Diabolical Jane

J’ai récemment découvert un modèle de quilt inspiré d’un quilt ancien américain, très simple à faire, rapide et scrappy… Pour moi, l’idéal pour vider la tête et alléger un peu mes tiroirs de tissus. Son nom ?

Diabolical Jane !

Jane, Jessie et Melinda, membres de la Modern Quilt Guild de Washington DC, sont tombées amoureuses d’un quilt anonyme des années 1830, lors d’une visite au Musée National des Femmes Artistes (https://nmwa.org/ à Washington, DC). Ce Musée expose de nombreuses artistes telles que Sonia Delaunay, Frida Kahlo ou Faith Ringgold. L’exposition temporaire, « Workt by Hand, Hidden Labor and Historical Quilts », provenant du Musée des Arts de Brooklyn (New-York), a eu lieu fin 2013 – début 2014. L’expo est photographiée dans ce livre :

Catalogue de l’expo, édition épuisée
On voit LE quilt au centre, photo Lee Stalsworth
Voici le quilt original que les historiens situent aux alentours de 1830. Photo du livre “Workt by Hand” faite par Jessie Aller. Les carrés manquants en bas rendent possibles la mise sur un lit à baldaquin (avec des colonnes).

Les trois amies se sont penchées sur les photos du quilt, Jessie a créé un article avec d’excellentes explications et elles se sont lancées dans leur réalisation. Est-ce LA Jane du groupe, la Diabolical Jane du titre qu’on n’oublie pas ?… 
Vous pouvez voir leurs quilts ainsi que les inspirations sur Instagram #diabolicaljane.

Jessie a interprété le quilt, marquant bien le X central avec des tissus fortement contrastés, jouant avec des imprimés que nulle part ailleurs on n’oserait associer !
Le quilt est immense, il a été très joliment quilté par Rachel Hauser, voir son article avec des photos du quilt fini.

Alors c’est décidé, pendant ce confinement, je fais un Diabolical Jane !

J’avais un réel besoin d’entrer dans ma bulle créative, pour « digérer » de mauvaises nouvelles, un décès, une maman souffrante, une amie proche très malade. Parfois, il faut égoïstement penser à soi pour surmonter une épreuve et ensuite pouvoir soutenir les autres. Les actualités anxiogènes n’arrangent rien. Alors m’immerger dans un nouveau projet de quilt me rend plus forte. 

Un de mes tissus préférés sera dans mon Diabolical Jane. Impossible de retrouver ses références, désolée…

En fouillant dans mes tiroirs, j’ai eu envie de bleu, ce bleu lumineux que je n’ai pas utilisé récemment, car mes derniers tops sont verts et orange, je vous les montrerai une fois quiltés. J’ai acheté voilà 3 ans des fat quarters de tissus épais tendance japonaise, bleus avec des impressions noires (Twilight de Windham Fabrics). Et, pensant à Valériane Leblond qui met presque toujours des oiseaux dans ses tableaux, j’ai ajouté comme base le reste de mes petits oiseaux adorés aux ailes d’un bleu approchant, dont j’ai depuis longtemps oublié la provenance :

La palette de couleurs s’est enrichie sans trop y penser d’or et d’argent, je veux dire de jaune et de gris. Et voilà ! Tissus modernes et traditionnels, vieux fonds de tiroirs et achats récents, tissus japonais, américains de chez Alice et indiens de Neelam cohabitent en un vrai scrap-quilt. J’ai consacré trois pleines journées à ce top, égoïstement et sans aucun remords. Un jour et demi pour choisir les tissus, les couper, les combiner, les changer maintes fois de place, et un jour et demi pour assembler les briques.

J’ai souhaité travailler en cm. Je me suis aperçue que chaque brique mesure 3 carrés + marges de coutures. J’ai donc choisi des carrés coupés de 9 cm, cousus de 7,5 cm. Une brique coupée mesure chez moi (3 x 7,5) + 1,5 cm sur (1 x 7,5 cm) + 1,5 cm = 24 x 9 cm. Il faut en couper 8 par tissu (cela rentre dans un fat quarter), 16 si le tissu est répété, ou 4 seulement si c’est dans le grand X central.

Le montage est comme un 1/2 log cabin, qu’on reproduit à l’identique 4 fois. Voyez les schémas de Jessie Aller pour mieux visualiser la structure. Le truc amusant de ce modèle, c’est qu’on commence par un carré qui se trouvera au milieu de la bordure ! Le X central assemble les 4 parties et, même si ses couleurs sont importantes, il ne se coud qu’à la fin.

Le placement des couleurs : j’ai utilisé le PDF disponible en fin d’article de Jessie Aller, un schéma de placement des briques. Mon brouillon est tout gribouillé, le résultat est différent de ma dernière version écrite et peu importe, ce qui compte est que je suis satisfaite du résultat !

Voici le centre de ma Jeanne la Diabolique. Je tenais à mettre un petit oiseau au centre !

 

Le départ d’un quart de top se trouve ici à droite, un carré gris et deux triangles jaunes. Et puisqu’on est entre nous, je vous montre ici le carré plus clair qui ne devrait pas être ainsi : je me suis trompée de sens, le tissu est à l’envers. Une erreur de débutante ? Une erreur de quilteuse qui a eu la flemme de découdre et recoudre juste pour ça.

 

Ce top mesure 2 m de côté. Il serait très beau plus petit aussi, avec par exemple des briques coupées de 18 x 7 cm (carrés de 7 cm coupés, 5,5 cm cousus). On ne le voit pas beaucoup, mais je voulais vous montrer, sur la droite, mon oranger du Mexique (Choisya ternata) fleuri comme si on était en avril… Il embaume divinement ! Ce dimanche, premier jour de ciel gris depuis longtemps ici du côté de Toulouse, mais la température reste étonnamment douce pour la mi-novembre.

J’étais bien concentrée sur ma tâche mais, comment dire, mon esprit vagabondait. Et c’était bien le but, m’échapper un temps de la réalité. En préparant ce top, j’avais en tête à la fois l’épopée de la Route 66, l’Histoire des USA avec ses migrants européens fuyant la pauvreté comme dans Y Cwilt Je pensais à cette petite fille galloise du conte de Valériane Leblond. Elle a pris vie, elle m’a chuchoté pourquoi, des années plus tard, elle voulait partir à son tour. Promis, elle vous le racontera ici prochainement. Dans cette petite histoire sans prétention, vous saurez faire la correspondance entre la fiction et la réalité, car dans tout récit on y met du sien !

A très vite avec Gwen,
Katell

Ce quilt veut s’appeler  OH ! Gwen… Vous comprendrez bientôt pourquoi !

Des tournesols

Même si les tournesols de l’année sont à présent séchés et récoltés, j’ai envie de vous parler aujourd’hui de ces soleils des jardins. Enfant citadine, je ne connaissais des tournesols que les peintures de Van Gogh qui ornaient parfois des boîtes de chocolat ou de gâteaux. Culture naguère confidentielle dans notre pays, nous nous réjouissons de voir maintenant ces champs radieux… en espérant que ce sont des cultures respectueuses de la terre nourricière et des insectes butineurs.

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Si la culture du tournesol (pour l’huile) ne s’est étendue en France qu’à partir des années 1970, ces fleurs monumentales attirent depuis longtemps les jardiniers et Claude Monet ne pouvait y rester sensible : à Giverny il en poussait chaque année, et déjà à Vétheuil, dans son jardin précédent, il y en avait des rangées entières :

Le jardin de l'artiste à Vétheuil

Le jaune orangé des fleurs est idéalement complété par le bleu du ciel, des ombres et des poteries chinoises (« Jardin de l’artiste à Vétheuil », 1880)

Encore bien plus connus sont les tournesols en vase de Van Gogh, série de tableaux répartis dans plusieurs musées et chez de rares collectionneurs particuliers. On peut parfois jouer au jeu des différences tellement certains se ressemblent ! Mais la peinture vigoureuse de Van Gogh éloigne ces natures mortes des simples représentations décoratives, on peut deviner  avec ses fleurs à tous les stades de maturité une allégorie de la vie…

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Vous pouvez lire ici l’article d’une guide de Giverny comparant les bouquets de Tournesols peints par Monet et Van Gogh.Van_Gogh_Vase_with_Three_Sunflowers

Celui-ci appartient à un particulier.

 Découvrons aussi aujourd’hui une artiste qui a rendu hommage à Van Gogh à sa manière : Faith Ringgold.

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Faith Ringgold, née à Harlem (New-York) en 1930, a toujours voulu faire passer ses idées via ses peintures et quilts.

Femme très connue aux Etats-Unis, elle fit partie de tous les combats des années soixante/soixante-dix pour l’émancipation des femmes et contre le racisme. Elle a également contribué à ce que l’art du quilt sorte des arts mineurs et soit considéré aussi comme une oeuvre artistique à part entière digne des plus grandes galeries.

Dans les années 90, Faith Ringgold a beaucoup ironisé sur le paradoxe de l’art moderne, en particulier le cubisme, parti de l’art « primitif » africain pour en faire de l’art « civilisé » occidental. Elle a fait aussi des mélanges de genres, utilisant des thèmes de peintres mondialement connus pour faire passer des messages propres à ses causes. Ainsi, les tournesols de Van Gogh sont-ils interprétés dans ce quilt :

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Cette « quilting Bee » dans un champ d’Arles (on reconnaît des maisons peintes par Van Gogh) réunit les grandes figures du combat des femmes afro-américaines sous l’œil bienveillant du peintre. Les couleurs de peau des visages répondent aux couleurs des tournesols. Quilt majoritairement peint mais aussi piécé.

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Thème similaire, celui-ci inclut tournesols (encore assimilés aux visages) et champ de coton, symbole de l’esclavage… et de la matière première du quilt.

Cette artiste est très connue des enfants car elle a édité des livres pour eux et ses tableaux/quilts sont souvent étudiés en classe tant pour leur technique que pour l’histoire qu’ils racontent.

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Les tournesols, plantes d’origine américaine, ont leur juste place dans les quilts. Ils poussent si bien dans les grandes plaines centrales du Canada et des Etats-Unis ! Le bloc traditionnel est le suivant :

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Bloc interprété par Becky Brown

Il fut proposé par Barbara Brackman en bloc du Grandmother’s Choice Sampler quilt, voyez ici l’article à ce sujet. Je l’avais interprété ainsi :

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Difficile à piécer ! Dans l’Encyclopédie des blocs piécés de Barbara Brackman*, il existe beaucoup d’idées de tournesols, parfois proches d’une assiette de Dresde ou d’une roue. Pour symboliser les tournesols, on peut aussi choisir un autre bloc, plus facile et néanmoins spectaculaire, comme cette variante de « the wheel of fortune » :

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Ce livre comporte plusieurs interprétations du bloc de la Roue de la Fortune, on en voit une sur la couverture en bas à droite. 

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Avec des couleurs ensoleillées on peut en faire un tournesol ! Qu’en pensez-vous ?

Pour finir, une belle réussite d’art classico-contemporain :

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Création de Jen Houlden, Canada. Vous pouvez lire ses explications pour faire ce superbe tableau ici.

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Un magnifique travail de patchwork et de « dessin » à l’aiguille-machine !

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*Ce livre est épuisé depuis 2011, Barbara a écrit ici un petit article à ce sujet. Il est à présent disponible en e-book. J’ai été bien inspirée de l’acheter en 2010 à la suite d’un article de France Aubert, bonne conseillère !