Brodeurs bretons et autres artistes celtiques

Si on vous parle de brodeur breton, vous penserez peut-être à Pascal Jaouen, une des personnes qui renouvelle la broderie bretonne et sait intéresser les nouvelles générations. A partir des matières premières, des couleurs, des points traditionnels, il fait des tableaux innovants dont s’inspirent de nombreuses brodeuses actuelles.

broderie bretonne

Pascal Jaouen fait aussi des robes absolument remarquables pour les fées celtiques comme Nolwenn Leroy (beau prénom !)… J’ai trouvé un bon article d’introduction ici, ainsi qu’un article sur son magasin de prêt-à-porter de Quimper, géré par sa fille Katell (autre beau prénom ;-)). Ce que j’y ai vu l’été dernier n’avait aucune broderie, mais les formes étaient réellement innovantes et les matières nobles. Ces vêtements sont originaux et made in France, à soutenir donc ! Une nouvelle collection est en préparation pour 2014.

brodeur-bleu

Le Brodeur Bleu, ce titre fait écho au « pays glazig » du côté de Quimper. C’est un livre qui présente tout l’art innovant de Pascal Jaouen. Le mot breton « glaz » ou « glazig », traduit par bleu et petit bleu, souvent signifie plutôt une couleur de la Nature indéfinie, qui va du bleu au vert plus ou moins grisé, couleurs du paysage et surtout de la mer sous le soleil ou les embruns… Le Breton est une langue poétique ! Cette même imprécision existe avec le mot glas en gallois et autres langues celtiques, ce qui m’a été confirmé par la peintre Valériane Leblond qui habite dans le Pays de Galles.

tableau glazig v leblond

Palette glazig pour ce tableau  en cours de Valériane Leblond (photo FB)

couple de pêcheurs gallois

Couple gallois dans un décor glazig ; homme et femme tirent l’aiguille !
Peinture sur bois de Valériane Leblond.

Dans le passé breton, le kemener, tailleur-brodeur, avait un statut bien étonnant. Avant la Révolution Française, seuls les Nobles et les plus riches avaient accès aux dentelles et broderies, mais au cours du XIXe siècle, ces artisans tailleurs brodeurs itinérants ont développé leur art de bourg en bourg, particularisé les costumes par région… Méprisé par les autres hommes, le brodeur souffrait d’une place inférieure dans la société ; parfois un problème physique quelconque l’empêchait de participer aux durs travaux des champs ou de la pêche. Par nécessité donc, il apprenait à tailler et broder… puis passait beaucoup de temps à discuter avec les femmes du foyer en l’absence des hommes !… Alors, vous imaginez les soupçons, d’autant plus que le brodeur, plus raffiné, plaisait bien aux femmes… C’était lui aussi qui colportait les nouvelles de famille en famille, il était également habile négociateur et entremetteur pour les mariages !* Puis, avec l’arrivée de la machine à coudre, les brodeurs se sont sédentarisés,  certains sont devenus des entrepreneurs respectés… Croissance qui s’achèvera avec le prêt-à-porter de la 2e moitié du XXe siècle.

Un des points de broderie spécifiquement bretons que j’aime est le point de Neudé, un point issu du point de chaînette. On ne le trouve nulle part dans les encyclopédies françaises anciennes, mais il apparaît ailleurs dans le monde, on l’appelle alors souvent le point de chaînette-échelle. Un livret vient d’être édité sur ce point en particulier**  et je suis fan de leurs explications, à la fois pour droitiers et pour gauchers ! Je me sens moins rejetée (pour rire). Le Neud en breton est simplement le fil, la fibre. De façon générale on « neudait » quand on brodait ! Ce point de Cornouailles figure surtout brodé en blanc (ou jaune safran) sur les coiffes de deuil. Qu’elles sont belles et sobres ! Alors, pour offrir un kit original en Journée de l’Amitié de France-Patchwork 31 hier, Christine l’Abeille s’en est inspirée pour créer ce porte-aiguilles :

CT Ruche Quilteuses

Coeur brodé en point de chaînette avec passé plat, branche en point de tige et feuilles en point de neudé.
Perles de rocailles autour de l’ouverture. On dirait presque un coquillage !

coiffe neudé

Coiffe à plat aux broderies traditionnelles en neudé (toutes les longues feuilles allongées), passé plat (pois) et feston (roues).

Même en Bretagne, ce point n’existe pas partout, il est typique de la broderie bigoudène, en particulier sur les coiffes de deuil brodées par les femmes, en ton sur ton blanc ou safran.

*Le statut du brodeur est développé dans le livre « Broderies en Bretagne » de Hélène Cario et Viviane Helias (Coop Breizh), excellent livre riche en histoire et en technique !

** Cahier de broderie n°1,Le Neudé, OdileLe Goïc-Le Guyader – Confédération War’l Leur

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Actualité de Pascal Jaouen : cet artiste-enseignant sera à « L’Aiguille en Fête » pour notre plus grand plaisir !

kit broderie pascal jaouen

Pascal Jaouen a créé cette Bretonne à la manière du peintre Mik Jegou, son ami.

Actualité de Valériane Leblond : elle peint sans relâche afin de proposer de nombreux tableaux au Centre du Quilt Gallois à Lampeter, parallèlement à la grande exposition de Kaffe Fassett, autre homme dans ce monde féminin… Je rêve de trouver un moment pour y aller !…

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Affiche de l’évènement

valeriane leblond campagne galloise

« Dans le jardin de Mrs. Jones », au coeur du Pays de Galles… Peinture de Valériane Leblond.

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