Changer d’altitude

Marre de tout ? Marre des attentats, des hooligans, de toute l’actualité ?

Pour cet été je me prépare des pauses bénéfiques : commencer un quilt, rencontrer mes (vrais) amis, continuer mon quilt, voyager, terminer mon quilt, et lire, lire… Pour les voyages et les amis, je n’en dirai pas plus, pour le quilt, ce sera le QAL, pour la lecture… eh bien j’ai déjà commencé mon programme-détente-évasion ! Quilteuse forever, mais aussi lectrice forever, que ferais-je sans mes yeux ?

Voici mes dernières lectures, quelles sont les vôtres ?

jane-eyreDécouvrir un classique de la littérature en alternance avec des livres contemporains, cela fait un bien fou ! Je lis en ce moment Jane Eyre de Charlotte Brontë, roman aux larges plages autobiographiques, cheminement d’une femme intelligente et moderne au cœur de l’époque victorienne du XIXe siècle. Les grands sentiments font du bien ! C’est Tracy Chevalier qui m’a directement incitée à lire ce roman, afin d’apprécier ensuite la compilation de nouvelles écrites par 20 romancières autour de ce roman (à l’initiative de Tracy Chevalier) Reader, I married him. 

91hUe1Jt8BLJe viens de terminer le roman de la vie d’une autre femme : l’Arracheuse de dents, de F-O Giesbert. Quelle réjouissante femme que Lucile, si peu recommandable à ses heures, qui « balance » sur tant d’hommes connus et parfois adulés, femme avant tout libre et amoureuse ! L’auteur prétexte la longue vie de son héroïne (99 ans) pour donner sa vision de la Révolution française au massacre des Indiens en passant par la guerre civile américaine… Le roman est écrit avec facétie, avec humour, avec parti-pris. J’y ai retrouvé les Quakers, la Société des Amis déjà rencontrée dans la Dernière Fugitive de Tracy Chevalier (tiens !), adeptes d’une religion restant dans la sphère privée, d’une vie simple, active, égalitaire (entre hommes et femmes… déjà au 18e siècle) et engagée pour un monde pacifique…

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Joan Baez : tous les engagements, toutes les luttes de sa vie sont en accord avec son appartenance à la Société des Amis.

Lire un livre qui redonne quelque peu confiance dans l’avenir quand tout est si noir, c’est l’effet que m’a fait Changer d’altitude de Bertrand Piccard. Fils et petit-fils de pionniers de l’aventure humaine et technologique, il continue dans la lancée de l’impossible réalisé.

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Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait, disait Mark Twain. Pour les Piccard, c’est plutôt : on leur disait que c’était impossible, alors ils l’ont fait.

Il est bizarre, Piccard, son livre est touche-à-tout mais éminemment cohérent. Par son éducation et le modèle des siens, par sa profession (psychiatre), il  est touché par le génie de savoir penser autrement. Pour notre avenir, il a la vision d’un monde protégeant l’humanité par de bonnes décisions à long terme en matière d’économie, d’écologie, de politique. Les schémas du XXe siècle sont obsolètes et il faut inventer notre avenir. Il s’y emploie en démontrant que, contrairement à toute attente, on peut faire le tour du monde en avion utilisant pour tout carburant l’énergie solaire…

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Ces livres aux inspirations disparates sont autant de portes ouvertes pour élargir nos champs des possibles, en connaissant mieux le passé on se prépare mieux à l’avenir… 

Un peu de patchwork pour terminer ! Tournons-nous vers l’Etoile de l’Ohio, appelée aussi l’Etoile de l’Espoir, avec cette variante assez peu connue de l’Etoile partagée (Split Ohio Star). En jouant avec des blocs de ce modèle, on peut les agencer avec autant de variantes que les log cabin !

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Photo du blog d’Ann Marie, A.M. Sewing. A voir dans son contexte ici !

Un petit tour dans le Kent ?

Même si une partie de la Grande-Bretagne souffre encore d’intempéries dramatiques comme sur notre côte ouest française, il est permis de croire que c’est le dernier assaut de l’année… Et enfin, on va pouvoir dire : après la pluie, le beau temps !rainbow

A l’ouest, Valériane Leblond reste inspirée par les temps changeants…

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Londres, par Denimu

Du côté de Londres, l’Américaine Tracy Chevalier reste en relation proche avec le monde des quilts. Dans cette interview que m’a très gentiment signalée une lectrice, l’écrivain parle de son habitude de s’immerger dans le monde de ses personnages et que cela l’enrichit toujours. Ainsi, elle continue à quilter pour le plaisir de la détente que cela lui procure et décrit bien également les bienfaits des réunions d’Abeilles : »C’est relaxant. Quand je travaille avec des copines quilteuses nous parlons de nos vies et de ce qui se passe dans le monde. Parfois nous restons juste assises à coudre ensemble en silence, cela dépend de notre état d’esprit du moment ».

Dans le Kent (sud-est de la Grande-Bretagne) se trouve un château, Danson House, dans lequel ouvre le mois prochain une exposition sous l’égide de Tracy Chevalier. Ma romancière préférée attise la curiosité avec ce thème : « Things we Do in Bed », les choses que nous faisons au lit… Larges perspectives ! Mais il s’agit justement d’une exposition de quilts, sous lesquels nous dormons et passons un tiers de notre vie… 

Danson House, du 1er avril au 31 octobre 2014
Danson Park, Bexleyheath, Kent DA6 8HL (au sud-est de Londres)

Et Tracy Chevalier assurera une conférence le 2 avril sur les raisons de cette exposition. Gageons qu’un des quilts dont elle parlera le plus sera celui-ci :FCW-whole-quilt-2

Ce quilt est le résultat d’une commande de l’auteur. Une association (Fine Cell Work) enseigne les travaux d’aiguille auprès de détenus et les vend à des fins caritatives ; avec elle, Tracy Chevalier a demandé la création de carrés dans lesquels les prisonniers expriment leurs relations avec le sommeil. Expression de leurs angoisses, leurs insomnies, leur culpabilité, leurs espoirs, ce quilt, résultat de cette requête, est poignant. Vous pouvez lire le reportage de Tracy Chevalier sur son site officiel (mars 2014). Même si vous ne lisez pas l’anglais, vous verrez des détails photographiés de cet ouvrage.

Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec ce que d’autres femmes Quakers firent au XIXe siècle… Tracy Chevalier, amie des valeurs Quaker, assure la perennité de cette aide aux plus rejetés…

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Grâce aux Quakers, le Rajah Quilt

526_amish_quiltLes quilteuses ont souvent une certaine connaissance du mouvement religieux Amish grâce à l’esthétique particulière de leurs quilts, souvent reconnaissables au premier coup d’œil, probablement inspirés des quilts gallois.

Ces familles d’origine européenne ont codifié leur manière de vivre à l’écart de la société occidentale avec leur propre langue, leur système d’éducation, leur codes vestimentaires, leurs croyances… Pour bien plus de renseignements, vous pouvez lire par exemple les livres de Jacques Légeret (en français).  

quaker oatsBien moins connus du grand public français, les Quakers sont faussement assimilés à une célèbre marque de flocons d’avoine !  Ce sont à l’origine deux fermiers de l’Ohio (même pas quakers!) qui décidèrent de vendre leur meilleure avoine en petits paquets au lieu de grands barils. Comme ils prônaient la haute qualité de leurs céréales, leur honnêteté et leur rigueur dans leur travail, ils choisirent le mot « quaker » pour véhiculer toutes ces valeurs.

la dernière fugitiveLes Quakers attirent mon attention depuis que j’ai lu le livre de Tracy Chevalier « The Last Runaway » (dont la traduction, « La dernière Fugitive », paraîtra le 17 octobre). Si les Quakers américains sont généralement, tout comme les Amish, descendants d’émigrants européens souhaitant vivre leur religion sans entrave, ils sont, eux, pleinement intégrés et acteurs dans la vie sociale et économique de leur pays. Ici vous trouverez un article très intéressant de Sébastien Fath, chercheur au CNRS, sur les Quakers.

En effet, les Quakers sont réputés pour leur honnêteté, leur simplicité vestimentaire, leur égalitarisme et surtout leur idéologie pacifiste. Toutes ces caractéristiques mènent les Quakers à être souvent très actifs au niveau social et à créer de grandes ONG (voir un article ici). 

220px-Elizabeth_Fry_by_Charles_Robert_LeslieUn exemple remarquable de ces activités humanitaires avant la lettre est la vie d’Elizabeth Fry. Née en 1780 dans une famille quaker britannique aisée, mariée à un non moins riche Quaker, cette femme aux onze enfants aurait pu rester confinée dans la vie confortable mais tristounette que lui réservait son niveau social à l’époque pré-victorienne. Mais ses convictions religieuses la mènent à s’occuper très tôt des pauvres, des malades, des prisonniers. Elle réussira notamment à améliorer les conditions de (sur)vie des femmes et de leurs enfants détenus et ouvrira la voie vers l’éveil des femmes, notamment les Suffragettes.

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Hormis la Reine, rares sont les femmes à avoir l’honneur d’être sur un billet de banque anglais. Elizabeth Fry sera progressivement remplacée par une autre anglaise, Jane Austen, à partir de 2017.

Un exemple parmi d’autres, ses idées de dons pour la protection des prisonnières anglaises envoyées en Australie. Savez-vous que des milliers de détenus furent déportés vers ce nouveau continent pour désengorger les prisons londoniennes… et peupler ces terres du bout du monde ? Beaucoup d’hommes, bien moins de femmes. Il en fallait quand même… Alors des femmes de tous âges, souvent inculpées pour de petits larcins, étaient déportées et enduraient d’extrêmes conditions de vie qui les menaient souvent à la prostitution, pour leur propre survie. Elizabeth Fry, avec son association « The Quaker Group », faisait distribuer aux malheureuses exilées en partance forcée tout le matériel pour fabriquer un quilt pendant leur long voyage : des aiguilles, du fil, des tissus, des ciseaux… Elles avaient ainsi une occupation dévoreuse de temps et, à leur arrivée, un bien à vendre (leur propre quilt) pour partir sur de meilleures bases. Il reste peu de témoignages de ces quilts faits entre l’Angleterre et  ses colonies, hormis un ouvrage connu sous le nom de Rajah Quilt.

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Un beau voilier commercial baptisé le Rajah fit un seul voyage d’Angleterre vers la Terre de Van Diemen (devenue par la suite Tasmanie, île faisant partie de l’Australie actuelle) en 1841 en tant que transporteur de prisonniers, 180 femmes en l’occurrence (avec 10 enfants), dont la liste est connue. Parmi toutes ces femmes, vingt à trente d’entre elles firent un quilt en commun dans la pure tradition britannique d’alors avec un médaillon central, du patchwork, des applications, de la broderie perse (applications de chintz), diverses broderies parmi lesquelles un médaillon brodé pour la postérité :

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Fine broderie au fil de soie qui se trouve sur la dernière bordure du quilt.

La traversée dura 15 semaines et à l’arrivée le quilt fut offert à la femme du gouverneur local qui admira la qualité du travail. Puis c’est le trou noir ; le quilt a mystérieusement été redécouvert dans un grenier en Ecosse en  1987 et acquis par la National Gallery of Australia dès 1989.
C’est un immense ouvrage (325 sur 337 cm) et on constate par la différence des points que des femmes très expérimentées tout comme des néophytes ont participé à sa réalisation. Kezia Hayer, qui s’occupait déjà en Angleterre des femmes incarcérées, fut mandatée par Elizabeth Fry pour superviser à bord les conditions de vie des prisonnières et les aider à créer un quilt en commun… La belle histoire est que Kezia épousera 2 ans plus tard le capitaine du Rajah, Charles Ferguson ! Ils eurent 7 enfants, tous nés en Australie.

Charles Kezia

Le capitaine Charles Ferguson et Frezia Hayter se marièrent à Hobart, alors encore colonie pénitentiaire, qui est aujourd’hui la ville la plus peuplée de Tasmanie.

Voici donc le Rajah Quilt dans toute sa splendeur :

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Pour les Anglophones, vous pouvez trouver plus de renseignements ici (texte de la National Gallery of Australia)

J’aime également un blog tenu par une généalogiste amateur, quilteuse de surcroît, fière de son arrière-arrière-arrière grand-mère (7e génération) qui était à bord du Rajah. Elle se plaît à croire que son aïeule participa à ce quilt-témoignage. Voici le lien vers ce blog :
http://www.rajahsgranddaughter.blogspot.com.au/

En 2010, ce quilt a été exposé au Victoria & Albert Museum de Londres et a suscité une grande émotion, ranimant des pans de l’histoire anglaise et australienne. Le Rajah quilt est devenu un symbole pour ces deux pays, témoignage à la fois de cette immigration contrainte, des belles actions des Quakers et tout particulièrement Elizabeth Fry.

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Voici la couverture du livre reprenant une exposition majeure qui a eu lieu en 2010 à Londres. A cette occasion, le Rajah Quilt refit le long voyage qui le vit naître…

(Merci à Odile qui a suscité ma curiosité au sujet du Rajah Quilt !)

En silence (2)

Les couvertures de livres sont incroyablement importantes. Cette rentrée littéraire, on nous propose d’un coup 555 parutions… Alors on se fie aux noms des auteurs, aux critiques ou aux titres, mais l’attraction de l’illustration de couverture joue aussi un immense rôle. Elle devrait donner la tonalité du livre… Pas si facile peut-être ! Parfois, l’image est complètement « à côté de la plaque »… Dans une interview, Tracy Chevalier explique qu’elle ne maîtrise absolument pas le choix des couvertures de ses livres et qu’elle est même parfois en colère contre l’éditeur !! 

Dans le post d’hier, silencieux contrairement à mon habitude ;-), j’ai mis à la suite les couvertures de diverses éditions du dernier livre de Tracy Chevalier : cartonnée, brochée, des US, de GB, d’Italie, d’Allemagne -à paraître- et enfin la future couverture de France. Ma préférée ? La pleine lune peut-être!* Mais j’adore le beau bleu de tous les livres français de la Table Ronde… tout en regrettant d’avoir abîmé la plupart des bandeaux illustrés.

Si tout va bien, vous pourrez lire ce livre à partir du 17 octobre :

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Dès sa sortie aux US en janvier dernier, j’ai eu une envie folle de lire ce livre car Tracy Chevalier est ma romancière préférée depuis des années… et je savais, cerise sur le gâteau, que dans celui-ci on y parle de patchwork ! A travers les yeux d’une jeune Anglaise arrivant dans ce Nouveau Monde en formation, on découvre les affres de l’éloignement, la vie rustique en Ohio au milieu du XIXe siècle, la terrible question de l’esclavage qui mènera à la guerre civile, la vie singulière des Quakers dirigée par leur spiritualité…

Le silence est aussi un thème important du livre. Il peut être signe de recueillement, de soumission mais aussi de protestation…

Chez les Quakers, c’est en silence que se passent les réunions religieuses, chacun médite individuellement, entouré de la communauté, à l’écoute de sa voie (ou voix) intérieure, à la recherche de la Lumière qu’on peut aussi appeler Dieu.

C’est aussi le silence qui entoure le dilemme entre l’anti-esclavagisme des Quakers et le respect de la loi touchant les fugitifs des plantations sudistes…

Que dire aussi de la valeur du silence de la quilteuse ? Tracy Chevalier a cousu un quilt à la main pendant qu’elle écrivait ce roman. Elle a ainsi pu s’imprégner des sensations de la femme du XIXe siècle, pour qui le patchwork était la seule occasion d’exprimer sa créativité.

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Illustration du site de Tracy Chevalier (http://www.tchevalier.com/) : cette jeune femme est telle que l’auteur imagine son héroïne. On parle également beaucoup de bonnets et de chapeaux dans ce livre, c’étaient des parures indispensables pour les femmes jusqu’au XXe siècle.

L’héroïne du livre parle peu, alors on se sent parfois dérouté comme pour le déroulement du mariage chez les Quakers... mais même silencieuse, Honor Bright entrera forcément dans votre cœur. En silence ou presque elle subira, sortie d’un cocon familial douillet, la rudesse du climat, des gens, des lois. C’est un superbe portrait de femme que nous offre Tracy Chevalier, de ces femmes qui ont fait l’Amérique. Je vous souhaite beaucoup de plaisir dans la découverte de cette histoire si bien écrite !

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Tracy Chevalier lors d’une conférence sur son dernier livre : l’auditoire est probablement composé de nombreuses lectrices-quilteuses !

Pourquoi pas en film ?

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Scène du film « The Girl with a Pearl Earring » (2003)

Son livre La Jeune Fille à la Perle (1999 – 2000 en français), un vrai chef-d’oeuvre à mes yeux, fut remarquablement mis en images avec, en rôles principaux, Scarlett Johansson et Colin Firth (en photo). Son avant-dernier roman, Remarkable Creatures (2009), ferait un superbe film également (depuis sa lecture j’y repense toujours à la vue d’une falaise !) mais que dire d’un film de The Last Runaway, sinon qu’il pourrait rester autant dans les mémoires que le fameux « Witness » ?

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* Vous pouvez voir ici l’amusante pub dans le métro londonien (vidéo de 5 secondes) pour la sortie de cette version du livre en poche !

Articles déjà écrits dans la Ruche au sujet de Tracy Chevalier :

https://quilteuseforever.wordpress.com/2011/06/11/tracy-chevalier/
https://quilteuseforever.wordpress.com/2012/06/06/the-last-runaway/
https://quilteuseforever.wordpress.com/2013/01/10/at-last/
https://quilteuseforever.wordpress.com/2013/02/12/le-mariage-quaker/

. Voir aussi les planches Pinterest de Tracy Chevalier avec des quilts américains, afro-américains, britanniques, des coiffes quakers, etc.

Le mariage Quaker

En plein vote pour une nouvelle législation dans notre pays, la question du mariage pour tous a suscité maints débats. J’étais en plein décalage, plongée dans la lecture du dernier livre de Tracy Chevalier, c’est la conception quaker du mariage qui a piqué ma curiosité…

Du mariage arrangé au mariage par amour, la littérature et le cinéma nous font vivre et revivre toutes les variantes possible de ces unions. Nous voyageons dans le temps et dans l’espace grâce à ces arts…

En ce qui concerne mariage et religion dans notre Europe, on peut aborder le sujet avec Henry VIII qui, pour des histoires de coeur (pour rester polie ;-)) fonda une nouvelle religion : le Pape n’était pas démissionnaire, le roi d’Angleterre l’a donc démissionné ! J’ai lu plusieurs romans historiques sur cette incroyable période mais, vive le cinéma, on peut vivre cette histoire avec ce film :

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Période-clé de l’histoire de l’Angleterre : une envie de mariage bouleverse le statut d’une royauté et mène à la création d’une nouvelle religion…

En France, le clergé catholique a géré tout l’état civil jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Après un premier pas de Louis XVI en 1787 vers la reconnaissance du droit à l’état civil pour les non-catholiques et le droit au mariage pour tous (ce qui veut dire alors : aussi pour les Protestants et les Juifs), c’est à la suite de la Révolution Française qu’a changé radicalement la conception sur le mariage (séparation entre contrat et sacrement), avec la signature à la Mairie ainsi que la création du droit au divorce… tout contrat pouvant être rompu ! Cela donne la trame de ce film aux péripéties amusantes, mais avec un solide fond historique :

les-maries-de-l-an-iiUne excellente comédie à voir ou revoir !

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Mais quelles étaient les règles du mariage quaker du temps de l’héroïne de Tracy Chevalier ? Autour de cet évènement, une scène choc est incomprise par de nombreux lecteurs américains (critiques sur le site Amazon.com), alors que je crois qu’elle est dans le droit fil de la religion quaker : il n’y a aucun intermédiaire entre Dieu et chaque Quaker qui agit avec simplicité et intégrité…

Ce thème du mariage est troublant dans le livre The Last Runaway, si différent de ce à quoi on s’attend… Un mariage dans un roman suscite forcément quelques pages de rires, de pleurs, de recueillement, de félicitations, de ripailles, de cadeaux, de disputes, de musique… Un tourbillon autour des mariés !

Là, le silence de la protagoniste nous instruit de manière singulière comment est considéré le mariage chez les Quakers de cette époque. Ce n’est pas un sacrement religieux ; c’est une décision des premiers intéressés, scellé par les familles par un accord oral. Les promis déclarent leur union simplement lors de leur réunion religieuse, annoncée sans tambour ni trompette. De même, si un désaccord insurmontable survient, la séparation est déclarée sans autre forme de procès.

Autres temps, autres moeurs… Nous sommes si loin de la simplicité de fonctionnement de cette religion hyper-sobre… Mes recherches sur les Quakers me rappellent ma fascination du « Less is More » également prôné par Dominique Loreau dans ses livres : L’Art de la simplicité, l’Art de l’essentiel, l’Art de la frugalité et de la volupté… Les très gros tirages de ces livres prouvent que je ne suis pas la seule à trouver un attrait et du bon sens à tous ces conseils… même si je n’arrive pas à les mettre en pratique !

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Vous serez sans doute amusées par la nature de la dot demandée lors d’un mariage quaker… à découvrir dans le livre The Last Runaway ! En attendant, voici un ravissant exemple de quilt de mariage (bloc des anneaux de mariage), fait par Kumiko Minami.

Vous trouverez aussi de très nombreuses déclinaisons de ce bloc des anneaux de mariage sur le blog Quilt Inspiration, à partir du 28/01/2013. Quelle infinie variété  !

A la découverte des Quakers

En attendant la traduction française de « The Last Runaway » que je ne manquerai pas de vous signaler, j’ai envie de vous parler des Quakers tels que je les ai découverts dans ce livre. Mais promis, je ne déflorerai pas l’histoire de ce livre formidablement bien écrit, à l’écriture simple et dense. L’expression qui guide Tracy Chevalier en matière de style est « Less is More », « moins c’est plus », expression du célèbre architecte allemand L. Mies van der Rohe.

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Chaise d’une simplicité confondante, signée Mies van der Rohe, devenu un des symboles du design du XXe Siècle.

J’espère que vous n’aurez pas trop d’idée préconçue façonnée par la pub quand vous le lirez, car ce n’est pas qu’un livre sur la traque des esclaves en fuite, ainsi qu’il est abusivement vendu aux Etats-Unis ; ce n’est pas non plus qu’un livre « sur le patchwork »… Vous seriez déçue dans votre attente, alors que ce livre c’est beaucoup plus… Vous lirez plutôt la vie d’une jeune femme qui veut vivre en accord avec ses convictions dans un monde neuf et âpre… Je ne vous en dirai pas plus, sinon qu’elle est Quaker, univers que j’ai cherché à mieux connaître.

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Henry VIII en 1539/1540, peint par Holbein-le-Jeune

Vous savez peut-être qu’après une grosse colère d’Henry VIII contre le Pape qui ne voulait annuler son premier mariage, l’Anglicanisme voit le jour. Tout mouvement en entraînant d’autres, un bon siècle plus tard les Quakers se forment pour vivre une foi plus proche des Chrétiens primitifs, sans hiérarchie ni clergé, ni même aucun sacrement… sujet du prochain article !

Naissance Pennsylvanie

William Penn (1644-1718), Quaker persécuté en Angleterre,  fonda Philadelphia,  havre pour tous les persécutés et pépinière de l’économie libérale,  et écrivit la base de la Constitution américaine. Ci-dessus, signature de la fondation de la province de Pennsylvanie.

La religion est pour le Quaker une affaire personnelle, chacun cultive « sa lumière intérieure » qui le guide dans la vie. Contrairement aux Protestants qui se basent d’abord sur les écrits de la Bible, les Quakers se fondent sur les paroles de Jésus pour une religion humaniste, implantée dans la vie quotidienne, sociale et politique.

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Mosaïque dans le Jardin de la Paix de Bristol (GB), avec les thèmes directeurs de la foi Quaker :
Paix, Egalité, Simplicité, Vérité

Ces mots  ne vous rappellent-t-ils pas les Amish ? Ceux-ci sont effectivement de lointains neveux. Mais les Amish vivent volontairement retirés alors que les Quakers sont pleinement intégrés dans le monde. Par exemple, des femmes Quakers jouèrent un grand rôle pour l’obtention du droit de vote des femmes aux USA. Plus étonnant, des ONG comme Amnesty International, OXFAM ou Greenpeace furent fondés par des Quakers !

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Tout comme l’axiome de T. Chevalier pour son style d’écriture, pour un Quaker, Less is More. Peu de paroles pendant les réunions religieuses, mais des phrases qui sortent du coeur,  guidées par la Lumière Intérieure, que chacun peut énoncer. Peu de fioritures et de couleurs dans les vêtements, mais du bon basique. J’ai aussi découvert dans le roman que les Quakers d’alors n’utilisaient ni le nom de nos mois, ni celui des jours de la semaine, en raison de leurs références aux dieux ou empereurs romains (jeudi, mars,  juillet) ; de même, par souci d’égalitarisme, le tutoiement archaïque anglais est utilisé (deuxième personne du singulier, thee), ce qui est déroutant au début en anglais mais ne sera pas aussi bizarre en traduction française…

Les quilts quakers ont moins de particularités criantes que les Amish puisque les femmes sont intégrées dans la société ; vous pouvez néanmoins vous renseigner sur ce blog : Quaker Quilts.

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Quilt de Rebecca Scattergood Savery fait à Philadelphia en 1827.
Tout comme les Amish, les quilteuses quakers osent la couleur et la complication… uniquement dans leurs quilts !

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Quilt quaker réalisé dans les années 1840 en Pennsylvanie. Il a certainement été monté à la manière anglaise, méthode chère aux Quakers (chaque pièce de tissu est préparée sur son propre gabarit en papier). On n’oublie pas une technique de patchwork apprise dans sa jeunesse !

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