La Dame Verte de Brooklyn… Elle nous rappelle, comme Oscar Wilde :
Soyez vous-même, les autres sont déjà pris. Oscar Wilde
Loin des Dames Blanches dans les histoires de fantômes qui font bien peur la nuit (ou pas !), il est une Dame Verte qui poursuit joyeusement sa petite obsession : rien n’est plus beau que le VERT, proclame-t-elle !
Elizabeth Sweetheart (son vrai nom est Elizabeth Eaton Rosenthal) s’habille depuis bien 30 ans en couleur citron vert/Granny Smith, elle voit ainsi la vie en rose (j’en rajoute un peu trop, non ?).
Hiroko Masuike/The New York Times
Son univers vert s’est fait peu à peu, comme une collection qui s’agrandit sans bruit, envahissant peu à peu toute sa vie, jusqu’à la racine des cheveux. Elizabeth, 80 ans, est artiste, elle peint des aquarelles en mini format, elle a beaucoup travaillé aussi avec des designers de mode, peignant les tissus à la main.
Elle s’étonne toujours quand les gens lui disent : oh le vert est aussi ma couleur préférée… mais ils s’habillent en noir ! Où est la logique ? Pourquoi ne pas se faire plaisir avec sa couleur préférée ?
Le vert autour d’elle entretient son sourire chaleureux, sa vision optimiste de la vie… Nous la lui souhaitons encore très longue et… toujours verte !
Betty sait toujours me dénicher des sujets étonnants, alors je me permets de partager cette info insolite que j’ai bien aimée !
Vous savez sans doute que les Américains sont de très gros mangeurs de chips. C’est d’ailleurs un chef cuisinier mi-noir mi-indien qui les inventa dans son restaurant de Saratoga Springs en 1853 : il servit des lamelles de pommes de terre frites et outrageusement salées à un client qui trouvait ses frites classiques trop grosses… La satisfaction inattendue du gourmet exigeant rendit cette garniture célèbre dans la région ! Ce n’est qu’au siècle suivant qu’Herman Lay créa la fabrication industrielle de chips (marque Lay’s), les de-Lay-cious grignotages… Des histoires de réussites à l’américaine.
Chip, cela signifie copeau, fine lamelle. George Crum (1824-1914) fut le premier à en servir en restaurant !
Évidemment, on ne peut croire que personne n’ait fait de fines lamelles de pommes de terre frites et salées auparavant, mais ce sont celles de George Crum qui sont passées à la postérité !
Chez nous, les rayons de chips ont aussi un succès grandissant et ces spécialités s’étalent au fil des ans, promettant du croquant, du croustillant, du salé, du piquant, plaisirs gustatifs hautement addictifs…
On ouvre le paquet, on picore, et hop le paquet vide part à la poubelle (dans le meilleur des cas). Aucun recyclage prévu pour cette matière très légère et imperméable. Les premiers paquets de chips à emporter étaient en papier ciré. A présent, c’est cette matière très fine et légère, brillante et bruyante, bien caractéristique, qui conserve les chips.
Eradajere Oleita (photo Facebook)
Eradajere Oleita, une Nigériane de 25 ans vivant à Detroit – ville dont je vous ai déjà parlé par ici – a fait parler d’elle voilà 3 jours : CNN a fait un reportage sur son utilisation des paquets de chips vides ! Cette matière prête à jeter ressemble à celle des couvertures de survie, ces feuilles fines dorées/argentées inventées par la NASA, puis utilisées couramment pour prévenir l’hypothermie. Elles ne coûtent pas grand chose mais peuvent sauver des vies.
Alors, que fait Erada avec des paquets de chips récupérés ? Elle les ouvre, les assemble par soudage, les double, pour en faire des sacs de couchage pour les SDF de sa ville. Le froid est intense ces jours-ci à Detroit et la matière de l’emballage agit contre la déperdition thermique : elle ne crée pas de chaleur, mais conserve celle du corps et l’isole de l’humidité. C’est sa contribution pour donner un peu de chaleur solidaire.
Il lui faut environ 4 heures et 150 paquets de chips pour faire un sac de couchage. Son but est d’en faire 60 en un mois (soit 9 000 sacs de chips utilisés au lieu d’être jetés) avec l’aide de volontaires. Elle vient de créer un blog à cet effet.
Dans l’interview par CNN, Eradajere Oleita insiste sur la démarche de recyclage tout autant que l’aide aux plus démunis. Cette action, qu’on peut croire dérisoire, met le doigt sur le gaspillage intense des matières premières. Un sac ne coûte sans doute presque rien à produire, ce n’est pas une raison pour le jeter à perte.
Jamais je n’aurais cru vous présenter un jour un patchwork fait en emballages de chips !! En revanche, j’avais aidé une étudiante aux Beaux-Arts à coudre un quilt brillant or et argent en utilisant une couverture de survie… C’était il y a bien longtemps, avant de commencer ce blog, et j’en ai perdu les photos… Dommage !
Je vous souhaite une belle semaine, avec ou sans chips au menu ! Katell
Aucun rapport avec un exercice de fitness, sinon celui des doigts et des méninges ! Bee Maïté nous raconte la belle histoire de la sauvegarde d’un pan de notre patrimoine.
J’ai hérité l’an dernier d’un touchant petit tas d’exercices de couture, tous de la même taille, venant du grenier d’un monsieur décédé à 101 ans, le Papa de ma plus ancienne amie. Ces bouts de tissu étaient appelés à être assemblés harmonieusement en une longue bande dite rouleau de travaux manuels ou bande d’écolière.
C’était le temps où le prêt-à-porter n’existait pas, où chaque jeune fille apprenait à tirer l’aiguille quelle que soit sa condition sociale et où le métier de couturière était un débouché fréquent d’émancipation de la femme. Les magasins de mercerie et de tissus abondaient dans nos villes et jusque dans le moindre village, toute une économie tenue majoritairement par les femmes (un souvenir ému pour Annick et sa maman).
Ces apprentissages faisaient le tour de la plupart des techniques nécessaires pour s’occuper du linge de la maison, pour coudre des vêtements, pour embellir le nécessaire.
Si le rouleau d’exercices était populaire, on pouvait aussi coller les fiches textiles dans un cahier ou un album en les accompagnant d’un commentaire, ou encore les ranger dans une boîte. Au XIXème siècle et une bonne partie du XXe, les jeunes filles de 11 ou 12 ans apprenaient au collège ou dans une école privée diverses techniques de couture, broderie ou tricot. Le travail était toujours remarquablement soigné. On imagine mal aujourd’hui exiger la même chose de jeunes filles de cet âge. L’enseignement de la couture au collège a cessé en 1965.
Les divers exercices assemblés arrivaient à constituer un rouleau pouvant atteindre 14 m de long (la longueur moyenne étant de 7 à 8 m). La bande que j’ai reconstituée fait 4,5 m de long.
J’ai trouvé particulièrement émouvant d’avoir entre les mains ces travaux si précieux et de les avoir sauvés d’un grenier où ils ne demandaient qu’à revivre. C’est chose faite. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Mon rouleau est maintenant bien protégé dans la boîte ronde en lin que j’ai fabriquée.
Un beau souvenir des travaux manuels de nos aïeules, qui n’avaient jamais le droit de rester inactives ! Maïté
Maïté est un modèle de bonne humeur et d’humour même en temps difficiles, cette citation lui va donc bien, sur un fond de vœux brodés parRieko Koga:
Le vaudou, voilà un mot qui évoque bien vite des poupées criblées d’épingles pour jeter un sort, et pourtant… les poupées à l’effigie d’une personne, les poupées d’envoûtement, existent bien dans la sorcellerie… occidentale, depuis bien plus longtemps ! Nous avons transféré nos peurs sur les pratiques vaudou qui, effectivement, tentent parfois de jeter un sort (bon ou mauvais, par exemple attirer l’amour ou l’échec à distance, sans toutefois souhaiter la mort…) à l’aide d’un petit paquet ficelé à la morphologie d’une personne… parfois piqué d’épingles, mauvais signe pour la personne visée 🤔
Le vaudou, c’est, à Haïti principalement (mais aussi sporadiquement dans le monde entier), une assimilation de rites et croyances venant d’Afrique de l’Ouest à ce que les Blancs ont inculqué à leurs esclaves, à savoir la religion catholique. Ainsi des Esprits africains portent-ils des noms de Saints catholiques, et inversement. La pratique du vaudou fascine bien au-delà de son influence, en raison des Zombis, ou morts-vivants, qui cristallisent les fantasmes sur le thème de la résurrection… Les Chrétiens ont tout fait pour diaboliser le vaudou, l’assimiler au satanisme et la sorcellerie, car il « parlait » trop bien aux âmes africaines, empêchant la parfaite christianisation de ce peuple déplacé de force.
C’est d’abord pour des raisons esthétiques que Betty Ford-Smith s’est intéressée à des ouvrages vaudou. Je lui ai demandé de nous écrire sur le sujet, en voici la traduction.
Drapeaux de perles et sequins de Haïti, collection de Betty Ford-Smith
J’ai commencé à collectionner les drapeaux et bouteilles vaudou à la fin des années 1970, lors d’un séjour dans les Îles Vierges, à Saint-Thomas. Jamais je n’avais vu d’objets aussi fascinants au cours de mes voyages précédents ! J’adore tout ce qui brille, les paillettes et les strass, et c’était le summum du brillant dans le monde des arts ! Autant que je le sache, cette forme d’art est unique, à Haïti. Attention à ne pas tenter de les copier, Haïti a établi un copyright mondial sur cet art.
Des bouteilles vides transformées en œuvres d’art qui brillent !
Les drapeaux – appelés drapos localement – viennent directement de la religion Vaudou, où ils étaient disposés sur les murs des temples. Le Vaudou est un mélange de croyances africaines arrivées à Haïti avec les esclaves et du Catholicisme enseigné par les Missionnaires, avec l’addition discrète mais réelle de croyances du Nouveau Monde (des Amérindiens). Au fil du temps, les touristes visitant les temples ont souhaité acquérir des drapeaux. Quelques Hougans (des prêtres vaudou) acceptèrent, car le besoin d’argent pour aider la communauté était criant. Ils firent d’autres drapeaux pour leurs temples, puis directement pour le marché touristique.
Au-delà des couleurs et de la signification religieuse derrière les images, ce sont les bordures décoratives qui attirèrent mon regard parce qu’ils me rappelaient les quilts des USA. Les perles et sequins sont cousus sur du coton ou de la récupération de sacs texturés en plastique ayant contenu du riz ou des haricots, puis doublés de beau satin, encadrant le tableau d’un surplus de brillance. Chaque scène est faite de perles et sequins fixés à la main avec du fil et une aiguille, l’un après l’autre ; de une à quatre personnes peuvent y travailler en même temps.
Ces drapeaux sont d’incroyables œuvres d’art, scintillantes et hypnotiques. On trouve tout un monde de symbolismes, aussi bien les symboles des cartes à jouer (Cœur, Carreau Trèfle et Pique) que ceux des Francs-Maçons, librement utilisés, mais aussi des bougies, des têtes de mort, des visages de Saints, etc. dans le design de ces tableaux uniques.
Les Haïtiens échangent avec les Esprits – ou Loas, du mot français Loi – dans un système de croyances et rituels fortement codifiés, ce qu’ils savent décoder dans les représentations des drapos. La plupart des collectionneurs sont comme hypnotisés par les couleurs, la brillance et la qualité de l’artisanat de chaque ouvrage. Parfois, le nom de l’Esprit invoqué est marqué dessus, sur d’autres il y a un indice appelé vévé, un symbole graphique :
De plus en plus, les noms sont écrits pour faciliter la compréhension et l’identification de l’Esprit du drapo.
Les drapeaux étaient traditionnellement cousus par les hommes, mais à présent quelques femmes ont rejoint les rangs des experts. J’ai lu quelque part que les sequins et perles furent découverts dans les manufactures de confection tenues par des Français installés à Haïti. A la fin de la journée, tout ce qui était tombé par terre était balayé… Au lieu de les jeter, les Haïtiens ont inventé comment les utiliser d’une autre manière. Ils avaient reçu l’enseignement très pointu de couturières et tailleurs français, leur imagination, leur foi ont fait le reste : les drapos vaudou étaient nés…
De nos jours, certains touristes sont devenus amis avec des fabricants de drapeaux : ils leur envoient des perles du monde entier, pour aider ce peuple si pauvre à continuer d’exercer leur art.
Betty Ford-Smith
Betty est donc à la tête d’une grande collection d’art vaudou, de drapeaux qui forment une exposition itinérante en Floride, où vivent de nombreux Haïtiens. Mais l’intérêt est général, sa dernière expo a remporté un franc succès ! Soixante-quatre drapos de sa collection furent exposés dans le Highland Museum of the Arts de Sebring (Floride) en fin d’année dernière :
Je vous en avais déjà parlé par ici en 2014, mais je voulais compléter ce sujet que Betty m’a fait découvrir et qu’elle continue de faire connaître au grand public, tout comme les Pine cone quilts !
A la suite de cet article qui présentait un mini, mini quiltprobablement de Thaïlande, Huguette du club de la Courtepointe à Réalmont (Tarn) m’en confirme la provenance, car elle aussi a succombé au charme de ce genre d’ouvrage dans ce beau pays !
Elle nous adresse la photo du sac qu’elle en a fait :
Ce sac est un sourire pour bien commencer la journée !
Vous avez apprécié les articles de Catherine K. parus d’abord dans le bulletin France Patchwork 67 ; en voici un inédit à quatre mains, où il est question de nos pieds !
C’est fini. Le couperet d’une faillite est tombé le 15 novembre dernier et enterre sans ménagement la Manufacture Charentaise, dernière fabrique du département, après des siècles de tradition… Est-ce à dire que la Paix régnera en maître sur la planète, puisque sa fabrication fut d’abord réalisée à partir des chutes des costumes de la Marine Royale installée à Rochefort ? Ce serait trop beau si cette ruine reposait sur les gravats d’un ultime conflit armé… Hélas…
Pour relayer la cité de Brouage qui s’ensablait inexorablement, Colbert créa en 1666 à Rochefort une ville nouvelle, y érigeant un arsenal et un nouveau port. Quel essor pour le pays charentais !
Ce tableau de Vernet est un précieux témoignage de l’arsenal de Rochefort en 1763, au moment de la construction de l’Hermione, 100 ans après la construction de ce port..
De grandes quantités de drap de laine arrivaient pour faire les costumes militaires mais aussi les cabans des marins.
Le drap est un tissu de laine retravaillé. Une opération effectuée après tissage, le foulage, qui consomme beaucoup de main d’œuvre, resserre les fibres, les tasse, et leur donne un bel aspect velouté, une surface unie et l’imperméabilise. Pauline BORD, Rochefort en histoire
Les grandes manufactures de drap de laine étaient un peu partout en France -notamment du côté de la Montagne Noire vers Carcassonne, Mazamet, la vallée de Labastide-Rouairoux…- et les tailleurs d’uniformes charentais ont cherché à valoriser les chutes de drap de laine. C’est vers Angoulême que des savetiers s’installent pour faire les premières pantoufles, auprès des moulins à eau des papeteries qui avaient à la fois d’autres rebuts de feutre et l’eau nécessaire au foulage de la laine.
La charentaise se fabriquait alors sans considération politique, ni de droite ni de gauche, simplement ambidextre pour la faire durer. Elle chaussait le paysan pour donner du confort au sabot de bois et conserver la chaleur du dedans en dehors. Déjà la languette, qui protège le coup de pied de la morsure du sabot de bois, donne à la charentaise son identité. Elle habillait aussi bien le pied des domestiques de châteaux pour patiner les parquets et assurer le service silencieux d’un maître chaussé du modèle luxe pour son moelleux. La silencieuse – c’était son surnom – était également portée par les bijoutiers qui, après usage, les incinéraient pour récupérer les métaux précieux tombés en poudre dans leur atelier. En un mot : la charentaise était la reine de la récup’ !
J’ai porté ces charentaises douces et chaudes qui ramassaient la poussière… Elles sont devenues trop ordinaires et ont fini par disparaître de nos rayons de chaussures, étant devenues synonymes de ringardise, de manque de style : on brûle ce qu’on a adoré…
Le confort oui, mais le laisser-aller, jamais. Jean Rochefort
Ce grand acteur, au style inimitable, avait un patronyme en faveur des charentaises, mais décidément il ne cessait de nous surprendre :
J’aime l’habit confortable, mais j’ai la trouille de la charentaise. Jean Rochefort
De plus en plus décalé, de plus en plus original, de plus en plus drôle, ce prodigieux acteur a manié le chic comme personne ! On lui pardonnera sa crainte de la charentaise 😉 Crédit photo Virginie Clavière
Elle n’était sans doute pas assez élégante, en tout cas d’après les critères des magazines de mode, surtout après quelques jours de port où elle se déformait pour mieux épouser le pied, se convulsait avec générosité pour soulager toutes ces douleurs infligées par ces escarpins de luxe qui galbent la jambe et torturent la jolie plante qui s’affiche en public. Finie la douce caresse du feutre chaud qui glisse sur la peau après s’être extirpée du godillot en cuir raide trempé de glace et durci à la graisse, pour être raccord avec le gros pull irlandais, le pantalon de flanelle et la couverture au coin du feu.
La charentaise écossaise qu’on connaît apparaît en 1907, utilisant la technique du « cousu-retourné ». Elle bénéficie d’une Indication Géographique Protégée (Charente & Dordogne).
Terminées ces batailles joyeuses avec Médor qui vous narguait, la savate dans la gueule, pour récupérer le pied gauche, à cloche-pied sur le droit, parce que se balader sur les planchers cirés, juste en chaussettes, c’était le risque de l’écharde. Toutou se rabat sur ces machins en corde tressée, qu’on trouve tout prêts et à prix d’or dans toute bonne animalerie moderne et qui ne présentent plus aucun intérêt pour le jeu.
Envolés ces souvenirs de séances d’encaustique qui lustrent les parquets bien mieux que ces patins sur lesquels on devait surfer maladroitement comme des trappeurs canadiens sur des raquettes à neige. La charentaise avait l’avantage de la camisole, savait dorloter le pied sans que le patin lui échappe, avait cette vertu de faire rutiler les parquets sans le prix de l’effort.
Bien sûr, elle arborait souvent des couleurs d’un autre temps, d’abord en feutre noir, puis en écossais, pour évoquer peut-être le confort à l’anglaise et masquer les tâches éventuelles.
Charentaises de la manufacture Degorce, modèle récent.
Manufacture Charentaise, modèles récents
Ces dernières années pourtant, elle avait osé la modernité à sa manière, c’est-à-dire avec ses gros sabots, avec des couleurs choc et des semelles plastifiées qui renient leur religion feutrée. Encore une page qui se tourne et abandonne dans ses grimoires l’image d’Épinal de la grand-mère confiture, charentaises fatiguées, chignon serré et grand tablier à carreau, tenant d’une main la cuillère de bois trempée de sauce et se tournant vers vous, sourire tendre et regard ridé : « tu veux goûter ? »… Non, trop tard, grand-mère ! Adieu grand-père qui traînait sa carcasse voûtée à pas glissés sur ses chaussons à bords écrasés sous le talon pour rejoindre un Voltaire au velours élimé. Vive la jeunesse éternelle à grands coups d’harpagophytum et d’Arko gélules qui font oublier les tourments de l’âge et la rondeur des sentiments. Et vive le chausson synthétique imposé par la grande distribution, tout droit sorti des mains laborieuses de l’empire du milieu et crevé en trois semaines… comme notre cœur, à l’unisson de celui de cette centaine d’ouvriers du feutre laissés sur le carreau, bien plus rude, celui-là, que celui des charentaises.
Vente à l’usine Rondinaud, photo Phil Messelet
Charentaises Rondinaud.
Il reste tout de même un atelier en Dordogne qui fabrique encore de vraies charentaises ; d’autres usines françaises font des chaussons qui leur ressemblent fort… pour combien de temps ?
Une histoire de dragon au club des Can’canettes
(Castres, Tarn)
Septembre 2018 : les can’canettes commencent la saison, et nous proposons le concours RUBIS de France Patchwork : 3 sont partantes, et au final, ne donneront pas suite, et Aline, outsider, se lance dans le challenge, le 13 novembre 2018 :
Choix des tissus…
…et son idée, reproduire le dragon d’un napperon en dentelle !!
11 décembre, le projet se précise. Un petit bout est posé…..
On ne sait pas encore ce qu’elle mijote !!!! 8 janvier 2019 : Un bout de queue et là surprise !! Elle utilise la technique de Betty pour le Pine cone quilt, mais à l’envers : astucieuse, notre can’canette !!!
Le résultat est bluffant, on jurerait des écailles !! 22 janvier 2019, Aline en plein boulot !!
29 janvier, la queue prend forme.
5 février : Aline cherche déjà le tissu de fond et celui de bordure, bien entendu quelques can’canettes donnent leur avis !
19 mars, quelques détails de plus, pattes, tissu de fond !
Et grande discussion, sur le choix des tissus de bordures. Chacune y va de son petit commentaire…
16 avril : il prend forme, l’échéance approche, le dossier et les photos doivent être envoyées pour le 25 mai, dernier délai.
Le tissu de la tête est trop proche de la bordure, il faut changer !
Un hic !!! Aline n’est pas adhérente France Patchwork, donc elle doit s’inscrire avant de pouvoir postuler pour le concours, nous la harcelons, lui préparons même le dossier…..mais de graves problèmes de santé pour son conjoint, l’éloignent du sujet.
14 mai, elle peaufine la tête, la langue, l’œil, les dents…
…Les pattes et griffes…
21 mai le quilting ; on sait déjà qu’il ne participera pas au concours RUBIS de France Patchwork et en sommes navrées vu le travail accompli !!
Nous cherchons une solution……. Et demandons conseil à Katell : le délai est dépassé, donc pas question de le proposer au concours, aussi pour que ce dragon vive et soit reconnu, elle nous propose un article en septembre sur son blog de la Ruche des Quilteuses…
Toutes les can’canettes, et Aline, te disent : MERCI !!!
11 juin : terminé, il est flamboyant ! Mais il manque un détail important : comment va-t-elle l’appeler ???
Et là c’est son petit fils qui le baptisera :
SMAUGH
Smaugh le doré occupe la montagne solitaire dans le célèbre roman de TOLKIEN, Le Hobbit.
Et une certaine ressemblance… Super, le petit-fils !
18 juin 2019 : Fête de la MJC, et exposition de nos œuvres : bien entendu SMAUGH est présent et admiré comme il se doit.
Bravo à Aline et encore un grand merci à Katell.
Jo Drouet,
animatrice au club des Can’canettes, Les Salvages (Castres, 81)
Quand je pense à Violaine, je vois un grand sourire, une belle spontanéité, un sens artistique inné, le genre de personne que j’aimerais côtoyer bien plus souvent. Vous pouvezrelire l’article qui lui est consacré dans La Ruche par ici.
Aujourd’hui, c’est elle qui nous régale ! Notre reportrice du jour nous donne son ressenti sur un événement récent.
Par un beau dimanche de juillet j’ai assisté, pour la première fois de ma vie, à un défilé de mode ! J’en suis encore toute émerveillée…
En Dordogne, à Villefranche-de-Lonchat, c’était la fête du village et Joëlle Vétillard, artiste textile de renom dont je ne voulais pas manquer la prestation, présentait ses créations vestimentaires avec en prime une robe de mariée décorée de mille fleurs ! Cette robe était bien sûr attendue avec impatience, mais les mannequins (de 4 à 77 ans) savaient si bien mettre en valeur les tenues (toutes plus originales les unes que les autres) que le public, très attentif accueillait chaque modèle avec des exclamations admiratives comme on le fait à un feu d’artifice… Personnellement ce qui m’a le plus frappé dans ce riche et talentueux défilé c’est la créativité apportée par Joëlle aux dos de ses vêtements… Nous avons pu apprécier des dos de toutes sortes : humoristiques, informatifs, surréalistes, ravissants, brodés, patchés… C’est donc avec cet angle de vision que j’ai sélectionné quelques photos pour partager avec vous ce beau moment de juillet que j’ai envie d’appeler :
Hier une lumière a clignoté en moi quand j’ai commencé à lire cet article d’une coach Feng Shui et de remise en forme des intérieurs, pour le bien-être de ses habitants, naturellement. L’article de Karen Kingston développe une idée simple : les œuvres d’art montrant de la nature sont bien plus rassurantes et apaisantes que les œuvres d’art abstraites, elles peuvent même contribuer à la guérison. Tiens, intéressant !
D’autre part, on a longtemps peint les hôpitaux exclusivement en blanc, couleur de l’hygiène, avec des décorations absentes ou affligeantes. Une étude très poussée a conclu la même chose que Florence Nightingale, avec son simple bon sens, il y a bien longtemps :
Aussi peu que nous sachions la manière dont nous sommes affectés par les formes, les couleurs et la lumière, nous savons pourtant qu’elles ont un effet physique et sont des moyens réels d’aide au rétablissement des malades. Florence Nightingale (1820-1910)
Dans le même article, on voit le tableau d’un peintre français qui montre les arrières de la 1ère Guerre Mondiale. Sous les auspices de la Croix-Rouge, la Duchesse de Sutherland s’y dévouait pour soigner les blessés français et prenait le soin de mettre un bouquet de fleurs au chevet des blessés. Décidément, bravo aux Anglaises !
Victor Tardieu, alors ambulancier, peignait les scènes et écrivait des lettres décrivant les horreurs de la guerre et le dévouement des femmes… Tableau du musée Florence Nightingale, St-Thomas’ Hospital, Londres.
Rappelons que le 12 mai, c’est la Journée Internationale des Infirmières, à la date de naissance de la remarquable Florence Nightingale, qui révolutionna les soins au XIXe siècle et tellement plus encore. Vous souhaiterez peut-être lire ou relire la belle histoire du Rajah Quilt, lié à Elizabeth Fry, autre personnalité emblématique du care for women, l’attention portée au bien-être et la dignité des femmes…
Pour les personnes qui travaillent en hôpital tout comme pour ceux qui s’y font soigner, celui de Florence en Italie (ville de naissance de Florence Nightingale, d’où son prénom !), montre l’exemple :
Photo Elaine Poggi, qui a créé une Fondation, Healing Photo Art, une photothèque pour les hôpitaux du monde entier, pour mettre l’art là où il est le plus nécessaire. Des photos de la nature apaisante, d’animaux mignons, de visages souriants, de villages paisibles, tout ce qui est harmonieusement coloré attire le sourire et aide à guérir.
Hôpital de St-Louis dans le Missouri (USA) : des photos de la même Fondation ornent les couloirs, ainsi que dans des dizaines de lieux de soins de par le monde (y compris en France). Bien sûr, un effort général est fait depuis quelques années avec d’autres initiatives tout aussi méritantes.
Elaine Poggi et une de ses nouvelles photos, achetée ici par un centre de traitement du cancer dans l’Illinois (USA).
Pourtant, certains thérapeutes utilisent bien des images abstraites pour que les patients y interprètent leurs soucis, leurs névroses… Que voit-on dans les taches de Rorschach ? Je n’ai absolument aucune imagination, je ne vois que des papillons, non madame-monsieur, cela ne me dit rien d’autre. Ah il faut donc que je me soigne.
En réalité, ce qui gêne dans l’art abstrait d’après l’étude récemment publiée, c’est que les peintres y ont mis leur propres névroses et que cela ne peut reposer l’esprit ! Ou même, l’abstraction rend l’esprit occupé par la recherche de la signification, au lieu de lui apporter réconfort et apaisement. Je n’avais jamais pensé à ça ! La conclusion de la coach est donc d’éviter l’art abstrait chez soi, de préférer les images harmonieuses de la nature, tout comme le préconise indirectement le Feng Shui.
Home sweet home, le confort et l’harmonie de son intérieur, c’est bien dans l’esprit du patchwork. On sait que la plupart des blocs, même d’une abstraite géométrie, ont des noms bien concrets, certains évoquant même des objets du quotidien (la clé à molette et la baratte à beurre, j’adore !!). Les quilts figuratifs sont-ils plus chaleureux et rassurants ? Dans un sens, je suis d’accord, par exemple la palme du cozy revient aux quilts country, avec leurs maisons, leurs étoiles, leurs fleurs et leurs moutons (n’est-ce pas Patchpascale ❤ ?).Cela veut-il dire que nous devons renoncer aux quilts abstraits ? J’y réfléchirai un autre jour ! Je n’en suis pas certaine…
En attendant, voici un florilège de quilts picturaux, parfois à la limite de l’abstrait, d’une femme que j’admire beaucoup, Béatrice Bueche. Je verrais si bien ses œuvres pour calmer, soigner, redonner goût à la vie dans des maisons de soins ! Curieusement mes choix se portent sur des tableaux textiles où le noir est parfois très présent. Pourtant, ils vibrent et me rendent joyeuse !
EDIT : je l’ignorais, mes deux amies cachottières, Béatrice Bueche et Michelle Braun, exposent des œuvres en ce moment-même au Palais Gourmand, un très bon restaurant au nord de l’Alsace ! Voici les deux artistes, le jour du vernissage :
Exposition jusqu’au 6 juillet 2019, 220 rue du Moulin à GOERSDORF. Tel. 03 88 09 42 74.
Que faire au 19e siècle aux Etats-Unis quand on a un esprit curieux et scientifique ? Pour un homme, la question ne se pose pas dans ces termes. Pour une femme, il faut que ce soit acceptable, convenable.
Pour une femme vivant dans l’Iowa rural, une des occupations scientifiques convenables était l’astronomie, sans doute parce que c’était propre et lointain… Sarah Ellen Harding Baker (1847-1886) réussit à mener sa vie familiale avec 7 enfants nés (5 survivant aux difficultés de la petite enfance) et ses recherches sur le système solaire. Elle n’eut pas le temps de poursuivre longuement sa carrière, la tuberculose l’emporta à 38 ans.
Pour transmettre son savoir acquis par de multiples lectures pointues, elle faisait des conférences… mais elle n’avait pas de Power point… Elle fit donc un quilt immense, bien visible en conférence : 225 x 269 cm !
Le top est fait sur une étoffe de laine noire, doublé d’un tissu laine et coton, brodé et appliqué de laine et de soie. Il fut terminé au bout de 7 ans. Il est dans l’esprit des gravures scientifiques d’alors et son système solaire est exact. Elle passa de longues heures au télescope de Chicago pour bien capter les lunes de Jupiter, les anneaux de Saturne… Bien sûr Pluton n’y est pas, planète découverte en 1930.
Ce quilt est conservé au National Museum of American History, à Washington D.C.
L’Allemande Caroline Herschel (1750-1848… vécut 97 ans et 10 mois !) fut la première femme astronome professionnelle au monde, suivie par Maria Mitchell (1818-1889) aux USA. Toutes deux furent de brillantes astronomes. Dans la galaxie des scientifiques de l’espace, elles y laissèrent leur nom (chacune a un cratère de la Lune à son nom, ainsi que des comètes). L’Américaine, en bonne Quaker, ne s’habillait jamais en coton, pour ne pas soutenir l’économie du coton américain lié à l’esclavage…
Je prends ici le temps de vous présenter une oeuvre de Judy Chicago, artiste contemporaine, qui dans les années 1970 créa une table triangulaire de 39 places, chacune étant dédiée à une femme remarquable. Pour chacune, une place avec des symboles, un chemin de table brodé par l’artiste. Certaines évocations très explicites sur l’anatomie féminine ont fait couler beaucoup d’encre !
The Dinner Party, exposé à présent au Musée de Brooklyn
Parmi ces femmes, l’Allemande Caroline Herschel est présentée ainsi :
Broderie à la main par Judy Chicago. C’est superbe, sans scandale, sans critique !
« Miss Cecilia H. Payne – Harvard Obs. Astron. »
Au XXe siècle, la chercheuse brillantissime Cecilia Payne, née en Angleterre en 1900, fit scandale quand elle décida de garder son poste alors qu’elle venait de se marier. Pire, elle osa faire une conférence enceinte de 5 mois. Chocking n’est-ce pas ? Je ne saurai pas entrer dans les détails, mais elle fut la première à découvrir, à 24 ans, que les étoiles sont primairement faites d’hydrogène, elle fit de brillantes recherches sur les étoiles variables, les supernovas… et elle broda, au crépuscule de la vie, une image pixelisée des vestiges de la supernova Cassiopée :
Représentation de ce qui se passa il y a des centaines d’années, à des milliers d’années-lumière de chez nous, avec un art traditionnel féminin. Quelle poésie ! Cette broderie est conservée dans les archives de Harvard. 1975
Au 21e siècle, des femmes sont astronautes… et néanmoins quilteuses, du moins Karen Nyberg ! Pendant les 5 mois de travail intensif dans la station spatiale en 2013, elle trouva le temps de coudre le premier bloc fait dans l’espace ! Elle raconte qu’elle a eu du mal à couper et coudre en apesanteur et estime que ce n’est pas un chef d’oeuvre… mais quel exploit, indéniablement ! Dans cette video elle partage avec nous ses difficultés avec humour et lance un challenge.
Les tissus ne se laissent pas couper facilement en apesanteur.
Une étoile libérée à la manière de Gwen Marston…
C’était en 2013. Elle propose en fin de vidéo que des quilteuses cousent d’autres blocs d’étoiles pour en faire un quilt à exposer à Houston en 2014. Ce qui fut fait, et au-delà !
Une star, Karen Nyberg, autour d’autres stars… 2 200 blocs d’étoiles sont arrivés à la suite de sa proposition et 28 quilts ont été faits ! A Houston en 2014, voici Karen avec le quilt comportant son étoile faite dans l’espace…
Une blogueuse, Katie, a photographié les 28 quilts que vous pouvez voir ici. L’exposition itinérante continue son chemin, elle était à Winedale (TX) en février dernier. La collection de quilts a été offerte au Briscoe Center for American History à Austin (Texas).
Parmi la myriade d’étoiles, un bloc fit sensation :
« Portrait de l’astronaute quand elle était jeune fille ». Il se trouve dans le même quilt que l’étoile de Karen.