tout cas on a oublié. Les Quakers je ne connais pas vraiment. Je sens que ma curiosité est éveillée.
Bon dimanche
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Quel article époustouflant! tu maintiens notre curiosité jusqu’aux derniers mots ;o)
Je ressors pour l’occasion le livre de l’expo de Londres qui m’a été offert par ma belle-fille.
Je vais maintenant suivre tous tes liens pour plus de détails.
Merci à toi pour ce bel exposé!
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Merci pour cet article, très intéressant comme toujours :-), et émouvant.
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Merci Katell pour tes explications concernant les quakers. Pour moi ce n’était pas très clair. Ainsi j’ai compris leur engagement dans la vie de leur communauté.
Oui, beaucoup d’émotion à la lecture de cet article toujours aussi passionnant !
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Merci beaucoup et merci de nous donner l’envie de voir encore plus loin dans vos récits
Bonne journée Violette
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Un grand merci pour cet article très documenté. J’attends avec impatience la sortie du livre de Tracy Chevalier. J’ai lu ses autres ouvrages et c’est toujours un plaisir. Bon dimanche.
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Merci pour ce bel article ! Je connaissais déjà l’histoire de Rajat quilt et j’avais cru comprendre que l’on distribuait fils et tissus aux prisonnières pour les occuper pendant la traversée et surtout pour limiter les risques de révolte
Peu importe ; ce quilt est magnifique en particulier pour l’histoire qu’il raconte !
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Super reportage, j’aime l’idée d’associer un quilt à une Histoire….c’est tellement enrichissant.
Super toutes ces références que tu donnes, je raffole de ça !
Bises et merci Lô
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On ne se doute pas de l’immense histoire de ces peuples immigrants et de l’héritage qu’ils nous ont laissé… L’histoire du Rajah est plus qu’emouvante…peut-être une source d’inspiration pour Brouage en 2015 ? Merci Katell pour ce bel article historique et bon dimanche !
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Les quilts fameux, quand on connait leur histoire, merci Katell ! renseignent admirablement sur la condition des femmes (et des hommes !) du XIXe siècle..
La France aussi a ainsi peuplé ses colonies …sans quilts historiques !
.Vraiment pas de quoi idéaliser le passé !
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Il faut aussi aller voir le site de « roses from the heart »
J’ai fait pour eux dix bonnets en souvenir des toutes ces 25 000 et quelques femmes déportées
Voici le lien
Merci encore
Christina Henri
cjhenri@gmail.com
Dr Christina Henri
honorary Artist in Residence
Cascades Female Factory Historic Site
16 Degraves Street
South Hobart, Tasmania 7004
http://rosesfromtheheart.tumblr.com/
http://www.christinahenri.com.au
http://www.facebook.com/ChristinaHenriRosesFromTheHeart
(
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Quel beau quilt et quelle histoire émouvante. Merci Katell pour cet article très intéressant comme toujours, je vais aller voir les liens que tu nous donnes. J’attends avec impatience la parution de la dernière fugitive
Amicalement
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merci pour cette émouvante histoire, j’espere ne pas oublier la date de parution du livre car tu m’as donné envie de le lire, bises et bonne soirée
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Merci pour cette aventure
Quel plaisir de vous lire et connaître toutes ces femmes qui ont construit des pays
A bientôt pour une nouvelle aventure
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Merci pour cet article super intéressant et passionnant. Belle journée
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Merci pour cet article passionnant comme tous les autres d’ailleurs : il faudrait que vous les regroupiez tous dans un livre !
Merci de nous faire partager toutes ces connaissances !
Pascale31
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Merci pour cet article très intéressant comme tous vos articles. Les liens historiques entre histoire et quilts sont passionnants et nous rattachent à une communauté émouvante….
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A propos des femmes déportées et utilisées pour peupler les colonies, on peut se référer au très beau livre d’André Brink « Au-delà du silence ». Roman qui parle de la déportation de milliers femmes allemandes en Afrique du Sud et surtout du destin de l’une d’entre elle qui se libèra de cet esclavage. Une histoire qui ne parle pas de quilt mais ton article Katell me fait penser à ce très beau roman que j’ai lu il y a quelque temps déjà.
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Ayant vécu en Australie , j’ai pu visiter certains lieux ou furent détenus les gens envoyés down under . le site de Hobbart m’a fait frémir et je suis toujours émue en y pensant.lL’ancien pénitencier se visite, et ,voir les chaînes …et entendre que les prisonniers travaillaient dans des conditions inhumaines . J’ai pu admirer aussi lors de petites expositions des quilts faits à cette époque avec le peu qu’il y avait . je reste très admirative du courage de ces femmes . merci pour cet article
michele
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Merci pour ce précieux témoignage Michèle.
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je découvre le site des quilteuses forever! votre double travail de recherche et de réalisation ; je suis profondément heureuse que ces femmes qui ont fait l’Australie et dans des conditions impensables de nos jours, soient ne soient pas oubliées. Les quakers s’appellent la Société des Amis, le mot quaker a été utilisé par dérision par les anglais, car dans leur méditation ( il n’y pas pas d’église, pas de pasteur, pas de prières) qui les élèvent au-delà d’eux mêmes, il ont des transes.
Si vous allez à Londres et y êtes un mercredi vers 13h, allez faire un tour et méditez une petite heure avec eux. Vous sortirez apaisés des bousculades citadines et réchauffés par une tasse de thé dans un entourage très ouvert et amical. Philadelphie fut créée par le fondateur de ce mouvement fin 17ème siècle ( mais j’ai oublié son nom-vous trouverez le livre au centre quaker de Soho, pas loin de la National Gallery), je sais y aller mais j’ai oublié l’adresse mais pour faire » branchée », j’ajouterai qu’il se trouve presque en face d’un Starbucks!!!
merci encore
Annpôl
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Merci infiniment pour toutes ces précisions, vous semblez passionnée et impliquée, ce que j’apprécie…
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